Nous sommes ravis de vous offrir encore notre série Jeunes pousses, où nous vous présentons des profils de très jeunes membres de la SOCAN qui se font remarquer grâce à leur musique.

Jay JayEn grandissant dans les Appartements St-Pie X, Jay Jay avait déjà un pied dans la culture hip-hop québécoise. Auparavant appelés Tours Bardy, ces tours d’habitation emblématiques du quartier Limoilou ont vu naître et croître le mouvement rap à Québec depuis trois décennies.

Du haut de ses 12 ans (et de son cursus primaire terminé il y a un mois), Jay Jay s’impose donc comme la relève d’un quartier fondamental du rap québécois, qu’ont représenté avec fierté Shoddy, Webster, Souldia, Les Sozi et bien d’autres. Bloc 2000, son premier EP, s’inscrit géographiquement dans l’espace limoulois grâce à son titre qui réfère au 2000 rue Désilets, adresse de l’un de ces deux gratte-ciel à loyer modique, où se regroupent une myriade de cultures dans un climat vivant et chaleureux, mais parfois impétueux.

« Retourne chez toi / Juste au cas où / Y’a des bagarres de partout, cours / On pourrait dire des loups-garous », témoigne l’artiste aux origines congolaises sur la percutante Feu rouge, un titre renvoyant aux sirènes de police qu’il a vu refléter dans les vitres du bloc 2000 dès son plus jeune âge.

« À Limoilou, t’es comme en famille », explique Jay Jay, rejoint au téléphone en appel conférence avec son gérant Sami, qui interférera parfois dans la discussion pour préciser la pensée de sa jeune recrue. « Par contre, si t’es nouveau, tu peux avoir peur. C’est un quartier où il y a beaucoup de bandits […] Mais si tu es né ici, tu vas grandir avec eux. »

« Je pense que ce qu’on peut retenir de tout ça, c’est qu’à Limoilou, on est en famille », résume Sami, le sourire dans la voix.

Et on le sait : la seule chose qui compte, c’est la famille. L’adage d’Alaclair Ensemble, formation qui a quelques-unes de ses nombreuses racines dans le quartier, incarne bien ce qui ressort de Bloc 2000, un mini-album marqué par l’amour que porte Jay Jay à sa mère, son équipe et ses amis.

L’un d’entre eux, c’est Izo, jeune adolescent de son voisinage qui lui a donné envie de rapper il y a un peu plus d’un an. « Je voyais qu’il était vraiment bon », dit-il, à propos de celui qu’il cite comme une influence majeure aux côtés de gros noms comme Koba LaD, Souldia et 50 Cent. « On a commencé à rapper ensemble il y a environ un an. C’est lui qui m’a montré à Sami. »

Sami a rapidement flairé le talent des deux jeunes garçons. « Je les ai invités dans mon petit studio. Mon ami avait placé son matériel dans ma chambre. Ça a donné Recompter », raconte le jeune gérant, également natif des Appartement St-Pie X.

Le clip de la première chanson de Jay Jay et Izo a rapidement dépassé le cap des 10 000 vues sur YouTube. Le succès était prometteur, mais malheureusement, « la maman [d’Izo] a supprimé la vidéo », se désole Sami. « J’ai donc recontacté Jay pour une chanson solo. Cette fois, je l’ai amené dans un vrai studio. Et on a fait la chanson Bloc 2000 avec un autre beat [que celui de l’album]. »

Sami a ensuite eu la brillante idée d’envoyer la chanson à un ami de son cousin : Souldia. Avide de nouveaux talents, le rappeur a instantanément pris Jay Jay sous son aile. « Je me retenais full pour pas sortir mes émotions », dit le jeune rappeur qui voit en Souldia un modèle. « À partir de là, il m’a dit qu’on allait faire un album dans un vrai de vrai studio. C’était vraiment professionnel ! »

Publié sous Disques 7ième Ciel et Altitude Records (la toute nouvelle étiquette de Souldia), le microalbum a été enregistré à Montréal chez Christophe Martin, fidèle réalisateur et ingénieur de son du porte-étendard limoulois. Chanson faisant la promotion du restaurant de sa mère, Malewa (premier extrait du EP sorti en mars dernier) a jeté les bases du style de Jay Jay : un trap fougueux mené par des compositions assez sombres qui contrastent avec ses textes rayonnants, un brin candides, mais plutôt matures et conscients pour son âge.

« La drogue, nah, ne prends pas de tout ça / Ils croient que je dors, mais nah, je ne connais pas le coussin / Tu sais où que j’ai poussé, la jeunesse est dégoûtée / Bloc 2000, St-Pie-X, dis-moi est-ce que tu sais où c’est », lance-t-il avec un flow précis et exalté, en phase avec la tendance du moment.

Sur Jeanine, touchant hommage à sa mère, Jay Jay sait aussi se faire plus sensible et émotif. « J’espère que ma musique pourra te faire vibrer / Maman je pars faire du rap / J’ai un combat à livrer », confie-t-il.

« Ma mère, je voulais la remercier pour la carrière qu’elle m’a donnée. J’adore ma mère », dit-il. « Je pensais qu’elle allait dire ‘’non’’ [à mon ambition de faire de la musique]. Ça aurait pu gâcher tous mes rêves. »

La pièce marque également les esprits par son refrain crève-cœur. « Papa où es-tu ? », demande-t-il à répétition dans un élan qui rappelle le tube international de Stromae. Quand on lui parle de ce passage, Jay Jay se fait catégorique : « Je vais même pas dire que c’est mon père… Il ne s’est jamais occupé de moi ! »

De toute façon, à quoi bon compter sur un adulte qui ne prend pas ses responsabilités quand on a tout un quartier derrière soi ?