Paul Daraîche, l’icône du country québécois aux 2 millions d’albums vendus, qui aura bientôt 78 ans, signe six des treize chansons de son dernier rejeton. Vraiment ton dernier, Paul ? « Non, pas vraiment. Mon gérant a voulu présenter ce disque comme si c‘était le dernier, mais j’ai d’autres chansons, qui je le souhaite, verront le jour un moment donné. Mais avec ce recueil-ci, je voulais offrir la chance à des auteurs et autrices d’écrire des chansons pour moi ».

Paul Daraiche

Un dernier je t’aime est le titre de son nouvel album. Un florilège de treize chansons, produites par le chanteur Mario Pelchat via son label MP3 et réalisées par son fidèle complice Christian Turcotte qui a mis tout son savoir country au service d’arrangements fastes, tantôt dépouillés, aidé d’une multitude de musiciens appelés au bataillon. Des titres qui, dès la première écoute, vous accrochent l’oreille.

« Je le voulais exactement comme ça », admet notre indéboulonnable patriarche country. Au Studio Piccolo en plus, mon préféré. On a enregistré avec tous les musiciens ensemble au studio en l’espace de deux semaines. » En plus d’une section de cordes qui ponctue l’album ici et là afin d’embellir l’habillage sonore de cette session musicale, trois sommités de leur instrument André Proulx (violon), Rick Haworth (guitares multiples) et Jean-Guy Grenier (guitare lap steel) viennent s’interposer subrepticement avec une sélection de notes minutieusement choisies.

On reste stupéfait en entendant la composition de Léa Jarry qui signe les paroles et la musique de C’est ma vie, première chanson qui met en route ce disque d’une ambition à la hauteur de cet homme fier et entier qui mesure en treize vignettes le chemin parcouru. « Elle a fait beaucoup de recherches sur l’histoire de mon parcours, ma vie; ses mots me décrivent parfaitement ! » On s’est vite entiché de la chanson La musique c’est ma maison, écrite par l’enjouée Cindy Bédard, autre fleuron du country nouveau. Et on esquisse le sourire à l’écoute de Je reviens de Salvatore Adamo sur un air country des plus authentiques.

Il vous émeut avec trois fois rien sur Est-ce que l’amour, une simple balade, sans la frime et le bluff. Cette voix a une telle identité qu’elle en arrive à monopoliser l’attention. La retrouver ainsi pratiquement immuable depuis son succès au Gala de l’Adisq en 1979, alors qu’il triomphait aux côtés de sa sœur Julie, est une bénédiction en soi.

Ça saute aux oreilles, notre homme plonge avec délices dans ses racines. Le registre country est toujours maîtrisé. Arrivé à l’âge de neuf ans en 1956 à Montréal, exilé de St-François-de-Pabos, aujourd’hui intégrée à Chandler en Gaspésie, il chérit ce souvenir : « Mon père m’a alors acheté ma première guitare et je suis devenu fou, je ne sortais plus de ma chambre ! »

Une autre chambre d’hôtel

« J’ai joué dans tous les hôtels et brasseries des petites villes et des petits villages au Québec et même en Ontario et dans l’est des Maritimes, ainsi que dans les Réserves des Premières Nations », se remémore Daraîche.

Paul Daraiche, Les Lous blancs

On se doute bien qu’il a dû y avoir certaines anicroches en cours de route, que la vie en tournée n’était pas sans pépins. « Le show business, c’est pas rose, admet-il d’emblée. Il y a eu des situations où j’ai passé au travers, mais je peux te dire que j’avais les fesses serrées. Il y a plusieurs endroits où je suis sorti par la porte arrière des établissements où je jouais. Il y a même eu quelques occasions où je n’ai jamais été payé à la fin de la soirée ». Il en est miraculeusement ressorti intact.

Pourtant, c’est avec la chanson qu’il se fait la main en 1973 avec un premier hommage aux chansons de Georges Moustaki et Jean Ferrat. Quelques années auparavant, en 1965, Daraîche se lançait dans l’aventure yéyé à 18 ans avec Les Loups Blancs, établis à La Sarre en Abitibi. « J’étais un grand amateur de chanson française à l’époque, je connaissais le répertoire des Aznavour, Reggiani et Adamo, etc. et peut-être à cause de ça je suis devenu le chanteur des Loups Blancs ».

On a même fait miroiter au jeune Paul qu’une tournée était planifiée dans la région abitibienne. « Je me suis vite aperçu que ce n’était pas vrai. Nous étions hébergés gratuitement chez des fermiers qui nous demandaient de faire la traite des vaches matin et soir. Ce n’était vraiment pas notre choix de carrière », se remémore- t-il avec le sourire. « Par la suite, nous avons rejoint une agence qui nous donnait du travail tous les soirs. On gagnait chacun 350 dollars par semaine, logé, nourri ».

Toujours durant l’époque des groupes yéyés, Daraîche a beaucoup côtoyé Les Sinners (devenus La Révolution Française). « On écrivait des chansons ensemble et on partageait régulièrement la scène. À l’instar du groupe britannique The Who, les gars des Sinners fracassaient leurs instruments à la fin de chaque spectacle. Moi, je venais d’avoir ma première guitare Fender, alors pas question de la démolir se souvient celui qui est ‘’passé’’ souvent à la populaire émission Jeunesse d’aujourd’hui.

Renée Martel, une longue histoire de collaborations et d’amitié

La majesté du country rustique, lourd de prophéties et de chagrins, nous touche divinement avec En attendant que tu reviennes dont la première ébauche du texte fut écrite par la reine du country, feu Renée Martel, qui a remis à son roi cette ultime chanson sur son lit de mort. Daraîche l’a terminée et mise en musique. Le duo s’était fait plaisir en 2021 avec la sortie d’un album de réinterprétations intitulé Contre vents et marées, autre jalon d’une très longue collaboration entre les deux au fil des décennies.

La famille Daraîche se réunira à nouveau pour une série de spectacles à l’hiver prochain. Avec ses filles bien sûr, dont Émilie qui a été nommée au dernier Gala Country l’an dernier et son fils Dan, qui fait dans le nouveau country, fort de son passage à La Voix, et qui lancera un disque à l’automne sous étiquette Audiogram.

Gageons qu’ils joueront Je pars à l’autre bout du monde et À ma mère, les deux joyaux de Paul Daraîche !