Certains pensent qu’on ne peut pas enseigner l’art d’écrire des chansons. Pourtant, et depuis 11 ans, Murray Foster, ancien guitariste de Moxy Früvous et de Great Big Sea, prouve le contraire. Fondateur de la Toronto Songwriting School, qui offre des cours et des retraites, il rejette l’idée que les chansons soient des dons du ciel ou des éclairs d’inspiration attrapés au passage. Sa devise : « Une chanson vit en chacun de nous. »

« Une des choses que j’enseigne, c’est que l’inspiration compte moins que la discipline » explique Foster. « Écrire des chansons, ce n’est pas contempler un verger en fleurs en attendant qu’une idée tombe du ciel. C’est plutôt se lever, boire un café, prendre sa guitare et composer une chanson tous les jours, ou trois fois par semaine. Ce sont ces habitudes-là qui mènent aux grandes chansons. »

« Il faut sortir l’écriture de chansons de cet univers romantique ou mystérieux où les chansons quittent ce monde éthéré pour vous rendre visite et se servir de vous comme véhicule pour voir le jour. Ce n’est rien de ça ; c’est un métier comme un autre sur lequel il faut y travailler, s’améliorer, et le traiter comme un vrai boulot. »

Dirigée par Foster et la gestionnaire administrative Mary Krause, la Toronto Songwriting School tiendra sa 30e retraite d’écriture dans la région artistique et viticole de Picton, en Ontario, du 7 au 9 novembre. Trois autres escapades sont prévues en 2026 : Winter Write-In, à Bowmanville (Ontario), du 13 au 15 février ; St. John’s Songwriter Getaway, à Terre-Neuve, du 17 au 20 juin ; et Fall Songwriter Getaway, de retour à Picton, du 6 au

Toronto Songwriting School, Murray Foster

Parmi les formateur·trice·s invité·e·s des années passées, on compte Alan Doyle, Hawksley Workman, Amelia Curran, Julian Taylor, Victoria Banks, Ron Hawkins, Bob Hallett, Andrew James O’Brien, Mike Evin et Quique Escamilla. Pour la prochaine retraite à Picton, c’est l’autrice-compositrice folk Lynn Miles, lauréate d’un JUNO, qui agira comme mentore et animera un atelier en après-midi.

« Notre toute première retraite d’automne a eu lieu en octobre 2014, et elles se poursuivent depuis, à part une courte pause pendant la pandémie » raconte Krause. « On propose deux types de retraites : celles en Ontario durent de quatre à cinq jours sur un week-end. Pour notre camp d’été, les participants assistent à des ateliers et composent de nouvelles chansons toute la journée. Je m’occupe de la cuisine. Nous offrons aussi des retraites à l’étranger dans des villes axées sur la musique comme St. John’s, Terre-Neuve, La Nouvelle-Orléans, Austin, Nashville ou en Irlande. Pour ces retraites-là, on fait un peu plus de place au tourisme. »

Les tarifs sont très abordables : 35 $ pour un atelier de deux heures sur l’écriture de paroles ; 250 $ pour un atelier de création de chansons originales sur quatre semaines, destiné aux auteur·trice·s-interprètes de niveau intermédiaire ou avancé ; habituellement 275 $ pour un cours de six semaines destiné aux débutant·e·s ; et à partir de 600 $ pour les retraites, selon la durée et le type d’hébergement choisi. Le transport ou les vols ne sont pas inclus, mais les repas le sont.

Foster écrit des chansons depuis le début de la vingtaine, d’abord avec Moxy Früvous, puis avec Great Big Sea, et les deux groupes ont vendu près de 500 000 albums. « Pendant toutes ces années, non seulement j’écrivais des chansons, mais je faisais partie de groupes avec d’excellents auteurs-compositeurs, dit-il. Et donc, par osmose, j’apprenais tous les trucs, les grands comme les petits, pour écrire une chanson. »

« Il y a environ 13 ans, on m’a mis au défi dans le cadre d’une collecte de fonds pour la Fondation Stephen Lewis. La plupart des gens se disent : “Je vais sauter en parachute et mes amis vont me donner 50 $ chacun — si je survis!” Moi j’ai dit : “Je vais écrire et enregistrer 30 chansons en 30 jours.” C’était mon propre défi, parce que j’avais l’impression que mon écriture commençait à prendre une tournure intéressante. »

« Chacun a sa propre voix et son univers en tant que parolier ou compositeur »

« Après sept jours, j’étais comme “Je ne veux plus jamais écrire une chanson de ma vie.” C’était vraiment intense. Mais j’ai persévéré pendant les trois autres semaines. Comme j’avais passé un mois entier plongé dans l’écriture, plein d’idées sur le processus me tournaient dans la tête. Quelques mois plus tard, j’ai mentionné à un ami que j’envisageais peut-être de donner des cours d’écriture de chansons. Le lendemain, il m’a envoyé une annonce sur Kijiji : “Recherche professeur d’écriture de chansons.” »

Foster pensait qu’il s’agissait d’une personne à la recherche de cours privés. En réalité, l’annonce venait de l’Institut Trebas, une école spécialisée en musique et en audio, qui cherchait un professeur en urgence. « Deux jours plus tard, je me retrouvais devant 30 étudiants à donner un cours de 13 semaines sur l’écriture de chansons », raconte-t-il. Il enseigne aujourd’hui à Seneca Polytechnic. « Ce sont des jeunes de 19 ans qui veulent devenir des vedettes », dit-il.

Toronto Songwriting School, Murray Foster

Les personnes qui s’inscrivent à la Toronto Songwriting School sont généralement plus âgées. « Leur rêve, ce n’est pas de trôner au sommet des palmarès, dit-il. C’est d’écrire des chansons et de s’exprimer. »

Foster doit faire preuve de sensibilité, puisque tout le monde ne réagit pas bien à la critique. « Ce qui fait de moi un bon prof, c’est que je veux que les gens réussissent », dit-il. « Je veux profondément que les gens deviennent de meilleurs auteurs-compositeurs. Cela dit, il faut faire attention de ne pas trop édulcorer les critiques, parce que ça se sent. En général, je commence par dire “C’est super”, peu importe la qualité, puis j’enchaîne avec ma critique. C’est ma façon d’adoucir le coup. Mais les gens sont là pour apprendre, pour s’améliorer. »

Le conseil qu’il donne à tous ses élèves vient d’un de ses amis, Blair Packham, qui fait carrière en solo et en tant que « frontman » du groupe The Jitters et lui aussi enseignant en écriture de chansons. « La première chanson que tout le monde écrit, c’est “Je suis seul dans ma chambre”, » dit Foster. « Donc tout le monde commence par écrire à partir d’un espace très personnel, et la plupart des gens pensent que c’est ça, écrire une chanson : exprimer ses émotions les plus profondes. »

« J’ai réalisé il y a plusieurs années que j’étais mauvais pour écrire des chansons personnelles, mais que j’étais vraiment bon pour écrire à partir d’un point de vue inventé, en imaginant la situation de quelqu’un d’autre et en me mettant dans sa peau. Ç’a été une révélation pour moi… En fait, c’est devenu ma véritable voix d’auteur-compositeur. »

Y a-t-il de véritables talents dans ses classes? « Oui, même dans mes cours actuels. C’est un cours pour débutants, mais il y a plusieurs personnes qui ont un réel talent, dit-il. Chacun a sa propre voix et sa zone de confort comme auteur-compositeur. Ce qui compte vraiment, c’est de mettre l’épaule à la roue : il m’a fallu une quinzaine d’années pour trouver mon rythme comme auteur-compositeur. Il faut persévérer assez longtemps pour que ça clique. »