Il y a tout juste un an, un certain Philémon faisait irruption dans le paysage de la chanson d’ici. Sa participation à Vue sur la relève et aux Francouvertes, une expérience glanée au fil des ans, doublés d’un talent fou et d’un tour de chant intense, sensible et émouvant ont allumé une rumeur qui a propulsé le jeune auteur-compositeur-interprète jusque dans les palmarès de fin d’année. Quelques journalistes se sont entiché de sa mélancolie enjolivée d’arrangements cubains, de ses textes à fleur de peau et – osons l’écrire – de cette grâce, de cette pureté rarissimes et qui font sa fibre.
Fin mai 2010, Philémon Chante lance Les sessions cubaines en indépendant, allant jusqu’à en assurer lui-même la distribution dans les magasins… et ce jusque chez les journalistes, au volant d’une voiture de Communauto, ne se doutant aucunement qu’un an plus tard, le même album serait lancé par la plus grosse étiquette de disques québécoise, Audiogram. « J’ai été chanceux car le fait d’avoir lancé l’album en indépendant m’a donné une certaine crédibilité. C’est du travail et beaucoup de stress, pas mal de gambling aussi. T’as zéro dollar pour la promo, tu assumes tous les rôles et chaque fois que tu dis non, faut que tu l’assumes. Je me rends compte que depuis que j’ai signé avec Audiogram, c’est pas nécessairement plus facile, en fait c’est autant de travail, plus même, car les occasions se multiplient, mais je travaille plus large et j’ai l’impression d’avoir les bras plus longs. Ce que je fais a plus d’impact. Ce que j’aime avec cette équipe-là, c’est que même si on ne s’entend pas nécessairement sur tout, il y a toujours place à la discussion et en bout de ligne, c’est moi qui ai le dernier mot. »
On connaît la petite histoire derrière l’album : le cœur en miettes, Philémon Bergeron-Langlois part en voyage à Cuba. Il y retrouve le pianiste Papacho, un cousin qu’il avait perdu de vue depuis des lunes, et se lie avec quelques musiciens locaux, se retrouve par un alignement d’astres exceptionnel au mythique studio Egrem (Buena Vista Social Club) et enregistre en quelques jours son magnifique premier album. « Des moments comme ça, aussi parfaits, ça m’est arrivé quatre ou cinq fois dans ma vie. Tu sais, quand même les imperfections contribuent à ce que ça fonctionne? Tu te retrouves dans un état où t’es tellement bien que tu te mets à croire à tout. Le bon Dieu a la main sur ton épaule. Je n’aime pas les situations contrôlées. Quand tout est prévu à l’avance, je m’emmerde. Cette vie en éprouvette qu’on essaie parfois de recréer en Amérique du Nord me dégoûte; on passe à côté de quelque chose. »
La mélancolie de Philémon enveloppée d’arrangements cubains, toutes ces couleurs cuivrées ajoutées aux tonalités crépusculaires de sa musique : il y a là un ingénieux mariage des sensibilités, une union naturelle et convaincante. Une question s’est posée une fois Philémon rentré à Montréal : comment s’approcher d’un tel résultat sur scène? Une suite d’essais et erreurs, de rencontres et d’ajustements l’ont mené au groupe de musiciens actuel. Son cousin Papacho avait même fait le voyage depuis le Mexique jusqu’à Montréal pour le deuxième lancement sous l’égide d’Audiogram en avril dernier. Quant aux autres musiciens ayant contribué à l’album, « certains savent qu’il a été lancé, mais garder contact avec eux est difficile, car plusieurs n’ont ni Internet ni téléphone. En plus à Cuba, ils ont juste accès à un Intranet, ils n’ont même pas le droit d’aller sur Google! J’ai envoyé quelques courriels via Facebook à la fille qu’on entend chanter et à ma prof de danse, mais j’essaie de me planifier un petit voyage à Cuba pour leur remettre l’album en mains propres… » La boucle de cette fabuleuse épopée serait alors bouclée.