Caroline Savoie a longtemps jonglé avec l’idée de faire de la pop. Celle qui s’est d’abord fait connaître en 2014 sur le plateau de The Voice en France, avant de rafler les grands honneurs au Festival international de la chanson de Granby en 2015, avait en effet une peur bleue que l’étiquette pop sucrée contamine son folk : « Maintenant je l’assume. Mais pendant un bon bout, j’avais peur d’être prise dans un modèle qui allait me suivre toute ma carrière… »
Une crainte qui l’a aussi fait hésiter à accepter The Voice : « C’est drôle parce qu’au début, je me jugeais beaucoup. En fait, quand ils m’ont invité la première fois, j’ai refusé. Mais bon, c’est quand même dix millions de téléspectateurs… D’un point de vue de business, c’est tellement payant, je n’aurais pas enregistré à New York si je ne l’avais pas fait et j’ai développé une éthique de travail comme jamais. Avec le recul je suis très contente de l’avoir fait. »
La jeune femme aborde le tourbillon avec tact et résilience : « Le truc c’est d’aller juste assez loin pour bénéficier de la visibilité et des avantages, mais pas trop loin pour rester pogné dans la machine. » Au sortir de l’aventure des concours et à l’aube de se mettre officiellement au monde grâce à un premier album, la lucidité est manifestement de mise pour l’artiste : « J’ai trouvé ça dur de jouer le jeu des interprétations par moments… c’est pas pour tout le monde, je suis une auteure-compositrice, donc s’il y a une chose aussi que l’émission m’a vraiment apprise, c’est, par moments, de dire ‘non’, à rester groundée. »
Dans cette quête à accepter son « sort » pop, le FICG fut un catalyseur de taille : « J’ai encore de la misère à croire que j’ai gagné Granby, il y a tellement de talents qui passent par là! Ça m’a beaucoup monté l’estime de moi. En plus, j’ai joué à la dernière soirée des préliminaires, j’ai donc eu le temps de voir les 23 personnes avant moi! Je pense que ça m’a aidé à m’assumer. Mes textes sont très simples, j’essaie pas d’être poétique plus que ça… Donc je me suis dis ‘Oui tu as des textes simples, oui tu fais de la pop, fait qu’assume pis aies du fun’. » Sacrée grande gagnante de l’édition, et récoltant une quinzaine de prix dans le détour, il semble assez clair que « du fun », elle en a eu.
Aujourd’hui prête à nous présenter son premier gravé officiel sur Spectra Musique, Savoie semble ravie de ce qu’elle et ses complices – et non les moindres – ont mis sur bandes. Réalisé par Jay Newland (Norah Jones, Eric Clapton, Paul Simon) et ses musiciens (Adam Levy aux guitares, Dan Rieser à la batterie, Zev Katz à la basse et Glenn Patscha aux claviers) la jeune artiste se pince encore d’avoir pu travailler à leurs côtés : « J’avais un peu peur d’arriver là et d’être un autre produit, mais ils ont vraiment eu le projet à cœur, ils étaient contents d’être là. Jay travaille juste avec ses coups de cœur. La première chanson qu’on a enregistrée, c’est « Aux alentours », quand on a terminé, je suis allée aux toilettes et j’ai pleuré comme un bébé tellement j’étais overwhelmed ! »
Pour Savoie, le premier extrait « Y’en aura » est une grande source de fierté: « C’est une chanson que j’ai écrite vraiment vite. Et je l’ai vraiment écrite en pensant à quelqu’un et je pense que j’ai réussi à bien exécuter. En show c’est une chanson qui fait réagir le public, et ça, j’en suis très fière. »
Et comment on décrit un spectacle de Caroline Savoie ? « En fait, je pense que c’est un peu comme dans mon salon. J’adore interagir avec le public, raconter des histoires, jaser avec les gens […] Je pense qu’il y a quelque chose de très acadien là-dedans. Au Nouveau-Brunswick, les gens sont vraiment simples et sympathiques. C’est très typique… Tsé, la métropole c’est Moncton, et c’est 100 000 habitants ça fait que ça devient vite familier. »
À travers les aléas de ladite maudite machine, l’honnêteté et la spontanéité de l’artiste lui font tout sauf défaut. Conséquence d’un désir d’intégrité qui est tout en son honneur.