En poste depuis quatre ans, la directrice générale de l’Adisq ne regrette pas d’avoir plongé dans des eaux incertaines. Ce qui l’a motivé ? Unir et rassembler.
Eve Paré nous reçoit dans les nouveaux locaux de l’Adisq situés sur la rue Saint-Denis, en plein cœur du Quartier latin. Son voisin de la porte à côté est le tout nouveau Centre national de musique canadienne et, directement en face, la nouvelle Maison de la chanson qui a établi ses quartiers dans l’ancienne Bibliothèque Nationale du Québec.
En plein tour du propriétaire, l’on apprécie les grands espaces lumineux et ses locaux entièrement rénovés qui occupent les quatre étages du vieil édifice. Au niveau du rez-de-chaussée, à l’arrière du bâtiment, un local multifonctions avec une petite scène encavée dans la brique favorisant les showcases donnant sur la Grande-Bibliothèque. C’est franchement bien aménagé. L’Adisq fait partie de ce regroupement d’organismes culturels situés dans ce que l’on appelle le pôle est du Quartier des spectacles et qui s’inscrit dans un réaménagement urbain d’un secteur qui a grandement besoin d’être revampé.
Du sang neuf
Inconnue de l’industrie de la musique, elle œuvrait, au moment de sa nomination, auprès de l’Association des hôteliers du Grand Montréal et de Tourisme Montréal. Et c’est sous une chaude recommandation du conseil d’administration de l’Adisq qu’on a courtisé l’économiste de formation. Regrouper, fédérer des membres, travailler avec des partenaires, c’est en plein ce que l’Adisq avait de besoin : une personne de terrain.
« J’aime les défis. Quand j’ai vu passer l’offre d’emploi à l’Adisq, j’ai dit ça y est, je fais le saut. C’est sûr qu’en 2021, en pleine pandémie, ce n’était pas une période facile pour l’industrie, je suis arrivée avec un mandat de continuité, mais aussi de changement, il fallait repenser notre façon de faire. »
« À mon arrivée, certains avaient des doléances envers l’Adisq, j’ai pris le temps de les écouter, de voir ce qui peut être amélioré. Avant d’établir une planification stratégique, il fallait faire un bon diagnostic. On a fait des entrevues, autant avec des détracteurs que des promoteurs de l’Adisq, nous œuvrons dans cet écosystème où tout le monde doit travailler avec tout le monde, c’est la première fois que je voyais ça. »
Investir dans le développement de carrière

Lorsqu’on aborde les dossiers politiques, Eve Paré applaudit toute forme d’aide gouvernementale au secteur musical : une somme de 48 millions vient d’être allouée sur trois ans lors du dernier budget fédéral. Radio-Canada a pour sa part annoncé un financement additionnel dans le milieu de la musique et, à l’approche des fêtes, où l’Adisq nous rappelle qu’offrir un spectacle en cadeau à Noël est une bonne idée, trois autres bonnes nouvelles sont tombées: le projet de loi 10 qui serre la vis aux revendeurs de billets et leurs pratiques malveillantes et les projets de loi 108 et 109, tout juste entérinés, reconnaissant la souveraineté culturelle du Québec et édictant la loi sur la découvrabilité sur les contenus culturels francophones dans l’environnement numérique.
Et pour Eve Paré, le renouvellement des publics est vital. L’Adisq à l’école, projet soutenu par la SOCAN, est sûrement l’une des plus belles façons de rejoindre les plus jeunes.
« L’Adisq, par définition, c’est tout l’écosystème qui gravite autour de l’artiste, explique la directrice. Il a fallu s’adapter. Moi, j’ai un regard très candide des choses. Je voulais r’virer toutes les pierres quitte à poser des questions niaiseuses, de me faire expliquer comment ça marche la musique. Le plus gros défi c’est de naviguer dans un univers où le soutien financier de l’État est si présent. C’était nouveau pour moi. »
Des partenaires, des enjeux
« Autant, je peux être en réunion le matin à négocier quelque chose en face à face avec un partenaire puis l’après-midi être de l’autre bord de la table à négocier autre chose. Cette espèce de configuration variable demande un peu d’agilité, tu ne peux pas te chicaner avec personne, parce que tu as besoin de tout le monde ! Et si l’on ne s’entend pas (elle donne en exemple les artistes ou les radios), essayons au moins de le faire dans le respect. »
Les géants du web et la redistribution des droits d’auteurs sont beaucoup au centre des préoccupations ces jours-ci. « C’est un rapport de force : d’un côté, des multinationales, de l’autre, notre écosystème musical québécois. On n’est pas de taille pour aller chercher une part du gâteau beaucoup plus grande. Négocier avec les plateformes n’est pas évident, mais sur le terrain, on essaie de travailler ensemble de bonne foi, même si, au niveau corporatif et devant le CRTC, nos positions sur la mise en valeur des musiques et les contributions financières demeurent opposées. »
On a bien essayé de lui soutirer ses préférences musicales chez les membres de l’Adisq, en bonne politicienne elle nous a répondu : « ils sont comme mes enfants, je les aime tous ! », se défile-t-elle en riant.
Par ailleurs, la quarantenaire originaire de Repentigny est une passionnée de plongée sous-marine ; c’est dans la piscine du CÉGEP de Rosemont que la piqûre s’est manifestée. Quand elle n’est pas au large des côtes d’Amérique centrale, c’est dans les eaux égyptiennes, un sanctuaire marin très prisé des amateurs. « J’y retourne pendant trois semaines durant la période des fêtes », conclut-elle.