Avec la récente bande originale du film Amour Apocalypse, de la réalisatrice Anne Émond, le compositeur Christophe Lamarche-Ledoux s’affirme comme l’un des compositeurs les prolifiques et originaux du cinéma québécois. Rencontre avec un passionné de sons qui a toujours composé avec des images plein la tête.
À l’instar du Monsieur Jourdain de Molière, qui faisait de la prose sans le savoir, Christophe Lamarche-Ledoux a toujours composé de la musique de film, même lorsqu’il n’en faisait pas.
Après avoir suivi une formation jazz au CÉGEP, le jeune saxophoniste, fan obsessif de Coltrane, commence à élargir ses horizons vers le rock et la musique électronique, à travers Radiohead et Daft Punk. Inspiré par ses nouvelles influences, auxquelles s’ajouteront le krautrock de groupes comme Can et Neu!, il crée, avec l’artiste visuel Mathieu Jacques, le projet multidisciplinaire Organ Mood, que rejoindront éventuellement Mathieu Charbonneau (Avec Pas d’Casque) et Estelle Frenette-Vallières (Les Louanges, Chocolat).
Bien qu’il ait appris le métier de compositeur de bandes originales sur le tas, Christophe a longuement réfléchi à la nature de son travail de créateur à l’image. « Pour moi, la musique doit laisser assez de place pour que l’auditeur puisse y ajouter ses propres pensées durant l’écoute », explique-t-il. « En composant pour Organ Mood, j’ai toujours eu en tête le fait que la musique allait accompagner des projections. Je me suis très vite dit que si la musique se tient toute seule, si je m’organise pour qu’elle soit assez intéressante, entre guillemets, et qu’elle n’a besoin de rien d’autre pour exister, c’est que j’en ai trop fait. »
C’est probablement pourquoi l’approche minimaliste de Christophe a séduit tant de cinéastes, à commencer par Stéphane Lafleur (lui aussi compositeur et membre du groupe Avec Pas d’Casque), avec qui il se découvre de nombreux atomes crochus. « Stéphane avait déjà fait une bonne partie du montage de Tu Dors Nicole en utilisant des pièces d’Organ Mood », se souvient Christophe. À un moment donné il m’a simplement contacté pour que je remplisse les trous ! »
Depuis, les deux artistes ont étendu leur collaboration à d’autres films (dont Viking) en plus de former un duo nommé Feu Doux, grâce auquel Christophe explore pour la première fois le registre de la musique ambient. « Ça faisait un moment qu’on cherchait un projet musical commun et on a développé une façon de travailler quasi épistolaire, en s’envoyant des fichiers audio comme des balles de ping-pong. On s’est donné pour mission de faire de la musique pour favoriser le sommeil alors il était essentiel de ne pas trop en mettre », confirme Christophe.
Favorisant les créateurs de films indépendants, Christophe développe aussi une complicité avec le réalisateur Matthew Rankin et c’est grâce à Sylvain Corbeil, le producteur du film Une Langue Universelle (film primé à Cannes, deuxième collaboration entre Christophe et Matthew après l’inclassable The Twentieth Century) qu’il va joindre la production d’Amour Apocalypse d’Anne Émond, également sélectionnée à la Quinzaine des cinéastes du Festival de Cannes.
« Je ne connaissais pas du tout le travail d’Anne, mais j’ai découvert un être fantastique et ça a tout de suite cliqué entre nous. À ma grande surprise, elle était très familière de mon travail et j’ai découvert qu’elle avait créé son film en écoutant Lesser Evil (le duo électronique qu’il forme avec Ariane M.) et Feu Doux ; mais elle n’avait pas pensé à me demander de composer pour elle ! »
Christophe se joint au projet avant même le début du tournage, un net avantage, selon lui, car certains réalisateurs attendent l’étape du montage avant de commander de la musique. « Ça m’a permis de me sentir vraiment intégré au processus créatif », explique-t-il. « Même si la composition en elle-même est un travail assez solitaire, le fait de travailler en cinéma me donne l’impression de faire de la création collective. J’ai l’impression que le film, au final, n’appartient pas au seul réalisateur. Tout le monde qui participe est animé d’un désir commun de servir le film. »
« Plus j’en fais, plus j’ai l’impression que mon bras de compositeur est en train de pousser et j’ai vraiment envie de voir jusqu’où il va grandir. J’aime encore faire de la scène, mais je me vois vraiment composer pour le cinéma pour les années à venir. »
ming live, but I can definitely see myself composing for film for years to come.”