Après deux albums aux effluves pop-rock lancés sous l’aile de la multinationale Warner (Flou en 1998 et un album homonyme en 2001), Catherine Durand se retrouve seule, sans contrat de disque ni gérant. « C’était l’enveloppe qui était trop léchée avec ces albums, lance-t-elle d’emblée. J’enregistrais dans des gros studios avec d’immenses budgets, mais je ne sentais pas que j’étais vraiment bien là-dedans. Je me suis demandé ce que j’avais vraiment envie de faire. Je me suis prise en main, j’ai ramassé des sous, construit une équipe et produit moi-même l’album que je voulais faire. Ça ne me disait plus de plaire aux radios. Ce n’était plus ma priorité. Je voulais uniquement faire des chansons qui me branchent et qui me font vibrer. »

Le résultat fut Diaporama (2005), un luxuriant opus aérien aux accents folk et country, salué autant par la critique que par le public. Trois ans plus tard, le délicat Cœurs migratoires voyait le jour. Paru dans les bacs à l’automne dernier, Les murs blancs du Nord se veut le fruit d’un voyage hivernal en Islande. S’inscrivant dans la lignée de ses deux albums précédents, le disque apporte un brin de raffinement supplémentaire aux climats doucement psychédéliques et aux chansons planantes de Catherine. Merci à Jocelyn Tellier (coréalisateur) et aux multiples claviers de François Lafontaine (Karkwa).

« Aujourd’hui, il faut ressentir le besoin profond et viscéral de faire de la musique, sinon tu disparais aussi vite que tu es apparu. »

« Je me suis retrouvée le 1er janvier 2010 à Reykjavik. Il n’y avait personne. Aucun touriste. Pas d’arbres. Très peu de lumière. J’étais seule dans l’immensité. Toute petite par rapport à la nature. C’était bien particulier comme sensation. Il y avait une lumière de fin de journée en permanence. On se retrouve automatiquement dans un état de laisser-aller total, de contemplation, de silence et de solitude. C’est exactement ce dont j’avais besoin. C’est un voyage qui m’a fait beaucoup de bien et m’a permis de décrocher. En même temps, ça m’a placée dans un mood étrange. À mon retour, je me suis mise à écrire des nouvelles chansons. Ça coulait naturellement. Aujourd’hui, avec le recul, je m’aperçois que ce voyage a beaucoup teinté l’atmosphère générale de l’album. Des images d’Islande emmagasinées dans mon for intérieur, il y en a vraiment partout!, » s’exclame-t-elle.

Le privilège d’être artiste
Si Catherine grandit avec la musique d’Harmonium, Beau Dommage et The Police (elle se dit une « grande fan »), c’est véritablement celles des Tracy Chapman, Suzanne Vega, Edie Brickell et Sheryl Crow qui la marquent et l’incitent à rédiger ses toutes premières chansons. Devenue aujourd’hui l’une de nos auteures les plus accomplies, l’artiste de 41 ans persévère et continue de se frayer un chemin dans la jungle de la scène québécoise. « Tu sais, je ne me verrais pas faire autre chose que de la musique. Je suis tellement bien là-dedans. Prendre ma guitare, trouver une mélodie, une belle phrase. Tout ça me remplit, encore aujourd’hui, de bonheur. La satisfaction d’écrire une nouvelle chanson et d’en être fière n’a pas de prix pour moi. C’est le plus bel accomplissement au monde. Et puis, il y a tellement de beaux moments à vivre dans une carrière d’artiste que je ne pourrais pas me passer de ça. Il y a des moments de découragement, c’est évident, mais je sais à quel point je suis chanceuse d’être encore là. Recevoir des courriels de fans et réussir à toucher les gens d’une façon aussi intime, c’est un privilège, » avance-t-elle.

Avec une industrie musicale chancelante, en plein bouleversement depuis quelques années, Catherine estime que c’est la passion (et rien d’autre) qui détermine la durée de la carrière d’un artiste en 2013. « Aujourd’hui, il faut ressentir le besoin profond et viscéral de faire de la musique, sinon tu disparais aussi vite que tu es apparu. J’ai tellement vu d’artistes arriver, connaître un certain succès et ne plus jamais revenir. Concrètement, il faut s’informer sur toutes les sphères du métier, car on se retrouve de plus en plus seul dans ce métier, à nos dépens. Prendre le pouls de son entourage, explorer le milieu. Il s’agit aussi de miser davantage sur les spectacles que les disques. Je réussis à gagner ma vie parce que je suis éditrice de mes chansons. Dès mes premiers pas, j’étais au courant de ce qu’il fallait faire. Tes débuts dans le milieu doivent être bien faits car le reste de ta carrière en dépendra, » soutient-elle, la voix vibrante.

Heureuse et inspirée
Alors que les spectacles continueront d’occuper une place prépondérante dans l’agenda de Catherine, elle a déjà commencé à écrire de nouvelles chansons. Sans connaître la date de parution de son prochain opus, elle nous assure que la disette sera moins longue que la dernière fois (quatre ans). Et la France dans tout ça? « Depuis le début de ma carrière, je me suis toujours concentrée sur le Québec, mais j’avoue que j’aimerais beaucoup avoir une entente avec une maison de disques en France ou en Belgique. J’ai déjà été jouer en France à quelques reprises. C’est un gros marché. Il faut être présent, confier sa carrière à une grosse équipe et avoir des moyens importants. Beaucoup d’artistes tentent leur chance, peu réussissent. Je me croise les doigts, mais je suis heureuse comme c’est là. Pour l’instant, c’est tout ce qui compte pour moi. »