Le dernier album d’Amanda Martinez, Recuerdo (Mémoire), est un hommage musical à son défunt père, Gustavo, qui, en 1956, s’est rendu à bicyclette du Mexique à Toronto avec son frère Arturo, et une réflexion poignante sur la mémoire et la nostalgie. Peu de temps après sa sortie, elle a appris que l’Art Gallery of Ontario préparait sa toute première exposition de photographies latino-américaines, par coïncidence également intitulée Recuerdo, et faisant référence au travail photographique de son oncle Arturo.
« Il y a eu tellement de synchronicités », dit Martinez, qui a contacté la galerie pour savoir si celle-ci souhaitait vendre son album — et a fini par se produire lors de l’inauguration de l’exposition en mai 2025. « Mon père m’emmenait à l’AGO quand j’étais petite, et c’est lui qui m’a transmis mon amour de l’art et de la musique. Il avait des goûts musicaux très variés : classique, jazz, folklore latino-américain, bossa-nova, salsa. Et quand tout le monde écoutait de la musique pop à la radio, j’écoutais la collection de disques de mon père. »
Bien qu’elle ait développé ces influences et bien d’autres dans sa propre musique folk-soul latine, le parcours de Martinez vers la renommée internationale d’autrice-compositrice-interprète n’a pas été tout à fait linéaire. Son rêve d’enfant était de devenir ballerine, et elle adorait chanter et jouer dans des comédies musicales, mais elle n’était pas convaincue d’avoir ce qu’il fallait pour gagner sa vie dans le domaine des arts. Elle a donc obtenu un diplôme en biologie, puis un MBA international, a travaillé dans le domaine du commerce et de la finance et a considéré la musique comme un passe-temps. Mais elle n’a pu se défaire de sa passion pour la scène. « Je pensais devenir directrice du marketing parce que c’étaient ces personnes qui se levaient et faisaient les présentations, et je voulais être sur scène », dit-elle en riant.
Finalement, une personne qui l’a entendue chanter lui a demandé pourquoi elle ne faisait pas honneur à un don aussi remarquable. Et lorsqu’elle a finalement décidé de tenter sa chance, le succès a été au rendez-vous. Elle a maintenant enregistré cinq albums acclamés, joué à guichets fermés dans des salles du Canada et du monde entier, participé à la Coupe du monde en Afrique du Sud, aux Jeux panaméricains de Guadalajara et au Festival de jazz de Dubaï, et a été nommée meilleure artiste de musique du monde aux Toronto Independent Music Awards et compositrice de l’année aux Latin Awards Canada.
Martinez est également actrice. Ironiquement, c’est en interprétant la voix d’une grand-mère mexicaine dans la série télévisée animée pour enfants Rosie’s Rules (diffusée sur PBS et TVO Kids) qu’elle a perfectionné ses talents d’autrice-compositrice pour Recuerdo. « Il m’a fallu beaucoup de temps pour me qualifier d’autrice-compositrice » dit-elle. « Une fois que je me suis lancée dans le processus, j’adore ça, mais je suis très critique envers moi-même. Travailler sur Rosie’s Rules m’a vraiment permis de prendre confiance en moi ».
Souhaitant une voix mexicaine authentique, les producteurs ont demandé à Martinez de fournir des idées au compositeur Ari Posner, mais, rapidement, son rôle s’est élargi. « Une nouvelle chanson était composée pour chaque épisode, et quand Ari était occupé, il me demandait si je voulais écrire moi-même », dit-elle. « J’ai travaillé avec Drew [son mari, le bassiste et producteur Drew Birston], qui enregistrait mes idées avec différentes instrumentations, et cela a réellement renforcé mon travail d’autrice-compositrice. Bien sûr, écrire pour une émission pour enfants est différent de ma propre musique, mais c’était un bon exercice, et j’ai commencé à apprécier davantage le processus. »
Pour Martinez, le fait de pouvoir compter sur les mêmes collaborateurs depuis 20 ans – les coproducteurs Birston, le guitariste et coauteur Kevin Laliberté, le percussionniste Chendy Leon, le trompettiste Alexander Brown et le violoniste Osvaldo Rodriguez – est essentiel. « La musique est pour moi quelque chose de tellement profond, d’intime et de vulnérable, et je veux travailler avec des gens en qui j’ai confiance, avec le sentiment que nous nous soutenons mutuellement », dit-elle. « Je pense que si les gens aiment nos spectacles, c’est parce que nous aimons être sur scène et jouer ensemble, et c’est ce que le public ressent. Et pour la composition, il faut aussi qu’il y ait ce degré de confort ».
Son processus d’écriture est basé sur la collaboration. « J’utilise une guitare pour obtenir la structure de base d’une chanson et je l’envoie à Kevin ou à Drew, ou parfois nous partons de zéro ensemble », dit-elle. « Les mélodies me viennent facilement, mais les arrangements et les harmonies sont l’œuvre de Kevin et Drew. Et je ne dis pas aux musiciens ce qu’ils doivent jouer — ce sont des virtuoses, qui ont toujours des idées géniales pour façonner la chanson. »
Bien qu’elle se sente plus à l’aise de chanter en espagnol, une chanson, Release Me, a été écrite en anglais, avec l’aide de la chanteuse de R&B Kellylee Evans. Mon père m’a dit : « Pourquoi n’écris-tu qu’en espagnol? Tu devrais élargir tes horizons ». J’ai donc voulu écrire en anglais, mais j’étais gênée et je suis restée bloquée », raconte-t-elle. « Je l’ai envoyée à Kellylee, et quand elle me l’a chantée, j’ai adoré. Ses modifications ont rendu la chanson plus puissante et ont contribué à transmettre ce que j’essayais de dire. »
Martinez a coécrit No te Vayas (Ne pars pas) avec l’autrice-compositrice-interprète Aviva Chernick, qui a ajouté des paroles en hébreu. « Nous étions toutes les deux en train de perdre nos pères – celui d’Aviva, atteint de la maladie d’Alzheimer, et le mien, de la démence – et ils ont eu une grande influence sur nos vies », dit-elle. « C’est triste, mais Recuerdo signifie se souvenir, et, quand je pense à mon père, j’ai des souvenirs tellement forts et positifs. Il était enthousiaste à l’idée de me faire découvrir la musique, l’art, la cuisine et les voyages, et ces choses m’accompagnent encore tous les jours. »