La série à succès North of North, diffusée sur APTN, Netflix et CBC, brosse un portrait aussi original qu’inspirant d’une mère inuite moderne déterminée à reprendre les rênes de son village du Nunavut – fictif, mais ô combien crédible – et sa bande sonore de compositions originales et de chansons choisies s’avère tout aussi captivante.

North Of North met en vedette le talent créatif des compositeurs vancouvérois Caleb et Brian Chan ainsi que des placements de chansons par plus de 15 artistes autochtones canadiens dont les licences ont été obtenues par le réputé superviseur musical Michael Perlmutter. Parmi ces artistes, on retrouve Elisapie, Tanya Tagaq, Riit, Snotty Nose Rez Kids, Joshua Haulli et PIQSIQ, et leurs chansons permettent à North Of North de nous offrir un regard sur un mode de vie aussi stimulant sur le plan sonore que visuel.

Il n’y avait qu’une seule consigne pour aborder la première saison de cette série en huit épisodes, qui suit les aventures de Siaja (prononcé « Si-ya ») alors qu’elle reconquiert son autonomie : rester fidèle à la culture.

Pour le compositeur à l’image Caleb Chan, qui a produit les « cues » de l’émission avec son collègue et frère Brian, c’était une préoccupation majeure. Il est reconnaissant à Perlmutter ainsi qu’aux créatrices de Red Marrow Media – Stacey Aglok MacDonald et Alethea Arnaquq-Baril – en tant que « showrunners » (directrices de série), et à Miranda de Pencier, productrice déléguée pour Northwood Entertainment, qui ont posé les bases de l’univers du projet avant leur arrivée sur le projet.

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« Toutes les chansons étaient déjà choisies, alors c’était comme entrer dans un univers où tout était déjà en place pour nous. Ça nous a permis d’insérer nos “cues” plus facilement entre tous ces moments importants déjà marqués par les chansons », explique Caleb. « La série est tellement ancrée dans cette culture qu’elle doit absolument sonner vrai. Et ce sont les chansons qui lui ont donné vie d’une manière que nous, en tant que compositeurs non inuits, n’aurions pas pu faire. C’est ce qui fait l’identité sonore de l’émission et on remercie les créateurs, les “showrunners” et les chansons elles-mêmes d’avoir tracé la voie — c’est grâce à eux qu’on a pu comprendre ce qu’est une comédie inuite d’envergure — ancrée dans la réalité d’une communauté — et à quoi ça doit ressembler sur le plan sonore. »

Pour sa part, Michael Perlmutter voulait que la soixantaine de chansons qui accompagnent la série l’ancrent dans la réalité. « On voulait montrer que la culture inuite et les communautés du Grand Nord sont connectées au reste du monde », explique Michael Perlmutter, fondateur de la société torontoise Instinct Entertainment. « Ce n’est pas parce qu’elles vivent dans le Grand Nord qu’elles n’écoutent pas Alanis Morissette, Britney Spears ou “Levitating” de Dua Lipa. »

Sans doute dans la foulée de l’album phare Inuktitut d’Elisapie, paru en 2023, plusieurs artistes autochtones ont été invités à réinterpréter des chansons pop anglophones dans leur langue traditionnelle. « On a justement demandé à la chanteuse Riit, par exemple, d’enregistrer “Levitating” en inuktitut, et c’est un magnifique mélange culturel », explique Perlmutter, qui a inséré cinq ou six chansons par épisode de 22 minutes.

« On a aussi enregistré une reprise de “Milkshake” de Kelis avec Angela Amarualik, mais dans le style Josie and the Pussycats, pour une scène précise de l’épisode “Walrus Dick Baseball” », raconte Perlmutter. « Et bien sûr, on a utilisé deux morceaux d’Elisapie : “Dreams” [de Fleetwood Mac], et “Time After Time” [de Cyndi Lauper]. »

« Elles sont toutes magnifiques, » poursuit-il, « et elles s’intègrent parfaitement aux différentes scènes, aux différents décors, tout en soutenant magnifiquement les intrigues — ce qui est exactement le rôle de la musique : appuyer le récit, sans jamais éclipser ce qui se passe à l’écran. »

Pour ajouter encore plus d’authenticité, la musique de Tanya Tagaq, qui joue le rôle de la divinité sous-marine Nuliajuk, a été utilisée dans une scène où elle apparaît à Siaja, le personnage interprété par Anna Lambe, à un moment charnière de sa vie. Le chant inimitable de Tagaq figure dans trois « cues » musicaux composés par Chan, ainsi que dans la chanson « Uja », dans le remix de « Colonizer » par Joe Tarman – qui met aussi en vedette Kronos Quartet – et comme invitée sur « Sila » de The Halluci Nation.

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« Elle a tellement bien incarné la déesse qu’à chaque fois qu’elle apparaissait, on pouvait utiliser sa musique — quand elle est sous l’eau ou dans la tête de Siaja », explique Brian Chan. Caleb ajoute : « Tanya a intégré toute la richesse du chant de gorge dans la trame sonore et dans les chansons. »

Pour les frères Chan – à qui l’on doit également les musiques originales de The Fairly Oddparents: A New Wish, Lego Dreams, Allegiance et The Thundermans Return – le plus grand défi de la composition pour North of North a été de faire preuve de retenue. « On ne voulait surtout pas en faire trop avec la musique », explique Brian, ancien ingénieur du son à la CBC. « Je trouve que la comédie, c’est délicat, parce qu’on tombe facilement dans le mélodrame. L’émission n’a rien de kitsch, alors comment éviter de la rendre kitsch? En ne surchargeant pas la trame musicale. »

Caleb, qui, comme Brian, travaille dans son studio maison, explique que les créatrices et « showrunners » de la série ont grandement contribué à réduire la pression. « Les possibilités étaient infinies parce que l’approche est devenue ludique et créative — exactement comme leur série », raconte-t-il. « On a simplement pris la balle au bond et on a exploré différents styles et poussé la musique dans plusieurs directions. On avait cette liberté de tester des choses en sachant que, si on allait trop loin, on se ferait rappeler à l’ordre… On était constamment en communication et on leur demandait “Est-ce que ça fonctionne? Est-ce qu’on a le bon ton? Est-ce qu’il manque juste un petit quelque chose pour que ça colle? Est-ce qu’on doit tout réécrire?” Et bien sûr, Michael Perlmutter était à bord… et nous a donné des commentaires précieux. »

Perlmutter explique que l’approche de placer les chansons dès le départ avant d’ajouter la musique originale s’est révélé très efficace. « Quand le montage sort, les monteurs et moi jouons avec les chansons : on les place dans les scènes, puis on comble le reste avec la trame — qu’elle soit émotive, dramatique ou autre », dit-il. « Une fois qu’on a une idée de ce que ça pourrait donner, on fait une séance de repérage. Dans cette séance, les producteurs, le monteur, moi-même, les frères Chan… on passe tout en revue. “Est-ce qu’on met de la musique ici? Pendant combien de temps? À quoi elle devrait ressembler? Est-ce qu’on aime cette chanson à cet endroit? Est-ce qu’on remplace la musique? Si on garde une trame ici, est-ce qu’on enlève la chanson?” »