Les moments charnières de nos vies se présentent souvent de manière inattendue. Ces messages envoyés par l’univers servent à nous rappeler que nous sommes sur le bon chemin. L’auteure-compositrice Carly Paradis a récemment reçu un de ces signes sous la forme d’une lettre affranchie avec un timbre commémoratif du classique d’Elton John Goodbye Yellow Brick Road paru en 1973. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle soit submergée de souvenirs d’enfance lorsqu’elle a découvert cet album parmi la collection de disques de ses parents et de l’intense désir de création que cette découverte a stimulée et qui ne l’a jamais plus quittée.

« J’écoutais tous les disques de mes parents quand j’étais petite », se souvient-elle. « Cet album d’Elton John m’a complètement renversée ; « Funeral for a Friend/Love Lies Bleeding » est une pièce tellement épique et qui défie les genres. C’est à ce moment précis que j’ai décidé que je ferais de la musique épique comme ça un jour. »

Nous l’avons joint par Skype juste avant les Fêtes dans son studio de Londres qu’elle a construit dans un vieil entrepôt et l’auteure-compositrice était dans un état d’esprit contemplatif.  Nous discutons de la condition humaine – le sujet central de son nouvel album solo instrumental Nothing is Something -, de son processus créatif et de son parcours d’artiste Indie rock en Ontario devenue compositrice à l’image pour le cinéma et la télévision lauréate de plusieurs prix désormais établie à Londres.

Née à Hamilton, Paradis a grandi non loin de Stoney Creek. Elle a commencé à écrire des chansons à l’âge de neuf ans. Elle a ensuite étudié le piano, mais avoue s’être toujours sentie comme étant une rockeuse. Après avoir obtenu son diplôme en musique et multimédia de la McMaster University, Paradis a parfait son art au sein de différents groupes tout en apprenant les bases de la production. C’est ainsi qu’est né son désir de voir ses chansons utilisées à l’écran. En 2006, sur un coup de tête, elle a contacté Clint Mansell (qui a signé les trames sonores des films Requiem for a Dream et Black Swan de Darren Aranofsky), un de ses compositeurs préférés. « Je l’ai contacté sur MySpace pour lui dire ce que sa musique me fait ressentir », se souvient Paradis. « Je ne m’attendais pas à ce qu’il me réponde. »

Mansell a été touché par le message de Paradis et lui a répondu. Cette correspondance a mené à une conversation en personne à Los Angeles qui est devenue une amitié qui dure toujours. Paradis a commencé à jouer dans le groupe de Mansell où elle s’occupait des arrangements et jouait le piano pour les chansons du compositeur en plus de l’accompagner en tournée. C’est grâce à ce mentorat que Paradis a enfin pu placer ses chansons dans des productions du petit et du grand écran. On retrouve parmi ces placements le générique de clôture de la populaire série Netflix The Innocents, la trame sonore de chacune des saisons de la plus populaire des séries de la BBC Line of Duty ainsi que des compositions pour les bandes-annonces de True Detective, Homeland ainsi que le film Hugo de Martin Scorsese.

« Depuis ma plus tendre enfance, je ressens une connexion très profonde avec des choses que je ne comprends pas grâce à la musique. »

Nothing is Something est son troisième album solo. L’album propose des compositions orchestrales et des collaborations avec des musiciens de tous les horizons – le compositeur norvégien EERA, Jonas Bjerre, le chanteur du groupe rock danois Mew et le slammeur britannique PolarBear. De par sa portée et sa complexité, cet album est aussi grandiose que les chansons phares de son enfance. « Cet album prend racine dans mes premières expériences musicales » affirme-t-elle.

Ayant pris sept ans à compléter, il a majoritairement été enregistré au légendaire Grant Avenue Studio de Hamilton où elle a pu jouer sur son piano préféré, un Yamaha 1979. L’album explore ce que ça signifie d’être humain sur des titres comme « The Crushing Weight of History », inspiré par une visite de La Rocca Cefalú, à Cefalù, en Sicile, « Heaven Ain’t a Place » ou « One Light in the Sky ».

« Ce fut un périple très émotionnel », explique l’artiste. « Le concept derrière le titre Nothing is Something est simple : si vous croyez que vous n’avez rien, dites-vous que rien c’est quelque chose. Tournez votre regard vers l’espace. Il y a tant de choses que nous ne voyons pas. Ressentir du désespoir ou de la solitude, c’est quelque chose, ça aussi… Ces émotions font partie de la condition humaine. Nous ressentons tous ces choses. Vous pouvez trouver du réconfort dans le fait que nous sommes tous connectés par ces émotions négatives, vous n’êtes pas seul. Et quand on fait ce parcours intérieur, on se rend compte que tout est OK. »

Pour Paradis, la musique exprime les émotions, les pensées et les sentiments que l’on ne peut pas ou ne veut pas verbaliser. « Depuis ma plus tendre enfance, je ressens une connexion très profonde avec des choses que je ne comprends pas grâce à la musique et je crée des sons qui correspondent à ces sentiments », explique-t-elle. « Cet album est un journal de bord des huit dernières années de ma vie. C’est comme un livre. Un chapitre prend fin et c’est cet instant juste avant d’entamer le suivant. »