À peine deux ans après avoir commencé sa carrière d’auteur-compositeur-interprète country, l’Edmontonien Dan Davidson s’est déjà taillé une place de choix sur la scène country canadienne.

Fin juin 2016, son plus récent simple, « Found », était en 16e position sur les palmarès et en rapide ascension, ce qui en fait la plus populaire chanson indépendante sur les radios country canadiennes, et elle figure également à la liste de rotation fréquente de CMT.

Bien que Davidson soit relativement un nouveau venu pour les amateurs de country, il n’est certes pas un nouveau venu sur la scène musicale, puisqu’il a été le chanteur principal du groupe rock Tupelo Honey pendant plus d’une décennie. C’est d’ailleurs avec ce groupe que son association avec l’éditeur torontois Red Brick Songs avec qui il a conclu une entente d’administration de droits à la fin des années 2000.

Jennifer Mitchell

Jennifer Mitchell de Red Brick Songs

« Nous ne connaissions pas grand-chose au monde de l’édition à l’époque », raconte Davidson. « On était le genre de groupe qui était constamment sur la route, en tournée. »

La collaboration avec Red Brick a permis de nombreux placements de chansons ainsi qu’une importante entente de synchronisation aux États-Unis. Après la dissolution de Tupelo Honey en 2013, Davidson a continué à collaborer avec l’entreprise et il a signé une entente d’édition en 2015.

Lorsqu’il a approché la propriétaire et présidente de Red Brick, Jennifer Mitchell, elle ne s’est posé aucune question. « Nous avions déjà une excellente relation de travail », explique-t-elle. « Je crois en lui et en son éthique professionnelle. Ça coulait de source. »

« Je crois que “Found” est une chanson très spéciale », ajoute Mme Mitchell. « Les radios l’ont tout de suite adoptée. Lorsque nous avons entendu le démo pour la première fois, c’était évident?; nous l’avons tous adorée. »

Quant à Davidson, il affirme qu’il doit une fière chandelle à Red Brick de l’avoir aidé à lancer sa carrière solo d’auteur-compositeur-interprète country. « Le country m’ouvre de nouvelles portes et donne de la longévité à ma carrière de musicien », affirme-t-il.

Passer du rock au country n’est pas exactement tiré par les cheveux pour l’artiste de 32 ans. « Je suis né en Alberta », explique l’homme en ajoutant que bien que son père ait été un fan de rock, c’est également lui qui lui a fait connaître des artistes tels que Willie Nelson, Lyle Lovett, Johnny Cash et Blue Rodeo. « Le country a toujours fait partie de ma vie. Je n’avais simplement pas exploré ce répertoire auparavant. »

« J’adore l’ambiance de la scène country. Cette musique plaît aux gens de 12 à 85 ans et ce sont des fans pour la vie, alors c’est un travail de plus longue haleine. »

Avant de décider de se consacrer au country, Davidson a eu une discussion à cœur ouvert avec Dallas Smith, dont le parcours — d’abord en tant que chanteur du groupe alt-rock Default puis comme artiste country établi — est très semblable au sien.

« J’ai vu Dallas assurer la première partie de Florida Georgia Line », raconte Davidson. « Après son spectacle, nous discutions et il m’a dit “Tu as la voix qu’il faut pour cette musique, tu as la personnalité qu’il faut pour cette scène musicale, et je suis convaincu que tu adorerais le degré de soutien de l’industrie du country.” »

Lors d’une autre conversation avec le producteur vétéran Jeff Dalziel (Autumn Hill, Brett Kissel) — que Davidson qualifie de mentor musical important —, « Jeff et moi avons décidé que, d’un point de vue créatif, nous formions une équipe, et c’est bien vrai que j’adore l’ambiance de la scène country. Il y a quelque chose de spécial dans cette scène. Cette musique plaît aux gens de 12 à 85 ans et ce sont des fans pour la vie, alors c’est un travail de plus longue haleine et j’aime ça. »

« Found » a été créée en collaboration avec un autre auteur-compositeur qui provient lui aussi du monde du rock, Clayton Bellamy du groupe The Road Hammers. Bien qu’ils se soient rencontrés auparavant, ils n’avaient jamais passé de temps ensemble ou collaboré. Puis, en décembre 2015, une idée de refrain en tête, Davidson contacté Bellamy sur une coup de tête pour lui proposer de passer du temps ensemble et créer de la musique. Il ont passé quelques jours chez Bellamy et « composé quelques chansons », incluant « Found ».

Grâce à sa collaboration avec Bellamy et Dalziel, Davidson croit qu’il a « trouvé mon son et ma direction artistique ». Et bien qu’il admire bon nombre d’artistes country, il met l’accent sur la création de sa propre personnalité musicale en restant fidèle à lui-même. « JE veux faire ce qui est bon pour moi… Je fais tout ce que je peux pour demeurer fidèle à ma voix. »



C’est à Londres que Paroles & Musique a rejoint Cristobal Tapia de Veer. Compositeur canadien d’origine chilienne, l’homme y a trouvé depuis 2012 un terrain de jeu pour ses musiques sur image. « C’est vrai que je pourrais tout faire de mon studio à Montréal. La nouvelle génération accepte de travailler via Skype. Et je le fais aussi, surtout à la fin d’un projet. Mais pour dire vrai, j’aime au début rencontrer l’équipe pour comprendre la direction d’une série ou d’un film. Je cerne mieux aussi l’énergie des gens avec qui je travaille. »

Cristobal Tapia de VeerDepuis un mois et demi, Cristo est actuellement à la composition de pistes musicales pour la série anglaise National Treasure (Channel 4) réalisé par Marc Munden, l’homme derrière la série culte, Utopia. Tapia de Veer et Munden en sont à leur troisième collaboration incluant Utopia et The Crimsom Petal and the White, série historique qui a initié leur rencontre professionnelle. « Ce fut une chance de rencontrer Munden. Grâce à lui, à sa notoriété, j’ai pu embrasser des projets intéressants. »

Bien que Cristo Tapia de Veer ait étudié au Conservatoire du Québec en musique classique, spécialisation percussion, ses premiers pas professionnels se trouvaient déjà à mille lieues de cet univers. Cristo a collaboré à One Ton, trio de pop électronique nommé aux Junos et signé sur Warner Music, qui a obtenu un certain succès. Mais l’homme réalise rapidement les limites d’un univers musical trop circonscrit. Il se lance dans un projet solo, The Spider in Charlie’s Box, qu’il compose dans sa chambre à coucher. De ce geste germe une envie, celle d’écrire sans contrainte de la musique pour le cinéma et la télévision. Son vœu se réalise. L’album servira de carte de visite auprès de différents réalisateurs et le présente comme  un compositeur singulier qui ne suit pas les règles habituelles. « Je ne connais pas les règles des compositeurs de musique pour images. Et c’est franchement par hasard que je suis ici. »

Au Québec, Cristo est particulièrement connu pour les très belles pistes sonores de la série télé Série noire, lauréat de deux prix Gémeaux en 2015 pour la bande sonore, et détenteur d’une nouvelle nomination en 2016. C’est en enregistrant le groupe de Jean-François Rivard, réalisateur de Série noire, dans un studio montréalais que les deux hommes font connaissance. Rivard recontacte Tapia de Veer pour asseoir les ambiances sonores de Série noire. La commande est, dès lors, très claire. « Rivard m’a orienté vers les trames sonores des films d’horreur des années 80, particulièrement celles de John Carpenter qui composait ses propres musiques. J’ai donc beaucoup joué avec les synthétiseurs tout en gardant un regard minimaliste. »

« J’ai composé pour la série Humans qui a connu un énorme succès en Angleterre, 7 millions de spectateurs par soir. Mais j’ai refusé de signer la deuxième saison. Je ne voulais pas me répéter. »

Quand on demande à Cristobal Tapia de Veer de circonscrire son style musical comme compositeur, l’homme réfléchit et se lance dans une explication qui met en lumière son approche hors des conventions du métier. « J’aime concevoir la musique de film ou d’une série comme un personnage en soi. Habituellement, la musique sur image doit être relativement transparente. Elle est une aide au rythme et au drame. Mais moi, je ne perçois pas son rôle de cette façon-là. J’aime musicalement prendre plus de place et apporter un caractère défini à la musique. J’aime proposer un contrepoint à l’émotion véhiculée par une scène. »

« Dans Utopia, il y avait des scènes avec des tueurs. Parallèlement, nous voulions révéler leur enfance, leur manque de famille, qui les ont amenés là, chose qui n’était pas révélée à l’écran. Sur une scène de meurtre, on a alors placé une musique enfantine. C’était beaucoup plus touchant et plus perturbant. » Cristo aime aussi inventer des sonorités, des sons qu’il utilise ensuite dans ses trames musicales. Il évite donc les sons prédéterminés des synthétiseurs et ordinateurs afin de créer de nouvelles textures. La source est diverse, des sons d’animaux à ceux des environnements urbains, récoltés ici et là, par son échantillonneur.

L’homme qui prévoit un retour cet été à Montréal perçoit la planète comme son terrain de jeu. Il travaille aussi à Los Angeles pour deux séries, dont l’une diffusée sur BBC America. Le film de science-fiction britannique The Girl with All the Gifts, dont Cristo réalise la bande sonore, sera présenté en septembre sur grand écran. Malgré ses ambitions, Cristo aime se rappeler les lignes directrices qui l’influencent comme musicien. « Ce que je cherche avant tout, c’est de la liberté dans la création. Je ne veux pas composer à Los Angeles parce que c’est Los Angeles. J’ai composé pour la série Humans qui a connu un énorme succès en Angleterre, 7 millions de spectateurs par soir. Mais j’ai refusé de signer la deuxième saison. Je ne voulais pas me répéter. Pour moi, c’est sacré d’opter pour des contrats qui me gardent dans une grande disposition créative, qui offrent l’innovation. Je ne suis pas ici pour être sur le pilote automatique. »

 

 



Rosie Valland

Photo par Philippe Sanfacon

Deux EP, un album, de nombreux spectacles, les demi-finales des Francouvertes 2015, les premières parties du concert d’Ariane Moffatt, quelques chansons placées dans la télésérie Nouvelle adresse, une nomination au Prix de la chanson SOCAN : Rosie Valland vient de connaître deux années prolifiques. Depuis la parution d’un premier mini-album en avril 2014, le métier rentre. « J’apprends à leader un projet, dit la musicienne. Ce sont des années formatrices et créatives. »

Plusieurs l’ont découverte l’an dernier avec Partir avant, un disque inspiré d’une rupture amoureuse, empreint d’une lourdeur assumée. Paru au printemps dernier, le petit nouveau nous emmène ailleurs : « Les deux albums sont sortis rapidement, presque coup sur coup, mais l’un a mijoté pendant deux ans, l’autre est plus spontané et ressemble davantage à où j’en suis maintenant. Nord-Est est un appel à la lumière. Ce n’est pas nécessairement joyeux, mais on est davantage dans la nostalgie que dans la douleur. »

En filiation avec le travail de Salomé Leclerc et de Cat Power, cette fois, une petite inclinaison pop qui évoque le feutre de la voix de Feist se révèle, en particulier dans Nos guerres. « Chanter est mon premier instrument. Je me suis laissé bercer par ma voix et Feist est une bonne influence pour ça. Durant la dernière année, j’ai autant écouté Justin Bieber que Suuns. Dans ma musique, toutes mes influences convergent; j’essaie de ne pas me limiter à une seule direction. »

C’est dans la chorale du petit village de Saint-Césaire en Montérégie que Rosie Valland a fait ses premières armes de chanteuse. Il y avait un piano à la maison, apprivoisé de façon surtout autodidacte. « J’ai grandi à l’époque de Star Académie et Mixmania. Dans ma tête, être chanteur c’était interpréter, se souvient Rosie, maintenant âgée de 24 ans. » Vers la fin de l’adolescence, alors qu’elle habite à Granby, la jeune musicienne découvre le métier d’auteur-compositeur-interprète, en voyant tous ces jeunes qui s’inscrivent à l’École nationale de la chanson. « Quand j’ai compris que je pouvais me donner mes propres chansons, j’ai commencé à écrire et à composer. L’année suivante, je suis entrée moi aussi à l’École et après ça a déboulé. »

«Les filles ont encore le réflexe de rechercher l’approbation des autres pour valider leurs idées musicales.»

C’est au cours de ces années fondatrices que Rosie abandonne le piano au profit de la six-cordes. « Au piano, je me juge beaucoup, c’est moins intuitif. La guitare s’est présentée tout naturellement en 2012 et tranquillement, la transition s’est opérée. Quand je joue de cet instrument, c’est surtout mon instinct qui me guide. »

L’apprentissage s’est fait en accéléré au contact d’un guitariste ferré et inspiré : Jesse Mac Cormack. Rencontré par hasard au Festival international de la chanson de Granby, Jesse devient un grand complice musical pour Rosie. « C’est une rencontre importante dans mon parcours. Jesse me demande beaucoup et exige le meilleur de moi-même. Travailler avec lui, c’est une grosse école intense pour moi. »

Plutôt ténébreuse, Rosie Valland assume de plus en plus sa position de leader d’un projet solo. « Que je sois en solo, en duo ou en formule trio, j’apprends à assumer que le projet porte mon nom et que peu importe avec qui je joue, il ne perd pas de valeur. Je ne dépends de personne d’autre que moi et je trouve que c’est une force d’avoir cette liberté. »

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Il y a quelques semaines, l’auteure-compositrice-interprète s’est retrouvée en nomination au Prix de la chanson SOCAN pour Olympe, un hommage subtil à la femme de lettres et pionnière du féminisme français Olympe de Gouges, morte guillotinée à Paris en 1793. « Souvent les gens me disent que je chante bien et ensuite, ils se tournent vers Jesse pour le complimenter sur la musique. Mais ce sont mes chansons! Les filles ont encore le réflexe de rechercher l’approbation des autres pour valider leurs idées musicales; ça explique en partie pourquoi il y a peu de femmes qui réalisent des albums. Il faut continuer de foncer sans se sentir mal, prendre sa place, devenir la femme qui nous inspire et qu’on veut être. Il reste encore des détails à ajuster, mais on est sur la bonne voie. »