Installée au cœur du cercle de partage dans la TD Music Hall, les rideaux de scène tirés pour laisser entrer le monde extérieur, la sauge brûlant doucement au centre de la salle, Rhoda Roberts a pris la parole pour lancer officiellement les conférences du Sommet international de la musique autochtone 2025, le 3 juin 2025. Elle était entourée des aîné·es Louise Lahache et Gerard Sagassige.
On pourrait dire que Roberts elle-même – une femme Widjabul de la nation Bundjalung – est une aînée. Depuis des décennies, elle valorise la culture et la musique autochtones à titre de journaliste, comédienne reconnue, première présentatrice autochtone à la télévision australienne aux heures de grande écoute, fondatrice et directrice de festivals, ancienne responsable de la programmation autochtone à l’Opéra de Sydney, récipiendaire de l’Ordre de l’Australie, et conteuse captivante.
Voici quelques extraits choisis de son allocution :
« Nos aîné·es nous ont transmis des lieux de réflexion et des expériences vécues qui nous ont permis de nous affirmer davantage. Nous devons nous réapproprier cette force et la faire rayonner. Trop souvent encore, on nous dénigre, on remet en question notre patrimoine, ou on nous dit simplement d’oublier le passé. Ces réalités sont encore bien présentes pour nombre d’entre nous. »
« Unis en tant que collectif mondial avec la volonté de protéger nos savoirs précieux, de créer et recréer des liens, encore et encore, à travers les défis, nous trouverons les solutions et nous ferons en sorte que l’authenticité et la maîtrise de notre propriété intellectuelle restent entre nos mains. Rien ne pourra alors nous arrêter. »
“Tout est culture et tout est interrelié”
“La responsabilité que vous portez, vous les musicien·nes, de représenter vos communautés linguistiques, n’est pas prise à la légère. Vous incarnez les récits, les chansons et l’esprit même de notre identité autochtone, de nos savoirs et de nos manières d’être… C’est magnifique de voir nos musiciens, les artisans qui fabriquent nos instruments, nos auteurs-compositeurs, nos conteur et conteuses et nos gardiens du savoir activer toute l’industrie musicale. C’est plus que de la musique. Nous investissons ces espaces avec une intention, une énergie, une force culturelle commune… Nous sommes en train de bâtir un récit dans l’industrie musicale, un récit qui reflète nos histoires, nos valeurs, notre souveraineté — selon nos propres termes.”
“Pourquoi choisirait-on d’entrer dans une industrie marquée par la concurrence, la frustration, l’épuisement, l’exclusion systémique et des espaces peu sûrs tout en portant le poids de traumas intergénérationnels? Sans parler de cette méfiance bien ancrée, héritée d’injustices historiques… Mais quand on observe nos communautés, nos terres, nos provinces, nos territoires, on réalise quelque chose de puissant : un renforcement de nos écosystèmes culturels tangibles et immatériels. C’est de là que vient notre résilience, c’est là que nos voix continuent de s’élever… Notre impact économique dans chacun de nos pays – par les arts, le tourisme et la culture – se chiffre en milliards. C’est ce que doivent entendre nos industries touristiques.”
“Malgré toutes les politiques interdisant nos langues et nos cérémonies au cours des deux derniers siècles, nous avons toujours su que tout est culture et tout est interrelié. Notre musique n’est pas qu’une question de visibilité, elle est un appel à la reconnaissance et au respect porté par une voix culturelle unique. Nous sommes les premiers peuples et avec une image de marque cohérente et un soutien équitable à l’échelle de notre secteur, notre culture a le pouvoir d’assurer notre autonomie économique et une pérennité à long terme.”