Le parcours atypique de Carole Facal continue de fasciner avec la sortie de son quatrième disque aux sonorités électropop. Cela saute aux oreilles: Caracol négocie ses virages artistiques avec élégance et brio sur Symbolism.

Caracol

Avec l’aide du producteur de Los Angeles Joey Waronker (Beck) et du réalisateur et conjoint Seb Ruban (ex-guitariste de DJ Champion qui a entre autres travaillé avec Radio Radio), l’auteure-compositrice-interprète Carole Facal, alias Caracol, arrive avec une fournée de chansons écrites en anglais sur des nappes de synthés et de beats fédérateurs.

Cinq ans depuis son dernier disque d’une carrière solo amorcée en 2008, l’ex-Dobacaracol revendique trois albums à ce jour, L’arbre aux parfums, Blanc mercredi et Shiver en plus du EP Les yeux transparents sorti plus tôt cette année.

Durant ce hiatus, la mère de trois enfants a écrit des paroles de chanson pour les gagnants de La Voix, Valérie Carpentier et Ludovic Bourgeois et plus récemment, pour le chanteur néo-brunswickois David Myles (plus de la moitié des chansons de son plus récent disque en français). « C’est comme ça que je gagne ma vie: les droits d’auteurs ». Pour ce faire, elle a fondé sa propre maison d’édition, Lady, pour tous ses autres projets en dehors de Caracol.

Ne comptez pas sur elle pour nous bassiner sur ce nouveau disque avec des revendications d’un humanisme trop rose: « Tu me donnes une casserole pis un bout de papier et je vais t’écrire une chanson. Je n’ai pas une vie plate, ça me donne de la matière. Je suis toujours inspirée, j’écris tout le temps », nous confiait-elle récemment dans les bureaux de sa compagnie de disque, Indica.

« Les camps d’écritures ont généré l’explosion créative de mon cerveau ».

« Symbolism, c’est comme un esprit de rébellion, comme à l’époque où je faisais du snowboard (cent jours par année et plusieurs compétitions), c’est le retour à une naissance plus sauvage. Quand j’étais adolescente à Sherbrooke, je trippais punk-rock, et mon groupe préféré était Grimskunk ». Pas pour rien que Franz Schuller, leader de Grimskunk et patron du label Indica ait été son gérant pendant treize ans.

« Mon inspiration a été créée d’événement en événement: depuis 2015, où j’ai eu le privilège de passer deux semaines à la Maison SOCAN à Los Angeles, au camp d’écriture Kenekt, je n’avais pas de plan précis, j’étais plus intuitive, or, j’ai puisé dans la symbolique des rencontres et 75% de l’album a été écrit là-bas. Depuis cette époque, je fais davantage de co-écriture à la façon des songwriters américains. Ces camps d’écritures ont généré l’explosion créative de mon cerveau, et m’ont permis de sortir de mes patterns ».

Ce qui frappe instantanément à l’écoute de Symbolism, en plus de cette voix unique qui module ses rêveries comme aucune autre, c’est l’impression de plus grande maturité musicale. Il se passe aussi beaucoup de choses du simple point de vue instrumental. « J’ai reconnecté avec les percussions et les beats, plus tribal, plus pop, je ne savais pas si mon public allait comprendre. J’avais un bagage que je ne mettais pas assez à profit et ma musique est un hybride de genres, ma force c’est de rassembler plein de choses », explique-t-elle.

Elle enchaîne: « Au lieu d’être négative sur la situation plutôt morose de l’industrie du disque, j’ai décidé de travailler avec moins de moyens tout en étant plus créative. À LA, Waronker et moi on a joué des claviers, je n‘avais pas joué de claviers avant, je suis multi-instrumentiste, mais virtuose dans rien. Seb Ruban est celui qui a le plus travaillé sur l’album, Toast Dawg a mis sa touche sur deux chansons. C’est un album de production, pas de doute là-dessus ! »

Au travers de ses angoisses nouvelles, ce qu’elle faisait possédait déjà du corps et du cœur, mais désormais, elle jouit du privilège de la vraie profondeur : un autre camp Kenekt canadien en Nouvelle-Écosse, des performances dans le cadre du Canadian Music Week, South By Southwest, un atelier d’écriture chez Gilles Vigneault en 2017 à St-Placide, Caracol continue de parfaire son art : « ça m’a amené à avoir beaucoup plus de rigueur dans mon écriture, d’où l’importance de transmettre ».

« Je suis une fille très bohème, mais super travaillante. Et je viens d’une famille où tout le monde a un doctorat, donc, j’ai passé ma vie à suivre mes instincts et éviter le parcours familial ».

Symbolism risque de rallier tous ses fans, autant ceux de l’époque Dobacaracol que les adeptes de productions modernes avec les outils technologiques à disposition en 2018.



Peu de gens ont la chance d’apprendre d’un véritable maître, mais le musicien, compositeur et producteur Mikel Hurwitz a eu cette chance à deux reprises.

Il n’utiliserait peut-être pas ces mots, mais après avoir choisi de composer des musiques de film comme profession et avoir eu la chance d’observer deux géants de l’industrie — John Welsman et Danny Elfman — au travail a complètement changé son plan de carrière, lui faisant délaisser le monde de la politique latino-américaine pour un univers de sons. Étant lui-même un compositeur primé (pour Ron Taylor : Dr Baseball, un documentaire sur le lanceur qui est devenu le médecin d’équipe des Blue Jays de Toronto) originaire de Toronto, Hurwitz habite maintenant Los Angeles et travaille comme « assistant technique à la bande-son » pour Elfman, ce qui l’a mené à travailler sur des films comme Justice League, Fifty Shades Darker, et les nouvelles versions de The Grinch et Dumbo.

Les heureux hasards jouent un grand rôle dans la vie de Hurwitz. Bien qu’il ait toujours eu un intérêt et des aptitudes pour la musique, il a quitté Toronto à l’âge de 19 ans pour étudier à l’université de Colombie-Britannique où il a obtenu un diplôme en géographie politique et études latino-américaines. Pendant ses études à Vancouver, Hurwitz jouait dans un trio jazz tous les samedis soirs. « J’aurai pu m’inscrire à une mineure en musique, mais l’école de musique de la UBC était très “conservatoiresque”, très sèche. » Ses études l’ont mené à devenir observateur des droits de la personne durant les soulèvements sociaux qui ont secoué Oaxaca, au Mexique, en 2006. « C’était une période de bouleversements politiques assez intenses », se souvient-il. « Je travaillais pou un groupe de droits de la personne indigène. C’était les premiers balbutiements de YouTube et ils réalisaient tous ces petits documentaires. Je les aidais à réaliser leurs vidéos, et ils avaient également besoin de musique. »

Ce fut le moment du premier de ces heureux hasards. Le hasard a voulu que John Welsman, l’actuel président de la Guilde des compositeurs canadiens de musique à l’image et l’un des maîtres maintes fois primé de son art, fût un ami de la famille et avait remarqué le talent musical de Hurwitz alors qu’il n’avait que 15 ans.

« Il m’a invité à l’une de ses sessions orchestrales. C’était la première fois que je voyais comment se déroule ce processus », se souvient Hurwitz. Ce souvenir est demeuré en veilleuse pendant des années, jusqu’à ce que l’opportunité de composer une bande-son se présente à Oaxaca. C’est après son deuxième heureux hasard que, comme il le dit, « ce truc avec la musique peut se marier heureusement à mes activités philisophico-politiques. » L’expérience a changé sa vie d’une telle manière que, quatre ans après avoir obtenu son diplôme de la UBC, Hurwitz a changé de côte et de carrière ; il s’est installé à Boston pour étudier à la Berklee School of Music et il y a obtenu son baccalauréat en composition de trame sonore. Il a depuis travaillé sur des campagnes publicitaires d’envergure nationale, des longs métrages, la télévision et le théâtre, en plus de collaborer avec d’autres compositeurs et producteurs très en vue.

Les leçons d’Elfman

Hurwitz travaille avec Danny Elfman — gagnant de deux prix Emmy, d’un Grammy et nommé quatre fois aux Oscars — depuis trois ans et sept films. Lorsqu’on lui demande quelles leçons il a apprises et dont il se sert dans son propre travail, il en nomme trois.

« La première grande leçon est plutôt ennuyeuse. C’est d’organiser ses fichiers. Sa carrière a connu toutes les variantes technologiques. Il a commencé dans les premiers temps des démos orchestraux alors que c’était possible d’utiliser un échantillonneur, un million de câbles et de modules d’effets, et on pouvait enregistrer un démo orchestral sur une console quatre pistes ou huit pistes à l’aide des premiers Macintosh. » Le premier mandat que Elfman a confié à Hurwitz fut de compiler la banque de sons accumulée au fil des décennies. Ça m’a beaucoup appris, parce que je sais maintenant comment organiser mes choses pour que dans 20 ou 30 ans, si j’ai la chance d’avoir une carrière aussi longue, je puisse retrouver facilement un truc de mes débuts et me dire « Ah ! c’est là que ça se trouve ! » »

La deuxième leçon ? « Nous vivons à l’époque de l’autotrame, une époque dominée par le modèle Hans Zimmer qui comporte très très peu de mélodies et beaucoup de rythmes et de design sonore », explique-t-il. « La trame sonore mélodique est encore là, mais elle n’est pas tendance en ce moment. Malgré tout, Danny a conservé sa capacité à composer des trames mélodiques pour de gros films de super héros, et ça marche, c’est pertinent même pour un public moderne. Ça relève un peu du génie, et c’est vraiment intéressant, pour moi, de voir où tout ça va aboutir. »

« La troisième leçon est également musicale et elle m’est venue après avoir écouté des démos de ses trames sonores et musiques de concert. Ça m’a encouragé, du point de vue de mes propres compositions, parce que j’ai réalisé que tout a un point de départ. On a l’habitude d’entendre le produit final du travail d’un compositeur. C’est un orchestre complet, c’est bien mixé, il y a des tonnes d’éléments d’orchestration vraiment intéressants. On ne réalise pas que tout ça a commencé par une esquisse au piano, une idée toute simple. J’ai une chance inouïe de pouvoir entendre ces germes d’idées. Ce que j’ai appris, c’est de respecter mes propres germes d’idées. Avant de travailler pour lui, j’avais une idée, puis je prenais une certaine distance avant de me dire “c’est de la merde” et passer à autre chose. Je ne considère désormais plus jamais un morceau de musique que j’écris comme étant insignifiant, car il y a toujours moyen de le faire passer au niveau supérieur grâce à la production, l’orchestration, au mixage et à la composition. Ça m’a permis d’en apprendre plus et de respecter mon processus. »

Il n’utiliserait peut-être pas ces mots, mais après avoir choisi de composer des musiques de film comme profession et avoir eu la chance d’observer deux géants de l’industrie — John Welsman et Danny Elfman — au travail a complètement changé son plan de carrière, lui faisant délaisser le monde de la politique latino-américaine pour un univers de sons. Étant lui-même un compositeur primé (pour Ron Taylor : Dr Baseball, un documentaire sur le lanceur qui est devenu le médecin d’équipe des Blue Jays de Toronto) originaire de Toronto, Hurwitz habite maintenant Los Angeles et travaille comme « assistant technique à la bande-son » pour Elfman, ce qui l’a mené à travailler sur des films comme Justice League, Fifty Shades Darker, et les nouvelles versions de The Grinch et Dumbo.



Si vous aviez demandé à Dave Pelman, en 1995, où il se voyait dans 23 ans, vous pouvez être sûrs que sa réponse n’aurait pas été « compositeur pour une série télé d’animation diffusée sur Internet et basée sur un jeu vidéo ». Il faut se rappeler qu’au milieu des années 90, Internet, pour la plupart des gens, n’était qu’un véhicule pour l’envoi de courriels. Pourtant, en 2018, c’est bel et bien la meilleure façon de décrire l’une des principales occupations de ce membre de la SOCAN.

C’est d’autant plus à propos, car Pelman, comme la plupart des gens de l’industrie, a dû s’adapter et savoir répondre aux demandes du marché. Il est arrivé dans la Cité des Anges armé de grands rêves et d’un diplôme du Berklee College of Music à une époque où l’industrie était en période de transition.

Changer de vitesse
« Je suis arrivé à L.A. à l’époque où les magasins de disques commençaient à ferme », se souvient Pelman, qui est originaire de Vancouver et a grandi à Calgary. « Je me souviens être parti à la recherche d’un Tower Records, et c’était placardé. Les maisons de disque fusionnaient et les studios d’enregistrement tombaient comme des mouches. J’ai dû changer de vitesse et trouver une solution. La plupart des gens qui ont obtenu leurs diplômes en même temps que moi ont des histoires similaires où ils ont dû s’adapter ou changer de carrière. »

Pelman a trouvé un emploi stable comme ingénieur du son tout en composant dans ses temps libres. Lorsque même les studios ont commencé à fermer et que l’industrie du disque a commencé à se contracter, il s’est concentré sur le côté créatif, notamment la composition de musique pour des publicités pour de grandes marques, dont Honda. Toutes ces années passées à composer pour ce type de production se sont traduites par de nombreuses compositions qui n’ont pas été utilisées.

« Lorsque vous composez pour des pubs télé ou tout ce qui touche le monde publicitaire, vous écrivez énormément et un grand nombre de ces compositions ne sont jamais utilisées ou vendues », explique Pelman. « On accumule énormément de musique, ainsi. »

Étant donc assis sur une mine d’or de compositions, Pelman a décidé de les regrouper dans une bibliothèque musicale et a lancé une maison d’édition, DP Music, pour vendre des licences pour ses compositions à l’industrie du film et de la télé. On lui doit entre autres So You Think You Can Dance (Fox), American Idol (Fox), Ultimate Beastmaster (Netflix), S.T.R.O.N.G (NBC), The Briefcase (CBS) et The Jacksons: Next Generation (A&E).

Pelman a commencé à apprendre le piano dès qu’il a appris à marcher et il y avait toujours des instruments de musique un peu partout dans la maison. « C’était évident que j’en ferais une carrière », dit-il. « Je ne peux même pas imaginer faire autre chose… j’ai ça dans le sang. »

De nos jours, un plan de carrière est une chose qui change plus rapidement que les plaques tectoniques sous la Californie. Le plus récent projet de Pelman : composer les musiques et les chansons pour une série en ligne originale intitulée Clash-A-Rama ! Cette série gratuite est diffusée sur iTunes, Google Play et les chaînes YouTube de Clash. Elle est basée sur les populaires jeux pour appareils mobiles Clash of Clans et Clash Royale et écrite par les auteurs/producteurs des Simpsons. Initialement d’une durée de 11 minutes, les épisodes durent maintenant 22 minutes. Lorsqu’on les regarde, on a vraiment l’impression de regarder une « sitcom » de 30 minutes, mais sans interruption publicitaire. La série vient tout juste de terminer la production de sa troisième saison et chaque épisode compte en moyenne 20 millions de visionnements.

« Ce qui est intéressant avec ce projet, c’est que même s’il est conçu uniquement pour YouTube, le processus de création est identique à celui d’une émission de télé du point de vue de l’écriture et de l’animation », explique Pelman. « On engage des acteurs, on écrit un scénario puis on le révise, et on suit un horaire de production identique à celui d’une “sitcom”, à une différence près : il n’y a pas de date butoir béton. Cela permet de créer une production vraiment “cool” sans avoir la pression d’un “deadline” ou d’une haute direction qui piaffe d’impatience et veut donner son opinion avant la diffusion. »

La série a un style énergique et humoristique avec du sarcasme à revendre. La grande variété de personnages et de thèmes permet à Pelman de varier énormément ses compositions. « Chaque épisode a un thème, mais il comporte plusieurs tangentes, c’est donc logique que la musique parte dans toutes les directions », explique-t-il. « La musique est là pour soutenir les blagues. »

Mais c’est justement ce qui fait de composer pour Clash-A-Rama ! un tel défi. « Il faut frais et dispo à tout moment », confie Pelman. « La musique peut passer de “barbershop” à musique de quatuor à comédie musicale sur Broadway au rap. »

Outre ses compositions pour Clash-A-Rama ! et l’opération de son entreprise d’édition/bibliothèque musicale/licences, Pelman compose pour de nombreuses autres productions hollywoodiennes. Mais tout comme il y a presque trente ans, lorsqu’il est arrivé à L.A., le musicien demeure alerte et prêt pour la suite.

« En fin de compte, je travaille de très longues heures sur une multitude de projets… je porte quatre ou cinq chapeaux différents chaque jour », avoue Pelman. « C’est le Far West. Les choses changent chaque mois. Il faut être rapide et capable de s’adapter et savoir attraper les opportunités au vol. C’est ça, ma vie ! »