Au moment de notre conversation, l’auteur-compositeur-interprète Antoine Corriveau flotte encore sur un nuage. Lauréat du Prix de la Chanson SOCAN (et du chèque de 10 000$ qui l’accompagne) pour la pièce Le nouveau vocabulaire, il voit la récompense comme une validation, une confirmation qu’il est sur la bonne voie. «  C’est sûr qu’un prix comme celui-là ça va me permettre de souffler un peu, dit-il. Je vis une année complètement folle et c’est le genre de signe qui me rappelle que je dois me concentrer sur la musique. »

Antoine CorriveauJusqu’à tout récemment, Antoine continuait de gagner sa vie en travaillant à son compte en graphisme. Mais depuis la sortie de son album Les Ombres Longues, il a atteint un nouveau plateau. Sans être un habitué des palmarès radio, il gagne de nouveaux fans un à un et ne cesse d’ajouter des dates à sa tournée.

« J’ai sorti mon premier disque de façon indépendante et dans les premières tournées, le nombre de spectateurs était inversement proportionnel aux kilomètres parcourus. Mais je suis content de ne pas avoir connu un succès instantané et d’être passé par toutes les étapes; si c’était à refaire, je ferai la même chose. Aujourd’hui, je reviens dans des salles où j’ai joué devant dix personnes et s’il y en a cinquante, je me dis que c’est une nette amélioration! »

Si les gens sont au rendez-vous, c’est peut-être pour entendre ce grain de voix particulier, qui rappelle inévitablement celui de Daniel Lavoie, mais c’est surtout pour la qualité des chansons, qui s’appuient sur un savant dosage d’intime et d’universel. Des chansons qu’Antoine peaufine avec la minutie d’un orfèvre. « Le Prix me fait particulièrement plaisir parce qu’il touche la matière première de mon métier. Pas le show, le son, les lumières…. juste la chanson et tout le travail qu’il y a derrière. Et je peux te dire que j’ai mis pas mal de travail dans Le nouveau vocabulaire! Le premier jet est arrivé vite, mais il y a eu trois ou quatre mois de fignolage. Je peux passer des semaines sur un seul mot. »

« J’écris souvent de façon automatique, sans me soucier de la forme. D’ailleurs pour moi, le fond l’emporte toujours. »

Interprétée du point de vue d’un « nous » très inclusif, Le nouveau vocabulaire est une chanson moitié manifeste moitié confession, qui invite plusieurs lectures. Elle aborde, de façon parallèle, les deux thèmes qui traversent tout l’album: la rupture amoureuse et, surtout, l’ébullition sociale crée lors du Printemps Érable. « J’espère que les jeunes qui étaient dans la rue vont garder quelque chose de cet esprit de solidarité en vieillissant », explique Antoine, qui demeure relativement optimiste quant aux répercussions de ce grand chambardement social. Mais peu importe ou s’en ira la société québécoise, Corriveau sera là pour capter l’air du temps à sa manière, avec lucidité et sensibilité, justesse et poésie.

« Je n’ai jamais senti que j’imitais le style de qui que ce soit, mais c’est évident que j’ai des modèles d’écriture, admet Antoine. Les gens que j’admire, comme Leonard Cohen, Bob Dylan ou Nick Cave, ont tous un truc en commun: ils sont d’abord et avant tout des poètes. Ce sont des types qui n’hésitent pas à faire des chansons de quarante couplets sans refrain et qui sont tous de formidables conteurs. »

Du même souffle, Antoine avoue son admiration pour les rappeurs, dont il apprécie la liberté lexicale et la capacité de tordre le cou aux règles de la poésie classique. « Ça ne me dérange pas de couper un mot en plein milieu ou de ne pas respecter la métrique, explique le chanteur. C’est pour ça que j’écris souvent de façon automatique, sans me soucier de la forme. D’ailleurs pour moi, le fond l’emporte toujours. Même quand je faisais de la bande dessinée, je me considérais plus comme un conteur que comme un illustrateur: bon en histoires et juste correct en dessin »

Antoine va donc continuer à écrire des histoires. Pour lui, bien sûr, mais aussi pour d’autres, comme il a fait pour l’album de Julie Blanche. « J’avoue que la première fois que j’ai écrit pour quelqu’un d’autre, j’ai hésité à lui donner la chanson. J’avais peur de laisser aller mes meilleures idées et d’affaiblir mon propre répertoire. Aujourd’hui, je suis serein avec ça et me dis que rien ne m’empêche de les chanter si je veux. Ce sont mes tounes après tout! »

D’autant que la source semble loin d’être tarie. Les idées ne manquent pas et si tout va bien, un nouvel album d’Antoine Corriveau pourrait voir le jour à l’automne 2016. « D’ici là, j’écris sans arrêt, lance Antoine. J’ai les tiroirs pleins de riffs et de bouts de textes qui n’attendent qu’à devenir des chansons. Je me rends compte que créer un album, c’est essentiellement faire du ménage. »

http://www.antoinecorriveau.com/