Le 14 novembre 2025, le Centre PHI a vibré au rythme de la deuxième édition de Montréal à l’image, un rendez-vous désormais incontournable pour la communauté des compositeurs et professionnels de la musique à l’image. Après le succès de la première édition, la formule a été bonifiée ; cette fois, une matinée était entièrement dédiée aux étudiants, tandis que l’après-midi restait centrée sur les professionnels. Cette double vocation témoignait d’un engagement fort envers la relève du secteur et l’excellence dans le milieu.
Une matinée tournée vers la relève
L’événement, animé par Eric Parazelli, rédacteur en chef du magazine Paroles & Musique et gestionnaire des communications francophones à la SOCAN, a débuté par un mot d’introduction d’Alexandre Alonso, directeur exécutif des Affaires du Québec à la SOCAN, suivi de Michel Corriveau, compositeur chevronné et membre du conseil d’administration de la SPACQ-AE, qui a partagé son enthousiasme pour cette édition renforcée.
Le premier segment a été présenté par Gautier Villette, responsable du service aux membres à la SPACQ-AE. Il a rappelé que la SPACQ-AE (la Société professionnelle des auteurs, compositeurs du Québec et des artistes entrepreneurs), joue un rôle essentiel dans la vie des compositeurs à l’image : protection des droits, médiation, échanges entre pairs, accompagnement. Il a détaillé les services offerts, les avantages concrets pour les membres, et comment la SPACQ-AE contribue à nourrir une communauté soudée.
Puis, Gaby Gauthier-Durand, responsable des relations créatives pour le Québec à la SOCAN, a pris la parole pour une présentation « SOCAN 101 ». Elle a expliqué comment fonctionne la SOCAN ainsi que son rôle auprès des créateurs à l’image, en clarifiant notamment les flux de revenus, la gestion collective des droits, et les moyens par lesquels la SOCAN soutient le développement des compositeurs au Québec.
Études de cas : plongeon dans la créativité

Michel Corriveau a d’abord parlé de sa collaboration de longue date avec le réalisateur Charles-Olivier Michaud, notamment sur le film RU. Il a mis en contexte deux extraits, montrant comment la musique a évolué tout au long du processus, en symbiose avec le montage et le son. Il a expliqué comment ces moments d’échange constant avec l’équipe des concepteurs sonores ont enrichi profondément la composition.
Philippe Brault, quant à lui, a évoqué son travail sur la série Qui a poussé Mélodie?, une comédie mystérieuse dans un cadre de garderie. Il a raconté comment son travail sur la musique, en amont du tournage, a contribué à construire l’ambiance sur le tournage, au bénéfice des interprètes.
Stéphanie Hamelin Tomala a partagé son expérience sur le documentaire Mon ami Omar, la bataille d’un travailleur saisonnier de Christian De La Cortina. Elle a exposé ses premières conversations avec le réalisateur Christian De La Cortina, comment elle établit un dosage juste pour que la musique soutienne la réalité sans la supplanter, et a présenté deux extraits. Elle a aussi expliqué pourquoi elle avait soumis plusieurs pistes avant le montage, permettant au réalisateur d’utiliser ses propres compositions comme musique temporaire, plutôt que d’avoir recours à des pistes génériques, un choix qui, selon elle, valorise la création originale.
Discussion et mentorat
Ensuite, un moment d’échange s’est ouvert avec 30 minutes de questions-réponses où le public a posé des questions ciblées aux trois panélistes. Pour clore la matinée, une séance de mentorat et de réseautage de 30 minutes a permis aux étudiants de rencontrer cinq mentors d’expérience : Anaïs Larocque, Pilou (Pierre-Philippe Côté), Briga (Brigitte Dajczer), Jérémie Corriveau, et Samuel Laflamme. Cette activité a offert un cadre informel, mais précieux pour poser des questions, demander des conseils et nouer des liens dans l’industrie.
Un après-midi centré sur les conditions de travail et la rémunération
L’après-midi a réuni les professionnels de la musique à l’image avec un programme chargé, toujours orchestré par Eric Parazelli. Après le mot de bienvenue de la chef de la direction de la SOCAN Jennifer Brown, Marc Ouellette, président du CA de la SOCAN et compositeur de musique à l’image, est monté sur scène pour partager son regard sur l’évolution du secteur et l’importance de ce rendez-vous.
Pascal Genêt, du Bureau de l’Observatoire de la Culture et des Communications du Québec, a offert une mise en perspective grâce à des données clés : production audiovisuelle, consommation des œuvres, comportements des publics. Son portrait chiffré a permis de mieux comprendre l’environnement dans lequel évoluent les compositeurs à l’image aujourd’hui, et comment ces réalités peuvent guider les choix artistiques et professionnels.
Panel sur les conditions de travail et la rémunération
Un panel de quatre intervenants, les compositeurs de musique à l’image Stéphanie Hamelin Tomala, Maxime Fortin et Marc Ouellette, ainsi que l’avocate en droit du divertissement et de la propriété intellectuelle Gabriella Rozankovic, a pris la parole pour discuter des enjeux de travail dans la musique de commande. Parmi les sujets abordés : l’évolution historique des conditions de travail au Québec par rapport à d’autres territoires ; les difficultés liées à la négociation des ententes, entre rémunération à la commande et redevances de diffusion ; et les enjeux principaux des négociations contractuelles.
Les discussions ont été à la fois pragmatiques et inspirantes : les participants ont souligné l’importance de la collaboration, de la transparence et de l’union des créateurs pour peser dans les négociations.
La SPACQ-AE à l’œuvre, la SOCAN explique
Par la suite, Gautier Villette (SPACQ-AE) et Maxime Fortin ont présenté une initiative prometteuse : une collecte de données sur les pratiques tarifaires dans les contrats de commande de musique. Leur objectif ? Documenter les réalités actuelles, identifier les écarts, et proposer des pistes pour assurer des conditions plus justes pour les compositeurs à l’image. Cette démarche, à la fois analytique et militante, a été très bien reçue.
Mike Rocha, directeur film et télé des Services aux membres de la SOCAN, a ensuite animé une présentation sur « le chemin des redevances en musique à l’image ». Il a expliqué les différents flux de revenus : de la perception à la répartition, en passant par les licences, les usages, les répartitions, et comment les compositeurs peuvent maximiser leur gain tout en comprenant les rouages complexes de l’administration collective.
Grande entrevue : Cristobal Tapia de Veer
Le point d’orgue de l’après-midi fut sans doute la rencontre de 45 minutes avec Cristobal Tapia de Veer, compositeur québécois d’envergure internationale, lauréat de BAFTA, Emmy et plusieurs prix SOCAN. Animée par Eric Parazelli, l’entrevue a plongé dans le parcours incroyable de Cristobal : son arrivée au Québec en tant que réfugié, son passage de la percussion classique à l’électro-pop, puis à la composition pour la télévision et le cinéma.
Il a parlé de ses contributions musicales dans des productions d’envergure internationale comme Utopia, The White Lotus, Humans, de sa signature musicale audacieuse, de son environnement créatif dans les Laurentides, et de sa façon d’intégrer les accidents technologiques et la voix humaine dans ses compositions. Il a aussi évoqué le courage de rester indépendant, de refuser de signer certains projets malgré le succès, pour préserver sa liberté artistique. Il a livré des anecdotes inspirantes aux compositeurs présents, notamment sur la collaboration parfois houleuse avec les réalisateurs et les producteurs, et sur l’importance de cultiver sa propre voix.
Remise du Prix Montréal à l’image
Enfin, l’événement s’est conclu avec la remise du Prix Montréal à l’image. Ariane Charbonneau, directrice générale de la SPACQ, a d’abord rappelé la philosophie du prix et l’importance de reconnaître l’excellence et l’engagement au sein de la communauté des compositeurs et compositrices. Le nom du lauréat a ensuite été dévoilé à la suite d’un témoignage touchant d’Anaïs Larocque, ambassadrice du prix, ainsi que de Jérémie Corriveau, compositeur et fils du récipiendaire, Michel Corriveau. Ce dernier a pris la parole pour offrir un discours de remerciement empreint de sincérité, avant d’inviter tout le monde à poursuivre les échanges lors du cocktail de réseautage..
« Recevoir une accolade de la sorte de mes pairs est extrêmement touchant et motivant, a réagi Michel Corriveau. Je suis à la fois reconnaissant et fier de faire partie de cette communauté. Lorsque j’ai su que j’avais été choisi, j’ai eu une pensée pour le réalisateur et mon ami Erik Canuel qui m’a donné ma première chance au cinéma et qui nous a quittés malheureusement trop tôt. Un immense merci à notre collègue la compositrice Anaïs Larocque pour la création de cette belle tradition. »
Dans l’ensemble, la deuxième édition de Montréal à l’image a confirmé son statut : non seulement comme un carrefour essentiel pour les professionnels, mais aussi comme une plateforme précieuse pour les étudiants et étudiantesaspirants à une carrière dans la musique à l’image. L’ajout de la matinée étudiante a non seulement renforcé l’idée d’une communauté solidaire, mais a permis de créer des liens intergénérationnels, précieux pour le développement du secteur.
Maxime Fortin, compositeur et chargé de cours à l’Université de Sherbrooke siégeant au conseil d’administration de la SPACQ-AE, où il représente les compositeurs et compositrices de musique de commande a résumé cette deuxième édition ainsi : « Montréal à l’image n’est pas seulement d’un événement ponctuel de rencontres et de panels : c’est avant tout un lieu que nous avons créé pour nous retrouver, nous célébrer et nous élever entre compositeurs et compositrices de musique de commande. C’est un espace où l’on peut reconnaître nos réalités, découvrir nos affinités artistiques, échanger franchement sur les défis qui se dressent dans notre industrie et renforcer notre savoir-faire entrepreneurial. Le tout porté par cette même vocation pour ce langage qui a la capacité extraordinaire, presque magique, d’élever les histoires là où les mots ne suffisent plus. Finalement, l’événement n’aurait jamais pu connaître le jour sans Anaïs Larocque, l’idéatrice de l’événement, ainsi que le soutien inébranlable de la SOCAN et de la SPACQ-AE qui démontre une fois de plus leur support pour les créateurs et les créatrices d’ici. L’équilibre entre contenu pratique (les études de cas, le mentorat), réflexion stratégique (tarification, redevances), et inspiration (Cristobal Tapia de Veer) a fait de cette journée un moment à la fois formateur et galvanisant. »