TDJ est « en constante mission ». Figure de proue du renouveau de la musique trance, la productrice montréalaise profite de la vague de popularité dont elle bénéficie depuis quelques années pour mettre de l’avant une horde d’artistes internationaux, comme elle le fait sur son premier album homonyme.
« Je veux créer un mouvement autour de la musique trance. Beaucoup de gens se rattachent à cette musique-là, sans nécessairement avoir la plateforme pour se réunir », explique Geneviève Ryan-Martel alias TDJ, qu’on a connue dans les années 2010 sous le pseudonyme Ryan Playground dans un genre pop atmosphérique au rythme beaucoup moins effréné.
Cette « plateforme » a pris différentes formes depuis les débuts de l’incarnation actuelle de l’artiste il y a déjà cinq ans : des compilations, des EPs, une mixtape. Paru l’automne dernier, le projet massif SPF INFINI : GENESIS contenait 36 chansons mettant en vedette pas moins de 40 artistes.
La moyenne se maintient sur ce premier album officiel paru le 27 juin dernier : 11 chansons, 10 collaborations, dont une avec le producteur et compositeur britannique de renom Danny L Harle (connu pour son travail avec Caroline Polachek et Charli XCX). « J’ai longtemps pensé que de pouvoir tout faire me permettrait de me définir à 100% comme artiste. J’ai fini par me rendre compte que c’est un peu plate ! Tu finis vite par tomber dans les mêmes patterns », explique l’artiste. « J’ai compris que j’avais besoin des autres pour m’inspirer, pour me sentir plus complète dans ce que je veux proposer. Je ne veux pas limiter mon projet à moi. C’est plus gros que ça. »
Ce qui est particulier avec TDJ, c’est qu’elle n’est pas, en dehors de la musique, quelqu’un de très sociable. « Je suis très indépendante. Je n’ai pas besoin des autres. C’est vraiment à travers la musique que je dévoile mon côté rassembleur. La musique me permet d’avoir un équilibre, d’être moins isolée. »
Paradoxalement, cet album axé sur la collaboration est né d’un certain désir de solitude, en plein cœur d’une épuisante tournée autour du globe. « Je tournais tellement, j’avais besoin de me poser, de prendre mon temps, de relaxer », confie celle qui, uniquement en 2024, est montée sur scène plus de 70 fois, passant notamment par Londres, Berlin, Sydney, Ibiza, Los Angeles et Lisbonne.
En résulte un album trance, mais pas que. TDJ y dévoile également des influences rock, pop, trip-hop, downtempo – des styles qui, nécessairement, privilégient des tempos moins rapides que le style de prédilection de l’artiste. « Les gens me connaissent pour des chansons à 150 ou 160 bpm, tandis que là, je suis plus à 120 ou 130. C’est encore explosif, mais un peu plus contenu. Je dirais que c’est surtout un album de feeling. »
Créé sur la route, l’album a bénéficié de plusieurs escales à Paris, là où TDJ a pu compter sur l’aide (et le studio) du producteur Aamourocean. Les paroles évoquent la vie de tournée, en particulier les angoisses liées à ce mode de vie. « Ça parle de perte de contrôle, de la difficulté de faire confiance aux gens quand tu es loin. Mais généralement, les paroles ne sont pas négatives. J’ai l’habitude de tout switcher en positif. Y’a un côté solaire à l’album. Un côté aérien qui est probablement relié au fait de voyager, d’être toujours dans les airs. »
Ce rythme intense de tournée, TDJ a appris à l’apprivoiser. La Montréalaise bénéficie d’une ascension considérable depuis quelques années, notamment propulsée par un dossier bien étoffé de Pitchfork sur la popularité du renouveau trance (intitulé Trance Is Back—and It’s No Joke), publié en février 2023. « J’ai senti, quand on sortait de la COVID, qu’il y avait une envie collective de nouveauté. On avait envie de se laisser aller, on avait envie d’euphorie. Le retour de la trance est venu répondre à ce besoin-là. Y’a une question de timing là-dedans. »
Aux côtés de son gérant (Lucas Jacques), la productrice s’est bâti une équipe d’agents de tournée aux quatre coins du globe, entre autres au Royaume-Uni, en Europe francophone, en Australie et aux États-Unis. « On est partis à deux et on a constamment grandi », dit-elle. «Je travaille tellement fort, je trouve ça juste normal que ça commence à payer. J’ai mis beaucoup d’énergie, j’ai pris beaucoup de risques pour mon projet, et ça a eu son effet. » Parmi ces risques, on note les ambitieux et percutants films accompagnant les sorties de ses compilations SPF INFINI, tous réalisés par Laurence Baz Morais.
Mais dans tout ce tourbillon de spectacles, d’allers-retours et de BPM, c’est la tranquillité que recherche maintenant TDJ. « Au début quand je tournais, j’étais très excitée. Je voulais aller vivre ailleurs, je me projetais partout dans le monde… Plus le temps avance, plus je me rends compte que mon but, c’est d’être bien à Montréal. Ça fait trois ans que je tourne presque sans arrêt. Et là, au moment où l’album sort, je sens, plus que jamais, que j’ai besoin de respirer. »