Au cours de la dernière année, un beau mystère a dominé les palmarès BDS. Indélogeable du Top 100 depuis un an, la chanson Placebo d’Alexe Gaudreault a figuré dans le Top 10 durant 46 semaines, un palmarès au sommet duquel elle a trôné 7 semaines en première position, ce qui lui a valu un Prix No. 1 SOCAN. Un tour de force rendu possible grâce à une jolie chanson pop issue d’un EP de 3 titres, une voix déjà en équilibre entre maîtrise et abandon, et une production indépendante. Placebo a été une clé pour ouvrir bien des portes : « On n’aurait pas pu prévoir un tel succès. On savait qu’on tenait une bonne chanson, mais on ne peut jamais deviner la suite », dit Mariane Cossette-Bacon, gérante de la chanteuse et co-auteure de plusieurs chansons avec Alexe et John Nathaniel.

 

Le 24 mai 2016, Alexe Gaudreault lancera un premier album complet à son nom (disponible dès le 20 mai). Si son minois est encore inconnu de certains, d’autres ont pu l’apprivoiser au petit écran lors de la première mouture de la populaire émission La Voix en 2013. Aux auditions à l’aveugle, la jeune interprète avait retenu l’attention de Marc Dupré et de Marie-Mai après une très juste interprétation de Quand on a que l’amour de Brel. Éliminée lors du deuxième direct, elle assurera la première partie du spectacle de son ancien coach Marc Dupré les 10 et 11 juin prochain au Centre Bell. « La dernière fois que j’y suis allée, c’était pour voir le Cirque du Soleil… Et là j’y retourne pour chanter! J’ai des papillons au ventre juste à y penser. »

« Ça se fake pas l’émotion. Parfois, plusieurs prises sont nécessaires. L’enregistrement de Placebo s’est terminé à trois heures du matin avec une couverture sur la tête! »

À voix haute

Alexe Gaudreault P&M mai 2016 credit Ali Kay InStoryAlexe Gaudreault est originaire de Dolbeau-Mistassini au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ça s’entend dans sa voix. Attachante, elle a hérité du côté bon vivant des bleuets. Son oreille musicale et sa voix de rossignol lui viennent de la lignée maternelle. « Ma mère, mon oncle et mon grand-père ont toujours chanté pour le plaisir, tandis que mon père est incapable de siffler juste! »

Dès son jeune âge, Alexe, aujourd’hui âgée de 23 ans, chante dans des chorales d’églises, puis au secondaire se met à la flûte traversière. « J’ai jamais dit : « Je veux être chanteuse »; la musique faisait partie de ma vie, c’est tout. » En plus de chanter juste, elle dessine bien, et entame un D.E.C. en Arts. À 19 ans, Alexe s’inscrit au Festival de la chanson de Saint-Ambroise, un concours de chanson francophone qui donne l’occasion aux aspirants auteurs-compositeurs-interprètes de se faire connaître. « C’est là que j’ai pogné la piqûre. Ensuite, j’ai auditionné pour La Voix et tout s’est enchaîné. »

Ce qui pourrait avoir l’air d’un conte de fées vu de l’extérieur est une histoire de talent, de rencontres et de persévérance. De risque, d’effort et d’instinct. « Quand j’ai décidé que je voulais me consacrer à la musique, j’ai su que j’allais devoir travailler très fort », raconte Alexe, attablée devant un bagel au fromage à la crème. Nous sommes au Café Lézard, dans le quartier Rosemont où elle a vécu à son arrivée à Montréal. Négocier l’après La Voix n’a pas dû être de tout repos. « L’expérience est axée sur la performance : il faut livrer. C’est une belle plateforme, mais ça va vite. Sans rien enlever à cette émission – qui a changé ma vie – je trouve qu’on en ressort un peu désemparé. Heureusement ma mère a toujours été là pour me grounder. Ensuite, j’ai eu la chance de rencontrer des gens avec qui j’ai continué d’évoluer comme artiste. »

John Nathaniel ne regardait pas La Voix. « La première fois que j’ai entendu Alexe chanter, c’est sur mon fil Facebook, par hasard, dans une perfo acoustique de piano jazz, dit le réalisateur de 32 ans. Je me suis dit : « Cette fille-là a quelque chose de spécial, un ton » et j’ai voulu la rencontrer. Alors je l’ai invitée à venir écouter de la musique au studio. Rien ne nous liait, on a eu envie de faire un premier single ensemble pour voir où ça nous mènerait. L’idée d’un EP est venue pas longtemps après. »

Gérante, parolière, styliste, titulaire d’un baccalauréat en commercialisation de la mode et d’une Maîtrise en administration des affaires (MBA), conductrice d’Alexe à ses heures et conjointe de John, Mariane Cossette-Bacon, 32 ans elle aussi, revient sur cette étape importante de la consolidation d’une identité d’artiste : « John et Alexe ont pris le temps de faire de la recherche pour voir ce qu’elle écoute et ce qui la fait triper, ce qui fonctionne avec sa voix, les sonorités qui l’inspirent. C’était important d’arriver avec une proposition musicale qui lui colle à la peau. Ce n’est peut-être pas tous les candidats de La Voix qui ont cette opportunité et la chance d’être ainsi encadré en sortant de là. »

Six mains, trois têtes, une passion
alex gauderaultPour le lancement de ce premier album, ils sont tous les trois sur la ligne de départ, fébriles, prêts à se lancer. Pop de haut-calibre, rassembleuse et bien produite, on est dans ces eaux-là. Le trio de créateurs a signé avec Musicor, « ce qui ne change rien au niveau artistique, précise John. Ils comprennent ce qu’on veut faire et nous ont donné carte blanche. À travers le succès récolté par le EP et Placebo, on a compris qu’on avait besoin d’une équipe experte en marketing. »

À l’écoute de la chanson L’hiver, on pense à l’intensité de Sia. D’autres moments dévoilent les allégeances musicales de John et Alexe : même si la dominante est pop, ces deux-là affectionnent « des trucs moody et planants qui vont de Bon Iver à Coldplay en passant par London Grammar », dit Alexe. Les textes sont signés par le trio de co-auteurs, avec, par moments, un quatrième collaborateur qui ajoute sa touche. Et John Nathaniel signe les musiques.

Leur processus d’écriture intrigue. « On est très disciplinés, raconte John qui a suivi un atelier d’écriture à Los Angeles. On prévoit des séances de travail au studio. Il n’y a pas d’alcool et ça ne se passe pas par courriels interposés. On écrit vraiment à six mains, des chansons sur mesure pour Alexe! On est travaillants et la réécriture ne nous fait pas peur. » Mariane : « On ne cherche pas la perfection, on cherche la perfo vocale convaincante, un texte solide et la prod qui va marcher. » « La perfection c’est stérile, renchérit John. Ce qu’on veut, c’est de l’émotion, quelque chose de cru. On est instinctifs et on travaille vite. Une chanson pour nous, de l’écriture du texte jusqu’à la prod, ça se fait en trois jours. »

Placer la voix est ce qu’il y a de plus long pour Alexe : « Ça se fake pas l’émotion. Parfois, plusieurs prises sont nécessaires. L’enregistrement de Placebo s’est terminé à trois heures du matin avec une couverture sur la tête! »

Alexe Gaudreault arrive avec un album qui lui ressemble et résume bien le chemin parcouru. « Depuis mon arrivée à Montréal, j’ai beaucoup évolué comme personne, je pense que je me suis trouvée! Je suis encore un peu bébé, mais la petite fille que j’étais est devenue une femme. Je suis partie de la maison, ma famille est loin et au début, j’ai trouvé ça un peu difficile… J’ai la chance d’être bien entourée. »

Sur le tatouage qu’elle porte à son bras, quelques mots tirés d’une chanson du groupe suédois The Sounds : « Home is where your heart is. » Si la chanson Placebo est une clé, la maison d’Alexe Gaudreault, c’est la musique, et son pouls bat la cadence d’une chanson pop.

Page Facebook d’Alexe Gaudreault