L’un des effets les plus désastreux de la pandémie de COVID-19 a été la fermeture d’un grand nombre de salles de spectacles, de bars et d’autres lieux présentant des performances musicales partout au Canada. Une étude de l’Université de Toronto menée en 2023 a révélé que 13 % des petites salles de spectacle de la ville ont fermé définitivement leurs portes en raison de la crise. Bien que l’on puisse dire que le secteur reprend du poil de la bête, il y a encore beaucoup de chemin à faire avant de pouvoir prétendre avoir renversé la tendance. Heureusement, il y a encore des organisations qui travaillent avec diligence, malgré les difficultés, pour aider à rectifier la situation.
Une première étape importante a été franchie par le Community and Cultural Spaces Trust (CCST) du district 9 de Toronto, une organisation à but non lucratif gérée par des bénévoles qui assure la gestion des biens culturels en les acquérant ou en les gérant pour le compte d’organisations artistiques locales. Elle acquiert ces biens par le biais d’achats ou de dons pour ensuite les gérer afin de garantir une sécurité d’occupation à long terme.
Le mandat du CCST est de « créer et faciliter des processus durables pour l’acquisition et l’entretien de biens immobiliers à l’usage d’organisations communautaires, culturelles et artistiques dans le quartier Bloor-Dufferin ». En février 2025, le CCST a annoncé qu’il s’était associé à la Fondation Inspirit et à la Ville de Toronto pour assurer la première acquisition d’un espace communautaire par une fiducie foncière culturelle au Canada. Selon la présidente du conseil d’administration, Hannah Fleisher, il n’existe qu’un seul autre CCST au Canada (à Vancouver), deux aux États-Unis et deux au Royaume-Uni. Le conseil d’administration a été créé en 2022, avec Mme Fleisher et plusieurs autres membres, dont Erella Ganon, membre de longue date de la SOCAN et activiste communautaire.
Pendant sept ans, Ganon a vaillamment tenté d’empêcher le légendaire Matador Ballroom – qui abritait le célèbre club de musique roots/country de Toronto, The Matador Club – d’être transformé en condos, mais sans succès. « Selon une étude commanditée par la SOCAN en 2022, le code postal de la circonscription de Davenport [district 9] avait la plus grande concentration d’artistes et de musiciens que tout autre code postal au Canada », explique M. Ganon. Lorsqu’on demande à Mme Fleisher si elle est surprise qu’il ait fallu trois ans pour que le CCST acquière ses premières propriétés, elle répond sans hésiter « je pensais que ça prendrait au moins six ans! »
Bien que ces efforts semblent produire des résultats à un rythme géologique, ils n’en demeurent pas moins éminemment valables et importants. Les deux premiers espaces, situés dans une école reconvertie au 180 Shaw St., ont été attribués à Paperhouse Studios et à The Toronto Potters’ Guild, deux locataires établis qui risquaient d’être expulsés. L’adresse est également le siège social d’Inspirit et de Small World Music, dont la mission est de « soutenir les professionnels sous-représentés, marginalisés et nouveaux venus, sur scène et dans les coulisses, afin de favoriser des carrières durables et de devenir des leaders dans l’industrie de la musique ».
« Le monde des subventions artistiques et du mécénat doit penser à ces petits espaces où le travail commence » —Hannah Fleisher, présidente du conseil du CCST du district 9 de Toronto
Le conseil d’administration du CCST est entièrement composé de bénévoles qui consacrent leur temps personnel à la recherche de moyens d’accroître les ressources de l’organisation à but non lucratif. La fiducie a été créée grâce à 2 millions de dollars provenant d’un règlement au titre de l’article 37 qui a permis à la ville de Toronto de négocier des contributions aux avantages communautaires pour les promoteurs qui cherchent à augmenter la densité d’un site de 25 % ou plus. Malheureusement, le gouvernement provincial actuel a mis fin à ce programme.
Mme Fleisher explique : « Ce que nous voulons vraiment, c’est faire une sorte d’acquisition avec les 2 millions de dollars initiaux et, par exemple, contracter une dette. Une fois que nous aurons remboursé une partie de cette dette, et peut-être que le terrain aura pris un peu de valeur, nous pourrons utiliser cet investissement pour acheter de nouveaux biens. »
« Le plus grand défi, c’est la valeur des propriétés en ce moment », continue-t-elle. « On se demande comment on pourrait l’utiliser au mieux. Si on veut acheter un bâtiment sans emprunter ou sans hypothèque, alors il faut qu’il soit plus petit. Il risque de ne pas être dans un état exceptionnel, mais bon. On pourrait peut-être utiliser ces fonds pour financer un truc encore plus gros, histoire d’avoir un budget de 4 millions $. En ce moment, on se demande : qu’est-ce qui est le mieux pour la communauté? Un espace artistique et culturel le moins cher possible pour que les membres de la communauté puissent l’utiliser ou une plus grande propriété sur laquelle on peut mettre la main et la garder à perpétuité? »
Comme le dit Ganon, le défi devient alors de décider ce qui est le mieux entre la chose la plus facile à faire et la bonne chose à faire.
« Les arts et la culture, pour le meilleur ou pour le pire, sont des mondes dirigés par le mécénat, les dons, la philanthropie, les demandes de subventions, tout ça », déclare Fleisher. « J’espère vraiment que le côté philanthropique et mécène du monde des arts et de la culture commence à comprendre la valeur de l’orientation des fonds vers la préservation d’espaces où les gens peuvent réellement faire le travail auquel ils aspirent ».
« Les gens qui évoluent dans l’univers du soutien aux arts et à la culture ne devraient pas seulement penser que le mécénat est axé sur l’individu, ou pour acheter les œuvres d’un artiste ou des billets de concert, ou encore subventionner une production. Ces choses sont importantes, mais le monde des subventions et du mécénat doit aussi penser à ces petits espaces où ce travail commence. »