« Après le succès de l’album Chill’em All, je me suis cassé la tête à vouloir faire différent et compliqué. Je voulais prouver aux gens que je pouvais les surprendre à tous les coups. Leur montrer que j’étais beau, bon et intelligent. Quelle connerie! »

Champion  ne mâche pas ses mots. En entrevue pour la parution de son album électro-pop Best Seller, un titre à ne pas prendre au sérieux, le musicien analyse son travail avec une franchise déconcertante. Preuve de son autocritique implacable, l’artiste va jusqu’à utiliser le terme «poche» pour qualifier une pièce de son nouveau disque.

« Non, c’est vrai. Lead On n’est pas une très bonne chanson. J’aurais aimé la travailler davantage, mais j’ai eu du fun à la faire. Je l’assume complètement. » On a beau le rassurer, lui dire que la mélodie de guitare aérienne est accrocheuse et que son chant désordonné donne de l’âme à la chanson, celui que les douaniers appellent Maxime Morin reste dubitatif. « J’irai la réécouter d’abord. »

À l’instar de trois autres titres de l’album, dont le ver d’oreilles Life is Good, Lead On aurait dû se retrouver sur un album lancé tout de suite après le maintenant mythique Chill’em All (2004). Or, le disque n’a jamais vu le jour. Dans une période de remise en question artistique, Maxime avait relégué la production aux oubliettes après quelques mois de travail. Il avait fait table rase pour finalement accoucher de Resistance après des années d’attente. De son propre aveu, il venait de tomber dans le piège de l’intellect. « J’ai flushé tout ce que j’avais fait parce que dans ma tête, ça ressemblait trop à Chill’em All. J’avais aussi été renversé par le Classics de Ratatat et je ne savais plus où me positionner. J’ai toujours cru à la spontanéité et à la simplicité. Chill’em All, c’est ça. Mais là, j’avais oublié ces beaux concepts. Le désir de plaire, d’être à jour et avant-gardiste m’a pesé dessus comme une tonne de briques. Le pire, c’est qu’en fignolant et en raffinant tes affaires, tu peux vite penser que tu as une bonne pièce entre les mains alors que c’est tout le contraire. »

Prenant un immense retard dans son calendrier de production, Champion a dû bosser sans relâche pour faire paraître Resistance à l’automne 2009. Vidé par le processus de création, il s’est ensuite lancé dans une série de spectacles sans prendre de pause. La suite, on la connaît. En mai 2010, il recevait le diagnostic des médecins. Maxime Morin était atteint d’un lymphome, une forme de cancer du sang. « Certains diront qu’il n’y a aucun lien, mais moi j’ai choisi d’en voir un. Le surmenage et la mauvaise perceptive des événements m’ont rendu malade. J’ai mis plus de cinq avant de retrouver la santé. Je me suis promis que je ne referais jamais la même erreur. »

« J’ai compris que c’était ça avoir des couilles en musique: se laisser guider par son instinct. Ben oui, des fois j’aimerais faire mieux, mais j’assume mes erreurs. »

ChampionAvec l’appui des chanteuses Laurence Clinton et Marie-Christine Depestre, certains titres de l’album nous rappellent la belle époque de Chill’em All et des pistes de danse en sueur. D’autres se rapprochent des ambiances atmosphériques de °1 paru en 2013. « Un disque qui a une identité forte du début à la fin, c’est le fun, c’est sécurisant, mais ça revient à dire que l’artiste n’a qu’une couleur. C’est faux. À moins d’être vraiment poche, personne n’écoute qu’un seul genre musical. Je voulais témoigner de ça sur Best Seller. Témoigner de qui je suis. »

Pour le compositeur qui a pratiquement joué tous les instruments sur l’album, cette recherche passe même par des erreurs laissées volontairement sur le produit final. « J’aime la musique trap. Alors j’ai voulu faire du trap avec ma guitare sur Boing Boing et Yea-Eah. Ça ne donne pas le résultat escompté, mais j’ai tripé à le faire et c’est drôle. J’ai compris que c’était ça avoir des couilles en musique: se laisser guider par son instinct. Ben oui, des fois j’aimerais faire mieux, mais j’assume mes erreurs. Même que j’ai appris à jouer avec mes faux pas comme sur And I You, où l’on entend très bien mes doigts glisser sur les cordes de guitare. Normalement, en studio, tu effaces ce genre de bruits. Tu les élimines. Moi, je les ai accentués. »

Au final, Best Seller a des allures de laboratoire créatif où le plaisir a pris le dessus sur l’intelligence, quitte à même contrevenir aux règles de base de l’enregistrement. « Au mastering, Ryan Morey m’a annoncé que la chanson Impatient était déphasée parce que j’avais mis de la réverbération sur la basse. Ça l’air que ça ne se fait pas. Il voulait que je retourne en mix. J’ai dit fuck off! On n’y touche pas. Sauf qu’à cause de ça, on ne peut pas mettre la pièce sur la version vinyle de Best Seller parce que le pressage deviendrait instable pour l’aiguille d’une table tournante. Too bad! »

Champion et ses G-Strings
Le jeudi 30 juin au Club Soda
Dans le cadre du Festival International de Jazz de Montréal

 

 



« Pour être parfaitement heureux dans mon métier de musicien en ce moment, j’ai besoin d’avoir ces deux projets qui semblent sollicités deux parties différentes de mon cerveau, de plus il n’y jamais de temps morts et je suis quelqu’un qui carbure aux défis et aux projets emballants, » affirme le membre SOCAN Antoine Lachance, en faisant référence aux défis reliés à sa bourgeonnante carrière solo et celle au sein du trio pop-rock On a créé un MONSTRE, qui l’occupe depuis tout près de 10 ans.

L’auteur-compositeur a pris part à Ma première place des arts cet hiver, concours au cours duquel le chanteur s’est démarqué, raflant non seulement le Grand prix dans la catégorie auteur-compositeur et interprète, mais également celui de la chanson de l’année, pour Le fleuve, pièce qui se retrouve sur son premier album Cimetière d’avions lancé en avril 2016.

« Le fleuve a été écrite dans la période la plus difficile de ma vie. J’ai vécu une grosse peine d’amour quelque mois après avoir perdu mon père décédé des suites de sa bataille contre un cancer du cerveau. Dans ces moments seuls, dans un appartement presque vide, je sentais que tout s’écroulait autour de moi, que tout m’était arraché en quelque sorte. Natif de Sorel, où le fleuve fait partie de notre quotidien, je regardais la vaste étendue d’eau et je me suis imaginé sur une banquise à la fonte des glaces », explique l’auteur-compositeur au sujet de la ballade.

Si sa carrière solo commence tout juste à prendre forme, elle devra tout de même prendre quelques pauses, puisque On a créé un MONSTRE fera paraître non pas un, mais deux EP d’ici la fin de l’année. Le premier, Théâtre des catastrophes, vient tout juste de paraître chez Slam Disques.

« La différence réside dans mon apport au projet. Dans On a créé un MONSTRE, je suis sollicité beaucoup plus pour la musicalité, les arrangements, le côté multi-instrumentiste et, récemment, pour mon expertise à enregistrer et mixer les efforts du groupe. Pour mon projet personnel, la différence principale réside dans le fait que je suis l’auteur des chansons. Tout repose sur mes épaules avec l’aide de quelques acolytes, dont Maxime Reed-Vermette, Éric Tessier et Louis-Étienne Sylvestre. Le côté solo me permet aussi d’aborder des sujets plus personnels », explique celui qui sera des Francofolies de Montréal le 11 juin 2016 et qui passera la fin de l’été en France, question de tâter le pouls des Français dans l’Hexagone.

Il conclut : « Curieusement, les deux projets se marient à merveille. Je n’ai jamais de conflit d’horaire ou de problématique quelconque à avoir deux projets de créations sérieux. Même que les deux s’alimentent au niveau de la visibilité et de la créativité. J’apprends sans cesse d’un côté comme de l’autre et je fais toujours bénéficier de cet apprentissage en amenant tout ça à l’autre projet et vice versa. »

antoinelachance.com

oacum.ca



Durant notre entretien, Dan Boeckner tente de répondre à la question « Dans combien de groupes joues-tu en ce moment? »

C’est une question épineuse, mais qui doit être posée en raison de l’horaire de création, d’enregistrement et de prestations on ne peut plus chargé de cet homme-orchestre — sans mauvais jeu de mots.

« Pour le moment, je suis dans deux groupes », dit Boeckner profitant d’une pause dans le rodage pour se rendre à WFUV 90,7 FM, à New York. « Puis il y a Divine Fits qui hiberne, alors on pourrait dire trois. »

Pause. « Je crois. »

Donc, outre l’hibernation de Divine Fits, où il collabore aux côtés de Britt Daniel, de Spoon, les deux choses qui divisent son attention sont la réunion de Wolf Parade qui sera l’occasion de nombreux spectacles durant l’été et l’automne 2016, ainsi qu’Operators, la raison pour laquelle il se trouve actuellement dans un studio de radio de Brooklyn.

« Quand je vivais de boulots merdiques, mon seul rêve était d’avoir suffisamment de temps pour faire de la musique a plein temps. C’est ce que je fais, maintenant. »

« Mon temps sera divisé assez équitablement avec un léger avantage à Wolf Parade jusqu’en novembre », explique l’artiste au sujet de l’équilibre entre Operators et Wolf Parade.

Operators, qui fait dans le dance rock dynamique aux relents new wave, est né de la désintégration de son groupe Handsome Furs lorsque son mariage a Alexei Perry a pris fin. Le groupe a également comme membres la claviériste macédonienne Devojka, le batteur Sam Brown (New Bomb Turks) et du bassiste Dustin Hawthorne (Hot Hot Heat). Le premier album du groupe, Blue Wave, est paru le 1er avril 2016 et selon Boeckner, tous ces anciens groupes sont reflétés dans ce disque.

« Operators est vraiment l’aboutissement de nombreux outils que j’ai appris et développés au sein de Handsome Furs et Wolf Parade », confie l’artiste. « De bien de façons, c’est en quelque sorte la suite logique de Handsome Furs. Avec le recul, je trouve dommage de ne pas pouvoir appeler ce groupe Handsome Furs, mais c’est la vie. »

Blue Wave a été inspiré en grande partie par le temps qu’a passé Boeckner du côté pauvre de Silicon Valley à lire les dystopiques nouvelles de Phillip K. Dick. Le résultat est ce côté rétro futuriste à la Blade Runner qui informe la majorité des chansons sur Blue Wave. On entend des échos de New Order sur « Cold Light », du dance punk à la The Clash sur « Evil », et même une citation de « Self Control » par Laura Branigan sur la pièce « Space Needle », le tout bien enrobé de synthés qu’on pourrait qualifier de new new wave.

« J’habitais dans une banlieue qui ne profitait pas du tout de la croissance et de la richesse quasi indécente qui est concentrée à Silicon Valley », raconte Boeckner. « C’est un sentiment très dissociatif que j’ai tenté de traduire. »

Mais, en fin de compte, tout ce qui compte, c’est la musique. C’est ce qui explique que Boeckner est dans au moins deux groupes et demi, en ce moment.

« Lorsque j’ai terminé l’école secondaire, tout ce que je voulais c’était de jouer dans un groupe », se souvient Boeckner. « En fait, je ne voulais pas simplement jouer dans un groupe, je voulais écrire des chansons et les jouer en spectacle. »

« J’ai encore de la difficulté à croire que lorsque je me rends dans une salle de spectacle, je m’en vais au “travail”. Quand je vivais de boulots merdiques, mon seul rêve était d’avoir suffisamment de temps pour faire de la musique à plein temps. C’est ce que je fais maintenant et depuis 10 ans. Alors, si je n’en profite pas et que je perds cela de vue, on pourra dire que je suis un trou de cul. »