Entrepreneurs: Apollo Music Store, la synchro facile
Article par Philippe Renaud | lundi 27 aot 2018
À tout problème, sa solution. « Notre but, c’est de faciliter l’accès des marques à de la bonne musique existante », résume Philippe-Aubert Messier, président et cofondateur du Apollo Music Store, une start-up montréalaise qui met à la disposition des entreprises et publicitaires un catalogue de chansons pour usage promotionnel. Le truc? Simplifier la découverte et la gestion des droits d’auteur pour que ces enregistrements soient accessibles et utilisables dans une pub en moins de cinq minutes. « Dix, si c’est ma mère qui remplit le formulaire en ligne », badine Messier.
Philippe-Aubert Messier
« Notre positionnement [dans le marché] est clair : on ne fait pas de musique de jeux vidéo, pas de musique pour la télé ou le cinéma, toutes des choses auxquelles j’ai touché dans le passé ». Le répertoire musical d’une centaine de catalogues représentant plus d’un millier d’artistes recensés par la plate-forme Apollo vise la publicité, « à la télé, à la radio, mais surtout aujourd’hui pour tous les formats web comme des vidéos promotionnels qui sont produits en grande quantité par les marques » comme Ford, Adidas, Absolut Vodka qui ont travaillé avec le catalogue du Apollo Music Store.
Simple comme bonjour : en arrivant sur le site, on s’ouvre d’abord un compte client pour ensuite survoler un répertoire musical à l’aide de catégories expressionnistes du genre « rythmé », « accrocheur », « organique », « groovy », « rêvasseur », vous voyez le genre. Le publicitaire accroche sur une chanson : disons Her, une ritournelle pop électronique entraînante d’un duo britannique nommé Seawaves que l’on peut écouter en entier. Clic! Dans le panier d’achats. On choisit ensuite son usage – prenons par exemple pour une campagne sur la télé et l’internet, puis on détermine la durée, disons pour diffusion durant six mois. On choisit le nombre de capsules publicitaires dans laquelle sera utilisée la chanson, puis le territoire dans lequel sera diffusée la publicité – local ou international. Un tarif est alors fixé; on passe enfin à la caisse virtuelle, et le tour est joué.
Musicien et entrepreneur, cofondateur et jadis copropriétaire durant une quinzaine d’années des studios de production sonore et musicale Apollo installés à Montréal et Toronto, Messier se dressait « au milieu de [toute la transaction de compositions] parce que je faisais et vendais de la musique pour des productions [audiovisuelles] et qu’en plus, j’étais responsable d’aller chercher les droits pour utilisation. L’observation de base, c’est que l’accès n’est pas simple ».
Autre constat : les grandes marques qui développent des campagnes publicitaires et les agences de pub qui travaillent pour elles doivent souvent composer avec des délais de production serrés, ce qui les force à se tourner vers des banques de musiques déjà libres de droits – ce qu’on désigne en anglais comme de la « stock music », « library music » ou « production music ». « Or, y’a personne qui se lève le matin en se disant : J’ai besoin de mettre dans ma pub de la musique mal faite et cul-cul. Toutes les agences, toutes les marques, veulent de la bonne musique! »
Lorsque Messier et ses partenaires d’alors ont vendu les Studios Apollo en 2016, il a conservé la plate-forme en ligne « parce que je considérais qu’il y avait encore du travail de défrichage à faire avec l’entreprise », qu’il juge être une sorte de projet toujours en développement. « Ça fait un certain temps que mes associés et moi expérimentons avec l’idée d’octroyer des licences musicales à des marques à travers une plate-forme web. On a d’abord lancé une première version toute simple, un microsite avec vingt-cinq chansons en ligne, puis on a évolué de version en version tout en validant qu’il y avait bel et bien de la demande pour un service comme celui-ci ».
Et de la demande, il semble bien en avoir, mais pas pour n’importe quelle musique : pour de la bonne, insiste Messier, qui compare son travail et celui des employés de la start-up comme celui d’un « curateur ».
« Un des éléments qui ajoute beaucoup de valeur à notre service aux yeux de nos clients, c’est notre habilité à dénicher de la musique qui a de la pertinence pour eux. C’est sûr que y’a des types de musiques, relativement indémodables, et certains genres plus au goût du jour, mais ça évolue très rapidement. Je dis souvent en anglais que c’est un « moving target » – je ne pourrais pas dresser une liste du type de musique qui serait pertinente pour les deux prochaines années, disons. Cependant, je sais que y’a des styles de musiques qui ne marcheront jamais; dommage pour ceux qui en font, mais pour nous, ça nous simplifie la vie! Ça n’a rien à voir avec la qualité de la musique, c’est simplement que ça ne correspond pas à une demande dans ce milieu spécifique. »
Avis aux créateurs, le Apollo Music Store est ouvert aux soumissions, « mais en général, on transige directement avec les éditeurs, indique Messier. Par contre, certains artistes s’éditent eux-mêmes, mais on passe normalement par l’éditeur, et l’étiquette de disque s’arrime à lui. Souvent, on ne va représenter qu’une ou deux chansons d’un artiste. Le but n’est pas de travailler tout le catalogue, mais bien d’identifier les chansons qui parleront aux publicitaires. »
Article par Olivier Boisvert-Magnen | mardi 28 aot 2018
Pour son premier album solo OUI (tout, tout, tout, toutttte), Yes Mccan a fait confiance à son instinct. Appuyé à la coréalisation par un vétéran (Ruffsound) et une jeune révélation (Yen Dough), l’ex-Dead Obies a cherché à diversifier le plus possible sa palette musicale. À l’occasion de la sortie de cet opus au titre symbolisant l’ouverture totale et l’ambition démesurée, le rappeur montréalais désormais vedette du petit écran grâce à son rôle marquant de Damien dans la télésérie Fugueuse, revient en détail sur le processus d’écriture de chacune de ses huit nouvelles chansons.
Temps
« Pour donner le ton, on voulait une intro d’album à la Drake, un genre de truc piano-voix sur lequel le MC fait un reality check, comme pour te dire où il en est dans sa tête et dans sa vie. On a écouté l’album Nothing Was the Same au complet pour s’inspirer, et Yen a fait trois beats en une nuit qui ressemblaient à cette vibe-là. On a choisi celui de Temps, car on sentait que ça groundait l’album. C’est une chanson assez emblématique de comment j’ai travaillé pour le rester du record, c’est-à-dire en rassemblant des notes, des images ou des punchlines que j’avais écrites dans un cahier. À la base, mon premier couplet durait 3:30, ce qui était un peu trop audacieux. Pour le bien-être de la chanson, j’ai donc élagué le texte pour que la mélodie prenne le dessus. L’idée générale, c’est que, dans la vie, tout est une question de timing. Il faut suivre le cours des choses, accepter où la vie t’emmène et, surtout, saisir les opportunités. »
Près de moi « Yen et moi, on avait vraiment une volonté de s’ouvrir au grand public avec cet album-là. Vers la fin de l’enregistrement, on sentait toutefois qu’il nous manquait quelque chose pour avoir réussi notre mission. En me rendant chez lui, je suis passé devant un supperclub où les gens venaient de se lever pour danser sur une musique beaucoup trop forte. J’ai aimé l’ambiance et je me suis dit qu’on se devait d’avoir une toune plus accrocheuse dans ce genre-là, une toune qui avait le potentiel de faire danser et chanter les filles. Une fois chez Yen, on est retournés à la source du rap pop à la French Montana et, tout de suite, il a planché sur le beat, et j’ai freestylé dessus le soir même. Après ça, je me suis mis à faire du songwriting à l’image de ce que j’entends dans la pop américaine. J’ai toujours aimé les writers de Rihanna et ce genre de thématique du plaisir interdit à la «it was wrong, but it felt right». Je voulais travailler avec cette notion-là de relations dangereuses à travers une chanson clairement sexuée, mais qui suggère davantage qu’elle nomme. Y’a sûrement un lien à faire avec la popularité soudaine et très plastique que j’ai eue durant le peak de Fugueuse. D’un seul coup, y’a plein de filles qui me tournaient autour, alors que j’étais toujours en couple. Je suis pas le genre de gars qui saute la barrière, mais clairement, il y avait une tension. C’est peut-être ça qui est ressorti ici. »
Forêts (avec Ogee Rodman et Caballero & JeanJass) « Avant d’aller au premier chalet de création au printemps 2017, je marchais dans la rue et j’écoutais un beat dans mon iPhone. Je me suis mis à réciter des patterns dessus, des rimes que j’avais déjà écrites. Rendu au chalet, Ruffsound était vraiment down avec mon verse, et Yen s’est mis à faire le beat. On a ensuite invité Ogee (Dead Obies) à se joindre à nous et comme d’habitude, il a tout enregistré sa partie en une prise, en nous laissant un refrain puissant et accrocheur qui est devenu le leitmotiv de la chanson. Durant l’été, Caballero et JeanJass étaient de passage pour les Francos de Montréal et, vu que j’avais vraiment passé du bon temps avec eux en Belgique quelques mois avant, on les a invités au studio pour qu’ils complètent ça. Le problème, c’est qu’avec du recul, j’étais moins down avec mon verse et mon ton nasillard, donc j’ai voulu tout réécrire et réenregistrer. J’ai ajouté des phrases plus réfléchies comme «Elle habitait sur la Rue de l’amour / Y’a fallu que je google map» et «Ils veulent me kill pour mon papier comme les forêts québ». Je trouvais que ce clin d’œil à l’exploitation forestière donnait une autre lecture à la chanson, car les arbres sont la source du papier et qu’à un moment donné, y’en aura pus d’argent si on prend pas soin de cette source-là. À un autre niveau, la chanson veut aussi dire que, si tu es dans l’industrie musicale juste pour faire de l’argent, ton shit va peut-être durer un temps, mais pas nécessairement longtemps. En revanche, si tu as une croyance, une motivation ou une ambition plus profonde que ça, ta source d’inspiration ne pourra jamais tarir. »
Money Convos « À un certain moment, j’avais vraiment besoin d’inspiration pour l’écriture de mes textes, mais les sessions que j’avais faites avec plein de producteurs talentueux n’avaient pas abouti. Je me suis donc imposé d’écrire au moins un verse par jour sur des instrus prises sur Internet. Je l’ai notamment fait sur la chanson de BlocBoy JB avec Drake, Look Alive, qui m’obsédait. Je l’avais tellement dans la tête que j’en étais pratiquement rendu à copier les patterns. Fallait que je casse ça, donc j’ai demandé à Yen de me faire un beat semblable. On a ensuite envoyé ça à Ruff, qui a fait des arrangements de mongole par-dessus. J’ai peaufiné tout ça quelques semaines plus tard durant le deuxième chalet de création, et c’est à la toute fin de l’enregistrement qu’on s’est rendu compte que 21 Savage venait aussi de sortir une chanson qui s’appelait Money Convo. Au début, je voulais complètement refaire le refrain, mais j’ai fini par accepter que ça faisait partie de mon processus de création instinctif. Bref, j’ai tout simplement assumé que j’avais peut-être déjà entendu la chanson et que, par conséquent, le titre m’était peut-être resté en tête. Pour moi, Money Convos, c’est une figure de style qui veut dire que j’ai pus le temps de niaiser avec des shows gratuits ou des promotions pour une compagnie quelconque. Là, ma priorité, c’est de faire de la musique et d’être bien dans ma vie, donc je préfère travailler sur mes affaires plutôt que de courir après de fausses opportunités ou de fausses promesses. J’en ai assez fait des trucs pour de l’exposure ou de la visibilité. »
Vie « On a fait cette toune-là au moment où Kanye sortait un album par semaine. C’était inspirant pour nous de voir un artiste aussi prolifique que ça, car on était justement pressés de finaliser l’album. J’ai écrit ça en 15 minutes sur le coin d’une table. C’était juste honnête comme écriture : j’ai pas pris de personnage et je me suis pas forcé à trouver des figures de style. J’ai dit les premières affaires qui me passaient par la tête, et ça a donné un résultat assez weird, où je fais des références à l’album Les Fourmis de Jean Leloup et à la chanson Ta yeule… de KC LMNOP. Lui, c’est le premier artiste rap québécois que j’ai écouté pour vrai, en prêtant vraiment attention aux paroles. J’avais appris sa chanson par cœur, et c’est sur elle qu’on rentrait sur la scène quand je faisais des matchs d’improvisation au secondaire. Bref, j’ai pas cherché à être cool, je voulais juste laisser aller mon feeling raw, en faisant un clin d’œil à la musique que j’écoutais à l’adolescence. Après ça, on a refait le beat de Yen au complet avec Ruffsound, et c’est là qu’on a ajouté le vibe des Caraïbes avec le contretemps des snares. La toune a pogné une bonne swing, mais encore là, je me sentais un peu fragile et vulnérable face à elle. J’étais pas du tout certain qu’elle était bonne jusqu’à tant que Hubert Lenoir écoute l’album et me dise que c’était sa préférée. J’aime vraiment sa musique, donc pour moi, son avis est très important. »
Slick Rick (avec Rowjay) « Quand on a commencé avec Dead Obies à faire du rap, c’était nous, les jeunes de la scène, les up-and-comers. Les gars d’Alaclair Ensemble, on les voyait comme des modèles, des idoles. Même chose pour Loud, Lary et Ajust, qui avaient à peu près le même âge que nous, mais qui avaient beaucoup plus d’expérience. Nous, on se voyait vraiment comme des kids et, maintenant, y’en a plein de nouveaux kids qui sont prêts à donner un coup de pied dans la fourmilière comme on l’a fait il y a quelques années. Rowjay, c’est l’un de ceux que j’ai vus arriver et que je suis depuis ses débuts sur Soundcloud, alors que tout le monde le trouvait drôle ou ridicule. Plus ça allait, plus ses chansons s’incrustaient dans ma tête et plus je tripais sur son personnage. Dans le rap, j’ai toujours aimé le mythe, la personnalité plus grande que nature, et au Québec, c’est clairement lui qui joue le mieux cette carte-là. J’ai donc tout de suite pensé à lui quand vxnyl m’a envoyé ce beat-là qui, à la base, s’intitulait Post Malone feat. Migos Type Beat. J’avais trouvé un refrain béton, centré autour du personnage de Slick Rick, l’un des rappeurs les plus respectés dans le rap américain, un genre de roi intouchable que tous les street rappers américains aiment bien name dropper une fois de temps en temps en raison de son swag et de ses bijoux. J’étais plutôt fier de ça, mais j’étais pas inspiré pour les verses. Ça sonnait tout le temps comme si je draggais le beat down. Rowjay a vraiment donné un nouveau souffle à la chanson. Il est arrivé en studio sans avoir rien écrit, et comme une légende, il a fumé backwood sur backwood et a tout complété son verse en deux heures. C’était incroyable. »
Over « Celle-là, elle est passée par beaucoup d’étapes. À la base, c’est un beat que vxnyl a fait il y a un an. Yen Dough l’a entendu et voulait tout de suite enregistrer un hit dessus. Finalement, il a fait une maquette improvisée de trois minutes, mais il a jamais été capable de la finir. Un bon moment après, quand on cherchait des trucs pop plus mélodiques pour finaliser l’album, on est retombés là-dessus sur son disque dur. Ça m’a tenté de l’essayer, et tout de suite, j’ai été capable de traduire un feeling pur que je ressentais par rapport aux gens qui m’insultent sur Facebook. La phrase «Qu’est-ce qu’ils feraient pas pour me garder au sol juste parce qu’ils ont peur des hauteurs?» a donné le ton, et je trouvais l’image puissante. Ensuite, j’ai frappé un mur et, un matin, je me suis réveillé avec le refrain qui parle de mon aversion des concours de popularité. Depuis que je suis tout petit, je suis un fan de musique et je rêve de faire des shows, mais maintenant que je vis cette vie-là, qu’on me voit sur des plateaux de télé comme Les Échangistes, je sens que je fitte pas dans le décor, que je suis à part de tout le vedettariat. Ça donne une chanson super pop, mais avec un vrai souffle, une vraie authenticité. »
Désirée (avec Cape Tula et Yen Dough) « C’est un portrait assez caricatural de Désirée, un personnage fabriqué autour de cette idée de désir, de ce rêve vendu dans le rap américain à la Kylie Jenner ou Amber Rose. La fille existe pas pour vrai, mais elle prend racine dans un univers que j’ai souvent côtoyé. En faisant de la tournée, j’ai réalisé à quel point la coke était omniprésente chez les jeunes, surtout en région. Souvent, c’est même plus facile à trouver que du weed! Sur scène, je regarde les jeunes sur la blow qui parlent vite, avec les yeux grands ouverts comme des zombies, et je trouve ça vraiment intense. Moi, je suis pas trop sur ce vibe-là, donc je trouvais ça intéressant de mettre en contraste mon vibe organique de gars qui veut juste fumer avec celui de la femme fatale débauchée. Encore une fois, y’a cette notion de relation interdite, de zone grise un peu dark. Sincèrement, je m’attendais pas à ce que la toune soit un aussi gros succès. On avait eu beaucoup de misère à la finir, et j’ai dû réécrire mon premier couplet une dizaine de fois. Yen et moi, on trouvait la toune tout croche, à un point où on pensait qu’elle était complètement ratée. Finalement, on a fini par l’accepter, un peu à reculons, et on l’a sortie le lendemain que j’ai annoncé aux gars que je quittais Dead Obies. On avait passé une soirée super intense dans une ambiance de break-up, vraiment deep, et là, le lendemain, ma toune était numéro 2 au Canada devant The Weeknd. Je comprenais absolument rien et je me sentais mal pour les gars, qui ont dû penser que tout ça était orchestré. Mais la réalité, c’est que j’en avais aucune idée. »
Photo par Meghan Tansey Whitton
Le fascinant voyage de T. Thomason
Article par Meredith Dault | mercredi 22 aot 2018
Lorsque T. Thomason faisait des siennes lorsqu’il était enfant, ses parents l’envoyaient réfléchir dans sa chambre et ils se tenaient en silence de l’autre côté de la porte en supprimant leurs rires tandis qu’ils l’écoutaient écrire des chansons tristes au sujet de sa situation. « Ils m’écoutaient chanter ma tristesse d’être si tannant » rit-il en se remémorant ces moments. « J’ai toujours écrit des histoires et des chansons avant même de savoir écrire. »
Aujourd’hui âgé de 23 ans, Thomason utilise toujours l’écriture comme moyen de se comprendre et de comprendre le monde qui l’entoure. Originaire de la Nouvelle-Écosse, il a lancé son premier album, Through the Static, à l’âge de 14 ans et est parti en tournée un peu partout dans la province avec le soutien actif de sa mère, l’actrice et auteure Shelley Thompson, bien connue pour son rôle de Barb Lahey dans la très populaire série Trailer Park Boys.
Cet album lui a valu deux nominations de Music Nova Scotia en plus de donner une direction claire à sa carrière musicale en pleine ascension à mesure que ses chansons grimpaient dans les palmarès en plus d’être utilisées dans des séries télé comme Degrassi : The Next Generation. Ses albums suivants, Beauty Queen (2011) et Columbus Field (2014) lui ont valu de nombreux honneurs et prix, notamment celui de jeune artiste de l’année aux Canadian Folk Music Awards en 2011.
« Chaque fois que je mettais la main sur une guitare, j’écrivais une chanson complète en une heure ou deux », se souvient-il au sujet de son style créatif des débuts. « Et je ne changeais rien. Elles sortaient d’un trait. Chaque fois que je prenais une guitare. »
Mais à mesure qu’il vieillissait et prenait la mesure du monde qui l’entoure, sa créativité musicale ralentissait. C’est alors qu’il travaillait dans un centre d’aide pour les jeunes itinérants que Thomason est entré dans une phase d’introspection et qu’il a entrepris une hormonothérapie à la testostérone afin de changer le genre qu’on lui avait assigné à la naissance.
« Je n’écrivais plus et je m’en sentais coupable », se souvient-il. « Je me sentais détaché de ma carrière musicale. Je n’osais même pas regarder ma guitare tellement je me sentais coupable. »
Mais par-dessus tout, il était inquiet du changement de sa voix en raison de son hormonothérapie. « Quand on commençait à prendre de la testostérone, on courait le risque de ne plus jamais pouvoir chanter — du moins, c’est ce qu’on croit. Les gens y croient dur comme fer », dit-il avant d’expliquer qu’il ne trouvait peu ou pas de ressources étayant ses recherches.
« Je me sentais comme si j’allais devoir choisir entre deux choses dont j’avais besoin pour survivre », se souvient-il. « Ce n’était pas amusant. »
« Tout le monde doit trouver une façon de faire correspondre leur vie intérieure avec la version externe de leur personne telle que le reste du monde la voit. »
Il a fait connaissance avec Lucas Silveira du groupe The Cliks qui a vécu la même transition, en plus de retenir les services du coach vocal Ali Garrison avec qui il travaillait plusieurs fois par semaine tout au long de cette transition.
C’est finalement en avril 2015 qu’il a dévoilé sa nouvelle identité avec ses fans dans un message d’une grande candeur sur Facebook et qu’il a entrepris de redonner un sens à tout cela grâce à la musique.
« Il y a plusieurs chansons qui sont issues de différentes étapes de cette époque », dit-il. « J’essayais de comprendre tout ce qui était arrivé. C’est la seule façon que je connaissais pour tenter d’y arriver. Il est facile de sentir qu’on a perdu le contrôle de soi-même et de son avenir dans une telle situation… De se sentir incertain au sujet de ce qui va vous arriver et de l’impact sur votre carrière. »
En 2016, il a lancé de manière indépendante son premier EP sous son nouveau nom, Sweet Baby, et il l’a lancé de nouveau en 2017 sur le label Coax Records de Rae Spoon. Thomason travaille actuellement à la création d’un album qu’il espère lancer au début de 2019. Le premier extrait, « Bliss », etait lancé en août 2018.
Citant des influences aussi diverses que Joan Jett, Bob Dylan et Carly Rae Jepsen, il travaille sur cet album en compagnie de Dave Henriques de Coalition Music, à Toronto et décrit le processus comme étant « collaboratif d’une manière que mon travail n’a jamais été auparavant ». Il affirme que Henriques, qui est également coauteur des pièces en plus d’être réalisateur, l’a forcé à sortir de sa zone de confort afin d’explorer de nouvelles avenues et de trouver sa nouvelle identité musicale.
« On ne s’est pas assis pour écrire des chansons ; Dave m’a aidé à les exploser et à les réarranger », explique l’artiste. « Il m’a appris à relaxer et à laisser les choses aller là où elles le veulent. J’ai appris des leçons incroyables, personnellement et musicalement. Il y a eu beaucoup de chevauchements. »
Thomason confie que ses expériences des dernières années lui ont fait grandement apprécier la recherche d’honnêteté, tant en musique que dans la vie.
« Je souhaite faire partie d’une catégorie de musiciens qui sont les porte-étendard d’une attitude honnête », dit-il. « Pas question de produire et de vendre un produit de consommation facile à digérer. Nous mettons notre auditoire au défi de se regarder dans le miroir lorsqu’il écoute notre musique. »
Mais Thomason se dépêche d’ajouter que même s’il est fier de faire partie de la communauté LGBTQ, il veut éviter d’être identifié comme artiste s’adressant à un seul auditoire : « Je ne veux surtout pas m’aliéner quiconque est touché par ma musique simplement parce qu’il ou elle n’est pas “queer” ou trans. »
Au contraire, il croit que son propre parcours afin de se trouver en tant que personne et en tant que musicien lui a permis de réaliser que chacun d’entre nous cherche sa place dans le monde.
« Tout le monde doit trouver une façon de faire correspondre leur vie intérieure avec la version externe de leur personne telle que le reste du monde la voit », croit-il « C’est difficile pour tout le monde. »