Maude Audet

L’an dernier elle revisitait Smells Like Teen Spirit, de Nirvana, le temps d’une adaptation en français qui nous portait aux abords de cette odeur de déclin, ce sentiment de partir un peu chaque jour. Cet automne, sans même être incluse sur le troisième album de Maude Audet, la pièce s’installe au centre d’une œuvre entière, tel un pilier. Comme une odeur de déclin, paru le 29 septembre s’immisce tranquillement dans l’air du temps. « Il s’agit du déclin de la vie, ça reste que c’est un fait avec lequel on doit vivre au quotidien. On s’en va tous par-là », assure la nouvelle protégée de l’étiquette Grosse Boîte, sans pourtant se faire pessimiste.

Voguant sur toutes les mers de l’intime, Maude Audet se distingue par une plume mélancolique teintée d’une force brute. Si certains calculent tout, elle se considère plutôt instinctive : « J’oublie souvent de réfléchir à l’avance, mais pour ce projet-là, ce que je voulais, c’est me renouveler. J’aurais pu faire du hip-hop. J’adore le hip-hop, mais je voulais garder mon essence », se reprend-elle en riant.

Contrairement à Nous sommes le feu, sorti en 2015, cette nouvelle création réussit à tresser des liens forts entre l’auditeur et le propos, la majorité des chansons étant livrées à la deuxième personne du singulier. « Ce sont des conversations ; avec un ami, un amour, quelqu’un que je ne connais pas. Chaque pièce est un dialogue », précise l’auteure-compositrice. Musicalement, on se trouve dans les eaux enveloppantes du folk, mais plusieurs couches musicales d’insèrent avec délicatesse dans le son feutré. « Je voulais qu’on perçoive l’ensemble comme du folk rock vintage. J’ai besoin d’avoir mes tounes de guit’ électrique et de distorsion tout en conservant les pièces guitare, voix, violoncelle. »

Si on se sent ainsi rapidement concerné lorsqu’on écoute Comme une odeur de déclin, nous ne sommes pas seuls à vivre cet état. L’auteure Erika Soucy a donné un coup de pouce aux textes, happée par le regard artistique de Maude Audet, complémentaire au sien. « On se connait très bien, mais toujours de manière professionnelle. Elle a une plume brute et sensible. C’est féminin avec quelque chose de fort », explique Maude. Ce ne sont ni des compléments ni des ajouts aux textes qui étaient nécessaires à l’auteure-compositrice, c’était une validation devant le doute, un catalyseur de bonnes idées.

« Comme ça a été le cas avec Ariane (Moffatt) à la réalisation, j’ai laissé libre cours aux propositions des gens, ajoute-t-elle. Tu peux pas travailler avec quelqu’un et lui mettre des bâtons dans les roues. C’est comme peindre une toile en duo. Tu dois accepter que l’autre va venir peindre son petit bout », image-t-elle en précisant qu’elle a su garder sa substance à travers l’expérience. « C’est drôle, quand j’ai dit que je travaillerais avec Ariane, tout le monde pensait que j’allais faire un album électro », plaisante-t-elle, alors qu’au contraire, sa réalisatrice a su encadrer le projet sans le dénaturer.

Ariane Moffatt s’est rapidement imposée à l’esprit de Maude Audet au moment où elle s’est dit qu’elle travaillerait avec une femme cette fois-ci. « C’est parti d’un souci d’égalité, d’une prise de conscience, se rappelle l’artiste. Quand je cherchais mon réalisateur, il n’y avait que des gars qui avaient effleuré mon esprit. Puis, je me suis dit pourquoi pas une fille ? J’agis toujours par rapport à des décisions de cœur et, oui, y’a des prises de conscience qui doivent se faire », croit-elle.

Si le succès critique du moment est généralement favorable, elle ne s’inquiète pas devant les radios commerciales qui ne daignent pas cogner à sa porte. « Moi, je fais ce que je veux et les radios commerciales, c’est très restreint. Je ne me plierai jamais dans le moule et même si je voulais, je ne comprends pas vraiment ce qui pogne… », complète-t-elle en riant.

L’art de Maude Audet se place en équilibre au milieu des styles, des gens et au centre de sa vie. « J’ai une famille donc ma vie c’est pas de composer jusqu’à 3 h du matin les soirs de semaine. Ça se passe souvent le jour, quand je suis seule chez moi. Je suis guidée par l’inquiétude, le trouble, l’espoir ou la tristesse. »  Et parfois, l’inspiration arrive d’un coup : « Léo, c’est pour Leonard Cohen. Je l’ai écrite au lendemain de sa mort. Trump venait d’être élu, j’étais chez moi et je ne savais pas quoi faire. Cette chanson est sortie toute seule. Ça m’a permis de me poser. »