Beau NectarMarie-Clo et éemi mènent, chacune de leur côté, leur propre projet musical, mais ensemble, elles deviennent Beau Nectar un projet électro-pop bilingue qui se préoccupe autant des enjeux féministes que de la nature. Chez Indica Records, elles font paraître ces jours-ci l’album Two lips, une représentation universelle et accessible de l’éco-féminisme.

Franco-ontarienne et Fransaskoise, Marie-Clo et éemi se sont rencontrées dans le cadre du concours musical mené par la défunte émission de télévision BRBR, diffusée à TFO.

« Ensuite, c’est la pandémie qui, à distance l’une de l’autre, nous a donné envie d’écrire un album en duo, explique Marie-Clo. On voulait parler de notre passion pour la nature, la faune et la flore. » Et au-delà de leurs intérêts similaires, pour le féministe notamment, elles ont amené leur désir de connaissance plus loin avec un cours de Gender Studies à l’Université de Victoria, une formation en herboristerie et des prises de son en forêt – pour que tout s’arrime.

Chacune dans leur province, elles ont pu faire progresser Beau Nectar comme si les kilomètres n’existaient pas. « La technologie développée pendant la COVID a vraiment fait en sorte qu’on oublie la distance, lance éemi. Avec Zoom et Google Drive, on s’assure simplement d’avoir le plus de résidences de création possible ensemble, mais le reste est sincèrement faisable. » Parmi les pièces de Two lips, À fleur de pot raconte l’histoire d’une plante d’intérieur qui rêve de vivre dehors. « J’avais écrit ça pendant la pandémie, explique Marie-Clo.  On était toujours en dedans et on n’attendait que ça : pouvoir sortir. »

Les deux complices explorent le monde sous une vision commune : « La femme et la nature sous le chapeau capitaliste et patriarcale », élabore éemi. « Quand on a la chance de se rencontrer, on adore l’impro, ajoute Marie-Clo. On aime les pédales, on s’enregistre et on essaie des affaires. On a de moins en moins de temps de création avec la route et les spectacles, mais c’est parce que le projet fonctionne, donc c’est bon signe. » éemi ajoute : « c’est dans le niaisage que sortent les meilleures idées. » Une recommandation à garder tout près!

Les deux femmes s’affranchissent et prennent leur envol dans le rôle que sous-entend le fait de mener un projet musical bilingue hors Québec. « On ne veut jamais être l’artiste-token, dit Marie-Clo. Beau Nectar, c’est bilingue sans être québécois donc c’est différent. On représente la confiance dans notre insécurité linguistique. On est super fière d’avoir le français comme première langue tout en étant originaires de provinces canadiennes majoritairement bilingues. »

Beau Nectar, Buds

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Conscientes qu’une musique unilingue anglophone leur permettrait un rayonnement plus vaste, elles ne caressent pas pour autant cet objectif. « On n’a pas besoin d’écrire en anglais pour que ça pogne, précise éemi. Beaucoup de francophiles adorent ce qu’on fait et ça nous rend fières. On adore les possibilités des mots en français. »

La musique se présente souvent à nous dans des cases et des boîtes. Un hermétisme auquel les deux autrices-compositrices-interprètes n’adhèrent pas. « En France, je croyais qu’on nous parlerait de notre accent étrange, mais finalement, ils aimaient nos mélodies – et c’est de ça qu’ils nous ont le plus parlé, explique éemi. Quand on a joué au Phoque Off (à Québec), on pensait être la carte hors Québec, alors qu’on nous a souligné à grands traits l’importance de notre projet parce que c’est alternatif et mené par deux femmes. »

Leurs forces se déploient encore plus loin que dans leurs rythmes et leurs brillants jeux avec les mots. « Je suis danseuse, chorégraphe et actrice, donc ma façon de me présenter sur scène est influencée par ça, explique Marie-Clo. éemi a des forces en jeu et elle est très douée avec le design, le montage, les projections vidéo sur scène. »

Leurs voix s’emboîtent comme des morceaux d’un casse-tête qui n’a pas besoin d’être forcé, ce qui leur vaut souvent le commentaire « vous êtes sœurs hein? ». Mais non! Par leur solidarité féminine, elles ont fracassé un stigma : celui de la compétition entre femmes talentueuses. « On s’est rencontrées dans un concours et on avait des énergies compatibles, se souvient éemi. La société nous encourage à nous sentir intimidées l’une par l’autre. Au contraire, on a constaté qu’on était toutes les deux carriéristes et qu’on pouvait mener un projet commun qui nous porterait encore plus loin. »