L’amour profond et durable que les hommes portent à leurs camions est le sujet du plus récent simple – « New Old Trucks » certifié platine – du James Barker Band. C’est aussi ce qui fait que de très nombreux fans de musique country s’identifient à cette chanson, selon le chanteur/guitariste James Barker, qui l’a écrite, avec Jordan Minton, Hunter Phelps et Casey Brown chez ce dernier à Nashville.

Lorsque les auteurs-compositeurs se sont réunis pour partager leurs idées, ils ont découvert que Minton et Phelps avaient tous deux ce titre de chanson dans leurs notes. « On a tous immédiatement su de quoi la chanson allait parler », dit Barker. « Tout s’est mis en place quand on a entendu cette phrase. Juste le fait que deux d’entre nous avaient déjà trouvé le sujet nous a donné l’impression que c’était un signe. On l’a écrite très rapidement. Casey est tellement un bon producteur qu’il bâtissait la pièce à mesure qu’on l’écrivait et tout est arrivé très naturellement. »

Il n’y a pas que pour la chanson que les choses se mettent en place : le James Barker Band a effectué en 2021 une tournée des États-Unis et du Canada et le groupe propose une populaire série de « livestreams » qui totalise à ce jour 200 millions de visionnements. Au cours des dernières années, le groupe a obtenu six certfications Or et deux certifications Platine pour ses simples incluant « There’s A Drink For That », « Just Sayin’ », « It’s Working », « Lawn Chair Lazy », « Good Together », « Summertime », « Chills » (platine) et « Keep It Simple » (platine), en plus d’un EP également certifié Or (Game On). Barker a récemment signé son premier contrat avec la maison d’édition BOOM de Keith Urban qui est administrée par Kobalt, et le groupe a signé un contrat de disques avec Sony Music Nashville et Villa 40 pour les États-Unis.

« New Old Trucks » se veut donc une ode nostalgique à ces bien-aimés camions, mais un en particulier. « Off-white 350 Farmer Four / Gotta pump the throttle, gotta slam the door », commence le texte, avant de poursuivre « dent from a fence post I didn’t see coming », et un refrain qui va comme suit : « Daddy had it for the first hundred K / I drove the rest, wouldn’t sell or trade / That many miles of memories for a million bucks / ’Cause they ain’t making new old trucks » (librement : « 350 Farmer Four blanc cassé/Faut pomper le gaz et claquer la porte », « une bosse à cause d’un poteau que j’ai pas vu venir », « Papa a conduit les 100 000 premiers/J’ai conduit le reste, jamais je ne vendrais ou échangerais/Autant de milliers de miles de souvenirs contre un million de dollars/Parce qu’on ne construit pas de vieux nouveaux camions »).

« Dierks a dit : “cette chanson parle de mon camion!” » — James Barker

« » Les gens s’identifient parce que c’est vrai », dit Barker qui a grandi dans la campagne ontarienne en compagnie des membres de son group Taylor Abram, Connor Stephen et Bobby Martin. « Je n’ai jamais hérité d’un camion de mon père, mais c’est le cas de mon meilleur ami au secondaire. Un autre ami a planté son camion sur un poteau dans un champ et l’a conduit avec sa porte bossée pendant quatre ans. Chaque fois que j’entends ça, je pars à rire. »

« Les expériences communes sont un élément clé de l’écriture de chansons. C’est ce qui les rend magiques, cette façon de partager des souvenirs avec le public sans être tellement vague qu’ils ne peuvent pas s’y reconnaître. C’est ce qu’on a essayé de faire avec cette chanson : leur rappeler leur premier camion et peut-être même celui qu’ils conduisent en ce moment. »

C’est ce qui a donné envie à la vedette country Dierks Bentley, qui compte lui-même 17 simples country #1 sur Billboard, de faire une apparition sur ce simple après le représentant A&R du groupe lui ai fait entendre le démo pendant qu’ils étaient sur la route dans – on vous le donne en mille – un camion! « Dierks conduit un vieux camion que lui a légué son père, un Chevy blanc avec un 350 dedans », explique Barker. « “Cette chanson parle de mon camion”, il a dit. Ç’a l’air arrangé, mais on ne savait pas ça quand on a écrit la chanson. Il voulait absolument chanter sur cette chanson et il l’a fait. C’était fou. »

Ces expériences partagées débouchent aussi sur des séances d’écriture très agréable. « C’est un processus donnant-donnant », explique Barker. « On prend le pouls de tous ceux qui sont dans la pièce – qui est plus parolier et qui a plus l’oreille pour les mélodies – et tout le monde contribue à donner à la chanson sa forme finale. Ça prend toujours quelqu’un pour jouer quelque chose e premier, et le processus est lancé : quelqu’un d’autre va dire “c’est très cool, mais si tu changeais d’accord ici plutôt qu’ici…”, et ainsi de suite. C’est comme ça que ça s’est passé pour celle-ci. Ça se passe pas mal tout le temps comme ça. C’est jamais le travail d’une seule personne qui a tout compris ; c’est toujours le fruit du travail de tous les créateurs. »

« Écrire une chanson devrait être intuitif », poursuit l’artiste. « Tout le monde est influencé par ce qu’il écoute ou entend et on a besoin de la mémoire mélodique collective pour arriver à créer quelque chose qui soit intuitif pour les autres. Je pense que c’est ça qui s’est produit avec “New Old Trucks”. »



La Zarra Fatima Zahra fait partie des artistes qui ont commencé « sur le tard », mais elle intrigue déjà grandement l’Europe avec sa voix rivalisant avec Piaf ou Barbara. Œuvrant sous le nom d’artiste La Zarra, la jeune femme de Longueuil signée par Universal Music Canada et Polydor France, fera paraître un premier album, Traîtrise, le 3 décembre.

« Le succès des derniers mois, je ne peux même pas l’expliquer », s’étonne encore Fatima Zahra qui, bien qu’elle ait toujours eu un intérêt marqué pour la musique, était sur un autre projet de carrière.

« Jusqu’à tout récemment, j’étais coiffeuse, explique-t-elle. Ça m’a vraiment aidé, mes années de coiffure. J’ai aiguisé mon oreille, en écoutant Barbara tout en coiffant. Je n’ai pas fait de cours ou d’école de chant et je ne peux pas vraiment répondre quand on me demande je chante dans quelle tonalité », rigole-t-elle. Un désintérêt progressif pour sa première profession et une allergie soudaine à la coloration pour cheveux, qui est survenue comme un signe, l’ont portée vers son rêve musical. « Je n’aurais pas eu ma maturité musicale actuelle sans la coiffure », croit-elle.

Sa rencontre avec le producteur montréalais Benny Adam (Rymz, Tizzo, Zach Zoya), il y a quelques années lui a permis de faire connaissance avec sa propre personnalité « musique », puis l’idée semée à ce moment-là a germé pendant quelques années pour devenir un projet dans la tête de Fatima : elle a eu envie de lui présenter des idées de chansons. « Les quelques titres qu’on a conçus ensemble m’ont valu un succès immédiat en Europe et une maison de disques qui m’a donné les outils pour commencer à explorer d’autres compositions avec des musiciens. » La bonne étoile qui brille pour elle de l’autre côté de l’océan lui a même valu une nomination dans la catégorie Révélation francophone de l’année au gala NRJ Awards qui se tenait le 20 novembre dernier.

Le début de la création d’une chanson, pour elle, est différent d’une fois à l’autre. « Parfois, c’est juste une mélodie ou une première phrase que je veux placer, explique la chanteuse. Je parle d’amour, d’amitié, de relations, mais mes morceaux sont plus des sentiments généraux que des histoires. Ça peut partir de la haine, de la joie, de la colère, mais au bout du compte, il y a toujours cette envie de m’émanciper. Je suis toujours sur le chemin entre la femme que j’étais et la femme que je veux être. » Une chose est sûre, depuis que la musique s’est érigée au cœur de sa vie, Fatima n’a pas l’impression de travailler. « Ce n’est vraiment pas un boulot pour moi, lance-t-elle. Je fais le ménage chez nous et je chante et les refrains viennent à moi naturellement. Quand la créativité entre chez moi, ça peut durer longtemps, les idées déferlent. »

Contrairement à certains succès qui naissent en ligne grâce aux partages et aux « likes », La Zarra ne doit son ascension fulgurante qu’à son talent remarqué et célébré d’un coup. « Je n’aime pas me montrer et je ne comprends rien au concept d’influenceurs. Ma popularité a commencé avec les gens de l’industrie qui ont dit “quelque chose arrive”, relate-t-elle. Je voulais vraiment une carrière à l’ancienne. Je voulais travailler avec un label qui te signe d’abord et ensuite tu travailles. Je regarde le public réagir à ma présence dans le paysage musical, petit à petit. Je vais chercher de nouveaux admirateurs un par un et je crois que c’est la seule manière d’envisager une carrière en musique sur le long terme. C’est exactement ça que je veux. »

Après la musique, produite avec le temps devant soi et les outils pour adoucir le parcours, la scène se présentera à La Zarra qui ne peut pas encore affirmer qu’elle est à l’aise avec le concept. « La musique, c’est tellement nouveau que je n’ai pas encore eu le temps d’apprivoiser la scène, dit-elle. En studio, tu peux te reprendre, dans un clip, tu peux te réchauffer, mais sur scène, tu ne peux pas mentir. On entre dans la création du spectacle et je réarrange mes chansons pour que ce soit plus organique, plus vivant. C’est le vrai défi qui commence. »

Même si elle compte promouvoir son album en France d’abord, elle est convaincue que l’engouement d’outre-mer pourra éventuellement être aussi fort au Québec. « Je suis Québécoise, mais je sais que le marché français est difficile donc je veux en profiter, mais au fond, je veux que les deux existent. J’aimerais aussi faire connaître mon album dans le nord de l’Afrique. Et… il y a le monde entier. »



« Je me suis lancée en musique à cause de problèmes de santé, confie Céleste Lévis, l’auteure-compositrice de 26 ans originaire de Timmins, en Ontario. J’ai eu une chirurgie au cerveau à l’âge de 14 ans parce qu’il appuyait sur ma colonne vertébrale. Aujourd’hui, ça ne va pas super bien. Je subis des traitements une fois par semaine (allers-retours à Toronto) pour enlever la douleur. Mes maux à la tête se rendent parfois jusqu’aux jambes. Les seuls moments où je ne ressens pas de douleur, c’est lorsque je chante sur l’adrénaline. Mais ce n’est pas le fun juste après. Et c’est pour ça que j’écris des chansons : pour avancer ! »

Celeste LevisSi tu veux tout savoir, son quatrième album qui vient de paraître ne s’encombre pas de l’inutile et aligne d’emblée huit chansons homogènes dans un format folk-rock de bon aloi. Un fagot ficelé pendant la pandémie avec son mari, le multi-instrumentiste Marc-Antoine Joly qui a réalisé les confidences de la chanteuse dans le studio aménagé dans le sous-sol du couple qui habite désormais à Ottawa.

« L’objectif, admet Lévis, était de s’approcher d’un rock indépendant, avec un son de drum plus assumé, des chansons plus pop, on voulait surtout un projet en band », elle qui est habituée aux duos.

Des chansons d’amour ? « J’aime rester vague là-dessus, ce n’est pas vraiment un disque sur les relations amoureuses, nous dit la nouvelle mariée. Elles témoignent des douze derniers mois sur le plan personnel, si tu veux tout savoir sur moi, faut les écouter ! »

Il ressort de ce travail peu commun une véritable personnalité, tous ses textes sont réunis par un fil conducteur, par une ambiance, un climat. « J’arrive en studio avec les mélodies, les accords et le texte. En pandémie, j’avais ce questionnement : est-ce que j’ai déjà tout dit, tout chanté ? J’avais cette crainte-là. »

Les guitares s’épousent pour le meilleur et en tirant la quintessence de sa voix de tête : « j’ai toujours eu une voix plus grave, j’ai compris cette fois-ci que c’est un instrument, je me suis poussé davantage avec des notes plus nuancées et des mélodies plus complexes. J’avais peur de cette voix de tête, maintenant je la découvre. » Même si l’on ne débusque pas de chansons révolutionnairement novatrices, on sent une influence majeure chez elle, le duo américain The Civil Wars et bien d’autres charmantes contradictions.

Elle habite dans Hochelaga-Maisonneuve en 2015, époque où elle est candidate à La Voix. Moisi Moé’ssi de Fred Fortin est l’une de ses interprétations, elle triture sa Gibson SG-200 avec minutie. « Même si ce n’était pas ma chanson, elle me représentait bien. J’avais déjà participé à des concours comme Ma Première Place des Arts (2013) et le Festival international de la chanson de Granby (révélée à Ontario Pop). Suite à La Voix, elle est signée chez Tandem musique : en première partie de Francis Cabrel, elle enfile dix-huit spectacles. Six chansons en vingt minutes chaque soir.

C’est difficile de chanter en français dans le nord de l’Ontario ? Et ce, nonobstant du legs musical de Robert Paquette ou du groupe Cano, par exemple ? « Contact ontarois, le pendant de Rideau au Québec, et le Gala Trille Or aux deux ans permettent une meilleure visibilité, le contexte est plus favorable qu’avant pour les auteurs et compositeurs de la province. J’ai aussi eu la chance d’enregistrer des sessions live au studio Madame Wood à Montréal en pleine pandémie pour propulser les chansons de mon album Donnes-moi le temps (2018). Je suis sereine de ce côté, les réseaux de communication et de promotion sont de plus en plus efficaces ».

« La petite communauté francophone se retrouve en Ontario, même à dix heures de route ! On est privilégié parce qu’on n’est pas un grand nombre d’artistes à y œuvrer, mais en contrepartie, il n’y a souvent qu’une salle par ville où l’on peut jouer et une fois que tu es passé, ça peut prendre 3-4 ans avant d’y revenir », déplore-t-elle.

Un album de Noël paru en 2020 et baptisé Noël Tout autour s’est glissé dans son écriture de chansons en temps de pandémie. Elle y reprend même Marie-Noël de Robert Charlebois. Avec des mots qui grimpent au ciel. Elle les présentera sur les routes de l’Ontario, avec un détour par Montréal.