Il y a à peine trois ans que le duo cubano-canadien OKAN — composé de la percussionniste Magdelys Savigne et de la chanteuse et violoniste Elizabeth Rodríguez — est arrivé sur la scène musicale et, dans ce bref laps de temps, elles ont lancé le EP Laberinto, qui a remporté un Independent Music Award, ainsi que l’album Sombras, en nomination aux JUNO 2020, en plus de remporter un JUNO pour leur travail avec Battle of Santiago. Elles lanceront cet été leur deuxième album intitulé Espiral.

Elles sont toutes deux nées et ont grandi à Cuba et étudié à la même université — Rodríguez savait qui Savigne était étant donné qu’elle était l’une des très rares femmes percussionnistes, à l’époque —, mais ce n’est qu’après s’être toutes deux installées à Toronto et avoir collaboré avec Jane Bunnett dans son groupe entièrement composé de femmes, Maqueque, qu’elles sont devenues des amies et collaboratrices. Elles s’affairent depuis à marier le traditionnel et le moderne, les rythmes cubains et les influences occidentales, l’Afrobeat et le jazz, pour créer un son qui gagne de plus en plus de cœurs.

« Je viens d’une ville très traditionnelle — Santiago de Cuba », explique Savigne. « J’ai grandi au son des ballades et de la vieille musique cubaine traditionnelle. Des compositeurs et chanteurs comme Beny Moré, Celia Cruz et Oscar de Leon sont toute mon enfance. Pas de musique pour les enfants — juste des ballades de l’ancien temps. »

“On ne peut pas forcer l’autre à penser comme nous ou à écrire comme nous.”—Magdelys Savigne d’OKAN

Quant à Rodríguez, qui a grandi à La Havane, elle a été bercée par des artistes cubains classiques comme Benny Morea tout en embrassant aussi la salsa et des artistes plus controversés comme le chanteur Willy Chireno, établi à Miami. « Il était complètement interdit à Cuba », explique Rodriguez. « Il chantait des chansons qui parlent de la libération de Cuba et du communisme. Il fallait que je les écoute vraiment tout bas. » Toutes les deux ont vécu le même genre de tabou musical lorsque venait le temps d’écouter de la musique pop occidentale comme AC/DC ou Madonna.

Leurs créations abordent des thèmes comme les ancêtres, l’immigration, l’amour, les peines d’amour et le climat politique de Cuba. « Nous sommes Cubaines et nous voulons partager notre Cuba, pas le Cuba qu’on nous montre toujours », confie Savigne. Elle affirme qu’en tant que Néo-Canadiennes, ils ont puisé leur inspiration dans la diversité culturelle et musicale qu’elles ont trouvée à Toronto. « C’est impossible de ne pas être influencé par cette ville », affirme Rodriguez. « Des pièces comme “Quick Stop” mettent en vedette mes influences bluegrass et “violoneux” et plus de rythmes turcs. “1000 Palabras” partage notre patrimoine espagnol. Sur “Mas que nada”, ont illustre nos ressemblances avec et notre amour de la culture brésilienne. »

Pour elles, la composition et l’écriture à deux sont possibles en laissant la place aux deux voix, y compris leurs différentes influences et idées, afin qu’elles s’expriment naturellement, peu importe à quel point elles peuvent initialement sembler contradictoires. « On ne peut pas forcer l’autre à penser comme nous ou à écrire comme nous. Il faut trouver cette mince ligne qui nous permet de combiner nos deux mondes dans le plus grand respect. On partage toutes les chansons », confie Savigne. « Elizabeth m’aide avec les textes, quand j’en ai besoin, et moi je l’aide avec les arrangements et les progressions d’accords. On débat longuement et quand on fini par en avoir une image claire, on la partage avec nos musiciens. Plus on joue une chanson, plus elle s’améliore, jusqu’à ce qu’on la considère comme finale. »

Le choix des instruments est essentiel au chapitre de la composition et de l’écriture pour ces deux polyinstrumentistes. « Elizabeth utilise le piano la plupart du temps. C’est un instrument très complet et l’outil idéal pour la composition. J’utilise parfois mes percussions, particulièrement le batá pour des rythmes que je peux utiliser dans différentes pièces. »

« Je compose habituellement très tard le soir », confie Rodríguez. « J’aime le silence de la nuit pour cette raison.  Mags [le surnom de Savigne] est plutôt une personne de jour. Elle a une idée folle pour une chanson, et soudainement elle est écrite — imprimée et prête à partir. Ensuite, elle me pousse à écrire des paroles si elle en a besoin. »

Même si elles trouvent que l’union créative fait leur force, le conseil qu’elles ont pour les artistes solo est de toujours respecter leur propre voix, d’embrasser les commentaires des autres et, par-dessus tout, de garder espoir.

« Il faut essayer, essayer et ressayer, sans relâche », dit Rodríguez. « Le résultat n’est peut-être pas parfait du premier coup, mais ça ouvre la porte à un résultat différent à chaque essai. Il ne faut jamais baisser les bras. »