Membres de la SOCAN ! Vous êtes vous déjà demandé qui prend les décisions qui peuvent influencer le cours de votre carrière ? Dans cette nouvelle série d’articles intitulée Décideurs, le magazine en ligne de la SOCAN vous présentera des entrevues avec certains de ces décideurs afin de découvrir ce qui les fait courir et la meilleure manière de les approcher.

Véritable oiseau de nuit qui survit grâce à un minimum de sommeil et qui relit chacune de ses phrases avec obsession, ce n’est que vers 4 h de matin que le cerveau de Ben Rayner se met à fonctionner. Reconnu pour son humour sardonique, on le décrit comme « le mec qui s’en fout complètement ». Mais en réalité, Rayner est l’un des plus importants influenceurs de goûts musicaux au pays. Et en tant que « décideur » dans cette industrie, il s’en soucie bien plus que la majorité. Il admet volontiers qu’une de ses faiblesses est de ne jamais dire non : il fait de son mieux pour répondre à chacun des 650 courriels qu’il reçoit quotidiennement. Le critique et commentateur musical du Toronto Star écoute également plus de musique que la majorité des gens, ce qui rend difficile de ne pas respecter ses opinions, même lorsqu’elles glissent vers une scène underground ou une nouvelle niche que les autres négligent.

« Je dis toujours aux gens qui me demandent pourquoi je fais ce que je fais que c’est parce que j’aime aller dans les bars, dormir tard et aller voir de concerts rock », confie-t-il.

FAITS EN VRAC
Âge : 43
Né : Colchester, Angleterre
Employeur : The Toronto Star
Première cassette : Rick Springfield – Success Hasn’t Spoiled Me Yet
Groupe préféré : Joy Division
Disque qui a tout changé : The Jesus & Mary Chain – Psychocandy
Twitter: @IhateBenRayner

Rayner et moi avons échangé des textos pendant une semaine avant d’enfin nous asseoir, en fin d’après-midi (je tenais à m’assurer que son cerveau serait au meilleur de sa forme). C’est que le journaliste musical est dur à attraper, ce qui n’est pas surprenant lorsqu’on sait que son équilibre travail-famille est partagé entre son travail qui l’oblige à aller voir des concerts jusqu’au petit matin et son travail de papa de sa fille âgée de 18 mois, Polly, ainsi nommée en l’honneur de PJ Harvey. L’homme de 43 ans rigole lorsque nous nous rencontrons et que je lui dis le nom de cette nouvelle série d’articles pour la SOCAN.

« Je ne me considère pas comme un décideur », dit-il. « Je suis plutôt un indécis… un passager, pas un fonceur ! »

Et sans qu’on sache trop comment, cette philosophie de laisser les choses entre les mains du destin lui a souri ; en juin 2018, ce « passager » célébrait ses 20 ans de service au Toronto Star. C’était inévitable que Rayner finisse journaliste et dans le domaine de la musique : ses parents se sont rencontrés alors qu’ils travaillaient tous les deux pour le même quotidien en Angleterre et son père était un audiophile et un grand amateur de « mixtapes ». Durant son adolescence goth/punk, Rayner lisait avidement des magazines comme Spin et le regretté Graffiti, et les groupes qui figuraient à la trame sonore de sa vie étaient The Jesus & Mary Chain, Joy Division, The Church et The Damned.

Mais on est en droit de se demander comment, après deux décennies, il parvient encore à demeurer au fait de ce qui est « hot », « cool » et branché dans l’esprit des « hipsters ».

« Je lis des tonnes d’articles sur la musique, j’écoute des tonnes de musique et j’ai mes antennes », dit-il. « Ça ne change pas, ce qui a changé c’est la quantité de musique et des scènes entières dans cette ville que j’arrive à peine à survoler. Bien des gens disent que de demeurer au fait de tout ce qui se passe dans le domaine de la musique est un boulot à plein temps. Eh ! bien, pour moi ça l’est vraiment. Mais je suis privilégié, car c’est réellement mon boulot à plein temps ! »

Rayner célébrait récemment son jalon au Star de la même manière qu’il a célébré tous les autres anniversaires au cours des deux dernières décennies : dans le nord, dans le bois, dans un rave. « C’est mon solstice », ajoute-t-il. « C’est ce qui me permet de garder les deux pieds sur terre ! »

Comment cet influencer est-il devenu le principal critique musical d’un des plus importants et des plus vieux quotidiens au Canada ? Retournons 22 ans en arrière. Pendant ses études en journalisme à la Carleton University, Rayner s’est trouvé un boulot d’été au Ottawa Sun, où il couvrait le divertissement, la nouvelle et même les faits divers. Il aimait Ottawa et ne s’attendait pas à vivre à Toronto un jour, mais c’est à ce moment que le destin en a décidé autrement pour sa carrière journalistique.

Trois conseils pour attirer l’attention de Rayner

  1. Patience : « Ne me bombardez pas ! J’ai la mèche courte et je vais vous bloquer définitivement. Il y a réellement des centaines de personnes qui tentent de me vendre quelque chose chaque jour. Ne le prenez pas personnel. Ça arrive que je ne réponde pas. Je ne suis simplement pas intéressé. »
  2. Connaissez votre auditoire : « N’essayez pas de m’intéresser à The Tenors. La majorité des relationnistes savent ce qui va m’intéresser. »
  3. Soyez personnels : « Je sais que c’est beaucoup de travail de ne pas utiliser un courriel de masse, mais si votre message est personnalisé, c’est un gros plus en votre faveur, pour moi. Je vais toujours lire votre courriel si je vous connais. Et si je vous apprécie, j’ouvrirai vos courriels jusqu’à la fin de mes jours. »

« Lorsque le National Post est arrivé, le Toronto Star a décidé de lui faire concurrence en embauchant tout un tas de jeunes journalistes, et j’ai soumis ma candidature », explique Rayner. « Je ne pensais pas obtenir le poste, j’avais l’impression d’avoir raté mon entrevue, alors j’ai fait des champignons magiques avec un ami au parc Christie Pits (au centre-ville de Toronto) en me prenant en pitié… Une semaine plus tard, je recevais un appel m’offrant le poste. »

Rayner s’est joint à l’équipe culturelle du quotidien en 1998, et le reste appartient à l’histoire musicale. Au fil des ans, Rayner a interviewé des artistes aussi variés que Neil Young et Robert Plant ou encore Lady Gaga et Iggy Pop. Par ailleurs, ses propres goûts musicaux sont plutôt, dans ses propres mots : « la musique qui me rend inconfortable », mais il fait de son mieux pour couvrir tous les genres, de la pop commerciale au « classic rock » en passant par le country, le hip-hop, la musique électronique et l’alternatif.

Alors, après vingt ans comme journaliste musical, comment Rayner choisit-il ses sujets ?

« J’ai eu de la chance », dit-il. « J’ai eu une bonne relation avec la plupart de mes éditeurs au fil des ans. Ils ont toujours fait confiance à mon jugement. Lorsque j’ai commencé, l’as dans ma manche était que je suis arrivé à Toronto et j’étais un — relativement — jeune “rave kid” qui aimait la musique électronique à une époque ou la couverture musicale de cette scène était uniquement négative : “Oh ! non, tous nos jeunes se droguent !” Mais j’ai fait le choix de parler de la musique, ce qui m’a mis dans les bonnes grâces des promoteurs. J’étais un fan de cette musique et j’allais moi-même dans les raves. Je me suis donc retrouvé avec une petite niche que personne d’autre ne couvrait. »

« Le Star a été vraiment bon pour moi », poursuit Rayner. « Ils ont pris le risque d’engager un jeune de 22 ans. Ils n’hésitent jamais à s’en remettre à mon expertise. Cela dit, il est bien entendu que je ne peux pas ignorer Justin Bieber, Taylor Swift ou Drake. Tout est question d’équilibre. »