Il y a un lâcher-prise très assumé dans le deuxième album de Soraï, l’exubérant Millenium Star Diamant. La beatmakeuse, chanteuse et rappeuse montréalaise y dévoile une collection de 10 chansons à la fois drôles, crues et provocatrices.

Sorai« Late night snack, j’suis dispo quand t’as faim », lance Soraï avec une confiance contagieuse sur la bien nommée LATENIGHTSNACK, une irrésistible bombe électro-rap d’à peine une minute trente. « C’est vraiment JUSTE une chanson qui parle de collation. Je vois pas ce que tu veux dire… », répond Soraï avec une fausse théâtralité, lorsqu’on lui évoque le second degré du texte.

En fait, la pièce est à l’image de l’esprit très libre et candide de ce deuxième album, créé sans compromis. « Y’a des chansons très cocky, dans lesquelles je me vante. Mais mon but, c’est pas de me la péter ou de me vanter. Je veux juste booster la confiance des gens qui m’écoutent. Je veux que les gens se sentent bien dans leur peau. C’est un vrai safespace pour les gens qui veulent se retrouver, pour ceux et celles qui se sentent seul.e.s ou mis à part. »

Par la bande, l’album répond aussi à un besoin d’affirmation de la part de l’artiste queer. « Je me suis sentie seule toute ma vie en grandissant. Même encore à ce jour, je ne vois pas beaucoup de personnes à la télé qui me ressemblent. Je n’avais pas de références queer autour de moi quand j’étais jeune. »

La « première grosse claque dans face » qu’a reçue Soraï, c’est Christine and the Queens. Quand elle a découvert, en plein cœur de son adolescence, la musique de l’artiste français au look androgyne, la Montréalaise a été saisie. « Christine (and the Queens) incarnait la forme la plus proche de ce à quoi je voulais ressembler. J’avais besoin d’un repère comme ça », dit celle qui cite également Charli xcx, Billie Eilish, Lorde, LIttle Simz, Chilla, Lous and the Yakuza et, dans une moindre mesure, Justin Bieber comme influences.

Dans la foulée de cette grosse claque, l’artiste se met à jouer de la guitare, à composer ses premières chansons et à les publier sur Soundcloud. On la retrouve également sur scène lors de quelques éditions de Secondaire en spectacle. « J’essayais plein d’affaires, j’apprenais à me connaitre… mais visiblement, j’me connais pas encore, car j’arrête pas de changer de style. »

Sorai, DOMMAGE, video

Cliquez sur l’image pour démarrer la vidéo de la chanson DOMMAGE:/ par Soraï

C’est vrai qu’il y a une différence assez marquée entre la Soraï de 2024 et celle de 2025. Son premier album, Synesthésies, voguait sur des eaux plus tempérées, davantage proches d’un rivage hip-hop qu’électro-pop. « Je suis dans quelque chose de moins premier degré qu’avant. Ce projet-là (Millenium Star Diamant) me représente davantage, même s’il est vraiment moins sérieux. Je voulais pas trop le réfléchir, trop l’overthink. J’avais envie de reconnecter avec le fun de faire de la musique. J’ai fait quelques camps d’écriture et je me suis juste mis à écrire intuitivement, à écrire plein de bouette juste pour checker ce que ça donne. Finalement, y’a plein de cette bouette-là qui est restée. C’est vraiment un défi pour moi d’écrire rapidement, je suis très fière de m’être laissée aller. »

C’est aux côtés de Robert Robert que Soraï a ensuite peaufiné ses chansons. Le brillant auteur-compositeur-interprète a coréalisé Millenium Star Diamant avec elle. « C’est lui qui a slide dans mes DMs en premier, il y a environ cinq ans. Il voulait que je sois musicienne sur sa tournée. On est devenus full amis et on s’est mis à faire du beat ensemble, pour le fun. Et à un moment donné, on a décidé de s’engager un peu plus et de faire un album complet. »

Les deux artistes se sont encabanés quelques jours pour construire l’album. Encabanés au sens propre, dans un petit studio en bois construit par le père de Soraï à Bromont. « On faisait du gros beat pendant 12 heures, c’était incroyable. Ça a tout changé. »

La chanteuse et multi-instrumentiste a ensuite terminé tranquillement l’album chez elle. Quelques passages de l’album reflètent ce côté plus introspectif, en particulier la chanson-titre, qui fait un habile clin d’œil au Millenium Star, un diamant d’une pureté exceptionnelle. « C’est un diamant shiny, très prestigieux, mais en forme de larme. Ça me parle beaucoup, cette image-là, parce que j’ai eu de la difficulté à affirmer qui je suis toute ma vie. Mais j’ai réalisé que toute cette tristesse-là que j’ai vécue, je suis capable de la transformer en quelque chose de précieux. »