Beat SexuConnu sous le sobriquet DJ Charny, en hommage à la petite ville ferroviaire qui l’a vu grandir, le guitariste Jean-Michel Letendre Veilleux laisse transparaître son goût de la danse sur ce premier vrai album de Beat Sexü. Concoctée sur une période de cinq ans et avec l’étroite complicité de Jean-Étienne Collin Marcoux, cette parution leur a permis de se propulser bien au-delà des frontières du 418. D’une mention au Télé-Journal radio-canadien de la Côte-Nord aux quatre étoiles attribuées par La Presse, leur musique fait beaucoup de bruit.

« On ne s’attendait pas à ça, confie celui que tout le monde appelle Jim. J’ai l’impression que c’était comme une relation amoureuse où ça brette, des fuck friends ensemble depuis deux ans et qui ne se sont jamais dit ‘’je t’aime’’ pour passer à un prochain step. On avait tout fait ensemble, mais on ne s’était pas encore commis. »

Jean-Étienne, son coloc et collègue, justifie l’attente avec pragmatisme. « Sans dire que c’était notre side project, disons qu’on était impliqués dans tellement d’affaires que ça finissait toujours par être le truc qu’on mettait de côté. […] C’est ça qui est arrivé avec Anatole. C’était full pressant à sortir à cause du contrat de disque qu’Alex avait signé… On était déjà en train de travailler sur des trucs en studio, mais on s’est mis dispo pour lui. C’était jamais contre notre gré, on était willing, pareil pour la fois où Hubert Lenoir m’a demandé de le suivre en tournée… Sauf que c’était du temps qu’on était censé passer sur Sexü. »

Jean-Michel et Jean-Étienne, c’est aussi les deux cofondateurs, directeurs artistiques et hommes de maintien du Pantoum, lieu phare de la scène indépendante à Québec. À force d’accueillir des groupes dans leur studio d’enregistrement et dans les locaux de pratiques conscrits entre leurs murs, il leur tardait de lever le voile sur leur propre matériel.

Après de multiples remaniements dans l’alignement de Beat Sexü, le duo a recruté la claviériste et choriste Odile Marmet Rochefort (ex-Men I Trust) en plus du bassiste Martin Teasdale. C’est avec eux qu’ils ont scellé la version finale de Plumage, la piste 1, un titre étrenné à leur passage aux Francouvertes il y a déjà une demi-décennie. Depuis, la pièce s’est considérablement enrichie. Jim raconte : « Notre idée de base, c’est de faire danser les gens. On a toujours tripé sur la musique dansante, Jean-Étienne et moi. Dès 2007, j’adorais Justice. Un peu plus tard, je suis tombée dans le house, puis j’ai découvert la cumbia, les musiques brésiliennes et africaines. On voulait embrasser ces influences-là. »

C’est le même groupe, c’est indéniable, cette envie de déclencher les déhanchements reste inchangée, mais les arrangements de Beat Sexü se sont raffinés sur Deuxième Fois. « Avant, c’était très disco rock et là, ça nous tentait plus trop, admet Jean-Étienne. Du disco, moi j’en fais déjà avec Gab Paquet, on a fait avec Anatole. On aime encore ça, on est encore des bons fans de Giorgio Moroder… Mais l’affaire, c’est qu’il y a tellement d’autres sortes de musiques qui sont dansantes et qui permettent d’explorer d’autres sonorités… Le disco, c’est quand même assez typé et tu plafonnes vite parce que la structure en 4/4 te permet pas d’aller plus loin. »

Batteur, chanteur, principal et parolier, il s’en est donné à cœur joie dans le choix des percussions. Sur P.S., il manie le vibraphone, mais c’est surtout avec De jardin à courge qu’il surprend en saupoudrant leur composition de cuíca. « Si t’écoutes la samba brésilienne, surtout celle de Rio, c’est ultra, ultra présent. C’est une peau dans un fût de métal et il y a une tige de bambou au milieu. Tu prends un linge mouillé, tu mets ta main à l’intérieur et tu frottes la tige pendant que tu mets une pression avec ton autre main sur la peau. La toune la plus connue avec du cuíca, je pense que c’est la chanson-thème d’Austin Powers. »

La musique de Beat Sexü, c’est une réponse basse-vilaine au décloisonnement des genres. En cette ère du streaming où, plus que jamais, le monde entier tend l’oreille, les gars visent aujourd’hui un marché global. « C’est drôle parce que sur les statistiques d’Apple Music, tu vois aussi celles de Shazam et la plupart des recherches pour nous se font à l’extérieur du Québec. Paris, Calgary, Hamilton, parfois même les États-Unis. C’est pas énorme, on en a environ une dizaine par semaine, mais on sait que notre musique voyage. »

« On sait que ce qu’on fait peut s’exporter, complète le guitariste. On l’a vu avec Corridor… ça peut se faire en français ! Ce serait le fun de continuer dans cette vibe-là. »