Les parents d’Hannah Georgas étaient ravis d’encourager leur fille lorsque, durant son enfance, elle suivait des cours de piano et de chant, mais lorsque celle-ci a souhaité en faire un choix de carrière, ils lui ont « fortement conseillé de ne pas faire carrière en musique. »

De toute évidence, Georgas est devenue musicienne — une artiste accomplie maintes fois finaliste aux JUNOs —, mais il n’en demeure pas moins que pendant des années, sa principale source d’encouragement était d’écouter la musique auteures-compositrices-interprètes. « Je me suis vite rendu compte que toutes ces artistes m’avaient influencé », dit-elle et repensant au fait qu’elle a été exposée à un grand nombre d’artistes féminines durant sa jeunesse. « Elles m’ont toutes donné le courage de vivre ma passion. »

Imprints, son plus récent EP lancé lors de la journée internationale des droits de la femme se veut un hommage à ces artistes qui lui ont permis de devenir l’artiste qu’elle est aujourd’hui. Première parution depuis son EP For Evelyn (2016), ce recueil de quatre chansons aborde des genres et des époques différentes : The Cranberries, Eurythmics, Janet Jackson et Tegan and Sara. Cette proposition éclectique a comme fil d’Ariane le côté downtempo et sexy de Georgas et elle va droit au cœur de chacune des chansons qu’elle réinterprète d’une manière très intime qui trahit à quel point elle connaît et admire ces artistes et leurs œuvres.

Georgas voulait que ses intentions soient on ne peut plus claires sur Imprints, a fortiori dans le paysage numérique actuel où il y a une surabondance de reprises et réinterprétations ; il suffit d’effectuer une recherche par nom d’artiste ou de chanson sur YouTube pour le constater. « Pour que je fasse un “cover” d’une chanson, il faut que cette chanson compte beaucoup pour moi », confie-t-elle. « Je ne veux pas simplement faire un “cover” qui attire l’attention. » C’est pourquoi les chansons qu’elle a choisies représentent différentes époques de son passé. « Chaque fois que j’écoute la musique de ces artistes, j’ai des “flashbacks” de certains moments de ma vie », raconte-t-elle.

Ainsi, « That’s the Way Love Goes », de Janet Jackson, évoque à Georgas des souvenirs de l’école primaire. Elle se souvient d’ailleurs avoir vu la méga vedette de la pop à Canada’s Wonderland lors de sa tournée Velvet Rope Tour, à la fin des années 90, son deuxième concert à vie. Il s’agit d’un souvenir marquant pour Georgas ; elle a été marquée par la « surcharge sensorielle » de la scénographie de Jackson.

Quant aux Cranberries, ils sont rattachés à l’époque de l’école secondaire et celle où des « pièces cachées » à la fin d’un CD étaient encore une agréable surprise et un concept virtuellement impossible à l’ère de la diffusion en continu. Georgas a découvert « No Need to Argue », la pièce cachée à la fin de l’album des Cranberries du même nom (1994), et elle a été « renversée que ce soit une pièce voix et orgue avec des paroles tellement simples, mais déchirantes. »

C’est ensuite à l’université que l’album The Con de Tegan and Sara (2007) est entré dans la vie de Georgas. C’est une amie « obsédée » par cet album qui lui a fait connaître, et le disque est devenu la trame sonore de leurs trajets en voiture. Georgas affirme que la chanson « Back in Your Head » lui rappelle le temps qu’elle a passé sur la côte ouest, loin de chez elle et toujours déchirée entre un diplôme en psychologie et son désir de faire de la musique. Ce fut une époque intense où cet album a joué un rôle crucial afin de lui permettre de garder les pieds sur terre.

Finalement, Eurythmics : bien que ce soit un groupe des années 80, Georgas l’associe à une époque plus récente, ici encore en voiture, lorsqu’elle est partie en tournée avec son guitariste. C’est la chanson « Love is a Stranger » qui jouait en boucle durant ce « road trip » après l’avoir « redécouverte » : « Je n’en revenais pas comme c’est une chanson incroyable. ».

« Dans tous les cas, j’ai eu l’impression que mes reprises ont redonné vie à ces chansons pour moi », dit-elle au sujet de son EP quelque temps après sa parution. « En y repensant, j’ai pris conscience de l’importance de ces artistes de de nombreuses autres musiciennes. Elles ont été des éléments déclencheurs et des tremplins pour moi. » La liste des artistes que Georgas a considérées pour une reprise comprenait également Tina Turner, Emmylou Harris, Fiona Apple et Lauryn Hill.

Commentaire d’un original
Georgas n’a pas reçu de commentaires directs des artistes dont elle a repris une chanson sur Imprints, mais Tegan and Sara lui ont quand même fait un clin d’œil en janvier 2019 lorsqu’elles ont mentionné sa reprise de la chanson des Cranberries sur leurs réseaux sociaux : « Quelle belle reprise des @thecranberries par @hannahgeorgas et @ilovelucius ! », ont-elles écrit. « On a vraiment hâte d’entendre ta version de Back In Your Head en collaboration avec @theweatherstation quand ton EP va sortir le 8 mars ! » « Elles ont vraiment été adorables », dit Georgas tout en confirmant que les deux sœurs ont entendu ladite version de leur simple de 2007. À vrai dire, Georgas a même rencontré Tegan Quin lorsqu’elle était à Los Angeles pour l’enregistrement de ces reprises. « Mais je ne lui ai pas dit à ce moment-là que j’étais en train d’enregistrer une reprise de leur chanson ! », dit-elle en riant. Georgas se contente parfaitement de cette seule accolade, mais elle ne camoufle pas son ambition pour autant : « Je n’ai pas encore reçu les commentaires de Janet Jackson. J’attends encore. »

Et bien que Imprints représente des musiques auxquelles Georgas s’est identifiée au fil des ans, elle ne souhaitait pas que ce soit un projet solo. Comme elle l’a d’abord expliqué à Dan Molad, batteur du groupe Lucius durant l’enregistrement de son prochain album à Los Angeles, elle voulait en faire un projet collaboratif. Elle a donc fait appel à Lucius, Montaigne, Emily King et Tamara Lindeman (The Weather Station), pour donner forme à son projet.

Ces collaborateurs représentent en quelque sorte l’aspect le plus important du projet de Georgas : le fil trait d’union entre ces femmes influentes. « Je me suis dit, pourquoi ne pas réunir toutes ces musiciennes qui ont croisé mon chemin et que j’ai appris à connaître et à aimer afin de rendre hommage à ces gens », dit-elle. « Je voulais un peu de passé et un peu de présent, à l’image de mon parcours jusqu’ici. J’ai donc fait appel à mes amis et ils ont tous dit oui. »

Quant aux choses à venir, Georgas met les touches finales à son prochain album qu’elle espère lancer plus tard cette année. Bien que les détails se fassent rares, elle a révélé, l’an dernier, qu’elle avait travaillé avec Aaron Dessner et le réalisateur Jon Low au studio de Dessner, à Hudson, dans l’état de New York, en plus de son travail à Los Angeles.

« Les mots me manquent pour vous expliquer à quel point je suis excitée par cette nouvelle musique et ce nouveau chapitre », écrivait-elle sur Facebook. Si cet album à venir est un portrait de la femme qu’elle est en ce moment, Imprints est un regard sur le périple qui l’a menée jusqu’ici, son ADN musical.