On pourrait croire que c’est la musique qui a choisi Jessica Vigneault, chanteuse, pianiste, auteur, compositrice et… fille de Gilles Vigneault. Un chemin sans effort,

qui allait de soit? Non, pas tout à fait. Il faut voir le parcours de celle qui fête ses 37 ans pour comprendre que tout a été désiré, ardemment travaillé, truffé de rencontres déterminantes. « C’est moi qui suis tombée dans la musique. Mon père n’est pas musicien, ma mère non plus. Dès l’âge de quatre ans, je voulais commencer la musique, mais ma mère m’a fait attendre deux ans. C’est à six ans que j’entame une formation en piano classique. »
Pianiste avant tout, c’est plus tard, à l’âge de 18 ans, qu’elle apprivoise le chant comme nouvel instrument. La rencontre avec le pianiste Dan Thouin est alors déterminante dans la découverte de sa voix, et d’un genre de musique, le jazz.

« Dan m’a poussée à faire des back vocals dans un groupe de covers de pop américaine et britannique. On reprenait David Bowie, Sting, The Police, les Beatles, de la musique que j’adorais à cette époque. Parallèlement, Dan s’est lancé dans le jazz, et il m’a encore entraînée avec lui. La vie m’a présenté ça, la possibilité d’être chanteuse. Et une chance, car de nature, j’étais trop timide. Ça m’a pris pourtant quelques années pour le digérer. »

Encore aujourd’hui, la musicienne précise qu’elle est pianiste « à tout faire » et non pianiste de jazz ou de classique – une vocation en soi. Son rôle de chanteuse pleinement assumé, elle sécurise ses bases en 2001 avec la rencontre de Roger Ferber, protégé de Judy Garland qui a travaillé sur Broadway à New York après s’être fait un nom à Paris grâce à l’opérette. Jessica Vigneault est claire sur ce qu’elle doit à cet homme. Une tranche de son temps est maintenant consacrée à l’enseignement du chant au Centre culturel Calixa-Lavallée grâce à l’organisme Art Neuf. « Une grosse partie de ce que j’enseigne, la base vient de lui. » Mais la technique n’explique pas tout. La voix de Jessica Vigneault n’est pas banale, elle possède un grain grave, profond, maîtrisé que l’on reconnaît après une seule écoute. Aussi, elle a posé sa voix sur différents enregistrements dont le thème musical de la série La vie, La vie.

Printemps 2010. Jessica Vigneault lance de manière indépendante et numérique, grâce à l’appui de MusicAction et de sa gérante Florence Bélanger, quatre titres sous l’appellation Un jour, la nuit. Un avant-goût d’un album complet prévu en 2011 qui flirte ouvertement avec le jazz, le classique et la chanson, un mélange savamment pensé et travaillé. Après quinze ans dans le milieu, on peut se demander ce qui a pris à Jessica Vigneault tant de temps avant de composer. « J’ai été accompagnatrice à toutes les sauces pendant si longtemps… Et puis, j’avais préparé une maquette en 2001 que j’ai présentée à différents endroits. Mais je n’ai pas insisté, j’avais des doutes. J’attendais aussi une Florence Bélanger pour m’aider dans le processus. Maintenant, je vois ça comme une bonne chose. J’ai passé ces dernières années à réviser mes chansons, à les réécrire. Et elles n’ont pas la même gueule. »

Aujourd’hui, Jessica Vigneault est en pleine possession de ses moyens, la tête claire sur la direction musicale qu’elle entreprend. Aussi, elle se trouve à la réalisation de son aventure Un jour, la nuit en compagnie de Paul Campagne. Il est difficile de ne pas parler de Gilles Vigneault à Jessica. La musicienne qui accumule les collaborations sur scène comme sur disque se prête au jeu avec générosité, sans arrière-pensée. Il faut dire que le paternel a été présent dans la vie musicale de sa fille. Jessica a arrangé certaines de ses chansons, ils ont joué ensemble, ils collaborent sur les projets de La Montagne Secrète, des disques pour enfants, et ils ont dernièrement uni leurs voix sur la chanson « J’ai mal à la terre ». « On a une aisance à travailler ensemble, une confiance de part et d’autre. Il faut dire que je suis une fan finie de mon père. Ce qu’il fait me touche. »

Très tôt, Gilles Vigneault a été le lecteur privilégié des textes de Jessica Vigneault, tel un professeur sévère et sans complaisance. Résultat? Jessica ne lésine pas sur les paroles, remplit un cahier au complet pour arriver aux paroles de « Credo » par exemple. Mais ce que l’on pressent inévitablement, c’est que porter le nom de famille Vigneault n’a pas toujours été facile, surtout quand papa est un pilier de la chanson au Québec, un monument sur deux pattes. « Évidemment, s’appeler Vigneault m’attire de l’attention, de la crédibilité dans le milieu. Une crédibilité que je n’ai pas toujours gagnée par moimême.

On me demandait de chanter des chansons dans des émissions de télévision, mais ce n’était pas toujours de moi qu’il était question. Aussi, je suis partie en Autriche une partie de ma vie pour justement prendre le recul nécessaire, pour n’être la fille de personne. Ça m’a permis d’apprendre que nous sommes entièrement responsables de la façon dont l’on gère les attentes, les nôtres et celles des autres. » Affranchie, Jessica Vigneault lève la tête, en paix avec le passé, les bras chargés de cadeaux pour l’avenir.