Sensation électro pop montréalaise, Foxtrott part enfin à l’assaut de la scène internationale avec l’excellent A Taller Us, un premier disque complet à paraître d’ici la fin de l’année via l’étiquette londonienne One Little Indian.

Il y a de ces artistes qui séduisent dès les premières mesures d’une chanson, sans avertir, telle une force mystique. Le son prend vos sens en otage, comme si rien n’avait plus d’importance à l’exception des notes qui rebondissent sur vos tympans. Coup de foudre auditif. Euphorie.

« J’ai préféré tenter le grand coup et signer tout de suite avec une étiquette internationale. Tout a été plus long, mais j’y suis arrivée.»

Marie Hélène Delorme nous a fait le coup deux fois sous deux noms d’artiste différents. Ce n’est pas un hasard. La première date de 2009. Sous le sobriquet de MHMHMH, elle remixe alors la chanson Rue Ontario projetant la voix de Bernard Adamus dans un univers électro aux basses fréquences groovantes. Le contraste avec les racines blues du chanteur marque les esprits.

Puis, en septembre 2012, elle nous refait le coup en balançant sur sa page Bandcamp les trois titres du premier EP de son projet solo, Foxtrott. Certains craquent à l’écoute de Shields, une pièce électro accrocheuse capable de soutenir le rythme lors de séance de course. Plusieurs succombent devant la sensualité de Colors, une composition plus lente, sublime et hypnotique. Les autres accrochent devant la démarche plus exploratoire de Heads Under Water qui confirme toute la polyvalence de Delorme. Au jeu risqué des comparaisons, Foxtrott s’inscrit dans une lignée électro pop minimaliste, quelque part entre l’énergie de La Roux, la recherche sonore de Braids et l’accessibilité de Lorde.

Dès la minute où les pièces se retrouvent en ligne, des acteurs de la scène électro locale et même mondiale inondent la boîte de réception de Marie Hélène Delorme. Elle se retrouve rapidement prise en charge par la maison de gérance Sofa King Raw qui lui dégote, après plusieurs mois de négociation, un contrat avec le label londonien One Little Indian (Björk, Cody Chesnutt, Sneaker Pimps, Sigur Rós), une entente officialisée le 15 avril dernier.

« Ça fait un an que nous sommes en pourparlers avec One Little Indian. Ç’a été compliqué, mais je suis contente. C’est enfin réglé », explique la musicienne qui aurait pu s’entendre rapidement avec une maison de disque québécoise. « Avec les réactions face au EP sur Bandcamp, j’ai préféré tenter le grand coup et signer tout de suite avec une étiquette internationale. Tout a été plus long, mais j’y suis arrivée. »

Réalisatrice de son album, la chanteuse de 29 ans fait à sa tête. Élevée dans une famille où la musique classique occupe un rôle important, elle s’affranchit du carcan académique à l’adolescence. « Ma grand-mère était professeure de piano et d’orgue à Vincent D’Indy. Je devais avoir 4 ou 5 ans lorsqu’elle a commencé à me donner des cours de piano. Puis je me suis mise au violon, mais je me suis vite tannée par manque de liberté. Je cherchais à changer des pièces, à modifier des mélodies au grand dam de mes professeurs. « Mais c’est Bach qui a composé ça il y a 250 ans, tu ne peux pas changer la note finale sous prétexte que c’est plus beau », qu’on me disait. »

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Même si jouer avec les notes l’intéresse dès 14 ans, Marie Hélène Delorme mettra encore plusieurs années avant de signer ses propres pièces. Une fois le violon au placard, elle se passionne pour le rap et le dance hall. « Je viens de Tétreaultville dans l’est de Montréal. Personne n’écoutait de dance hall dans mon coin, mais ça m’allumait. Je lisais les livrets des CD pour voir qui avait produit les pièces. J’ai découvert Sly and Robbie qui était derrières plusieurs tracks que j’aimais. J’étais pas mal geek. Je me demandais toujours comment les producteurs arrivaient à tel type de beats et de sons.»

Cette fascination pour la production sonore prend un autre sens lorsqu’un ami lui prête un CD-ROM des programmes d’enregistrement Q-Base et Reason qu’elle installe en cachette sur l’ordinateur familial. « J’avais déjà créé un drame en abandonnant le violon, disons que je restais plutôt discrète sur mon amour des beats. J’ai mis beaucoup de temps avant de composer mes premières chansons et de les faire entendre aux autres. Tout a débloqué lorsque la maladie a frappé dans la famille. »

Affecté par des troubles de santé mentale dans la vingtaine, alors qu’il se dirigeait vers une carrière prometteuse de musicien classique, le frère de Marie Hélène Delorme devient une source de motivation.

« Le voir dépérir tout en me sentant impuissante m’a botté le cul. D’un côté il y avait lui, un musicien de grand talent, mais de moins en moins fonctionnel. De l’autre, il y avait moi qui faisais tout en cachette parce que je ne m’assumais pas. Ça m’a donné un électrochoc. J’ai ressenti un besoin urgent de composer et d’aller au bout de mes idées. »

S’accumulent donc les premières chansons de Foxtrott vers 2008, puis le remixe de Rue Ontario de Bernard Adamus l’année suivante.

La chanteuse ne cache pas le côté très personnel de ses chansons, dont Brother qui se retrouvera sur le premier disque complet de Foxtrott, A Taller Us, à paraître d’ici la fin de l’année. Plusieurs chansons abordent les différentes relations de la compositrice dotée d’un grand sens mélodique.

« Quand tu apprends la musique classique, il y a des notions qui te restent imprégnées dans le cerveau longtemps. Avec le violon, les mélodies deviennent super importantes. Je cherche aujourd’hui un équilibre constant entre le son, la rythmique et la mélodie », explique celle qui enregistre ses chansons seule dans son studio maison.

« Plusieurs beatmakers ont des sons de fous, mais sont faibles sur le plan mélodique. À l’inverse, des artistes forts en composition couchent leurs mélodies sur des beats poches. J’ai dans mon ordinateur des tracks fantastiques, mais je les utiliserai que lorsque j’aurai trouvé des mélodies à la hauteur.»

Les prochains mois seront donc fort occupés pour Foxtrott. Des concerts en formule trio (avec Erla Axeldottir au cor français et Christian Olsen à la batterie) sont prévus ce printemps à Toronto, New York et Londres. Il est grand temps que One Little Indian présente son nouveau poulain aux médias. Ça commence dès maintenant avec la sortie du premier extrait de l’album à venir, la pièce Driven, menée par une rythmique inventive et des claviers incisifs. À découvrir avant que la planète ne s’en empare.

http://www.iamfoxtrott.com/