Feeling like I can be anything I wanna be, but I know I’ll always be my greatest enemy. . . I’m trying to break out of this feeling like I’m in a casket/I can’t get past it, all of this madness. . . I don’t wanna feel this come down (librement : « Je me sens comme si je pouvais être ce que j’ai envie d’être, mais je sais aussi que je suis mon pire ennemi… J’essaie de me débarrasser de ce sentiment d’être dans un cercueil/Je n’arrive pas à surmonter toute cette folie… Je ne veux pas ressentir cette dépression ») — « Greatest Enemy », The Strumbellas

When you’re living in hell, you’ll try anything that helps you even if it hurts /
I welcome the pain / Won’t give up the chase / I’ll find my way back to myself / The only way out is through, the only thing I can do is find my way back to myself
(librement : « Quand tu vis en enfer, tu essaies tout ce qui semble t’aider même si ça te fait mal/ J’accueille la douleur/ Je n’arrêterai pas d’essayer/ Je vais retrouver mon chemin vers moi-même/ La seule façon de s’en sortir c’est de passer à travers, la seule chose que je peux faire c’est de retrouver mon chemin vers moi-même ») — « Back To Myself », Serena Ryder

La pandémie de coronavirus a frappé tous les membres de l’industrie de la musique très fort. Certains ont connu une dépression réactionnelle ou des épisodes d’anxiété, de tristesse ou de léthargie. D’autres, déjà diagnostiqués cliniquement, ont vu leurs symptômes aggravés par l’incertitude d’une crise sanitaire mondiale.

Le Fonds de bienfaisance Unison, l’organisme canadien de financement et de counselling d’urgence pour l’industrie de la musique, s’est mis en branle dès que la COVID-19 a interrompu les activités du secteur de la musique en direct en mars 2020 afin de s’assurer qu’il y avait suffisamment de fonds dans les coffres pour soutenir les milliers de personnes aux prises avec la perte immédiate de leur gagne-pain.

« En 2020, il y a eu une explosion des appels pour du counselling chez Morneau Shepell. C’était plus du double de ce qu’on a vu les années précédentes », explique Amanda Power, directrice générale d’Unison, en parlant du fournisseur de services de mieux-être RH désormais connu sous le nom de LifeWorks. « Cela dit, quand on regarde les chiffres pour 2021, le nombre de demandes de counselling a commencé à diminuer. On est rendu à un point où les choses semblent revenir là où elles étaient avant la pandémie. Je pense que les gens commencent à voir une lumière au bout du tunnel. »

Pendant la période estivale, Unison a également lancé Togetherall, une communauté virtuelle pair à pair en santé mentale offerte gratuitement et de manière anonyme, comme tous les autres services de l’organisme. « Le nombre de gens qui utilisent le service depuis son lancement en juin dernier est assez considérable », confirme Power.

FACTOR (Foundation to Assist Canadian Talent on Records), un organisme de financement du développement des artistes, a également une section sur son site Web consacrée aux ressources en matière de santé mentale avec des liens vers l’Association canadienne pour la santé mentale, Arts and Health Alliance, Over The Bridge et Unison. Quant au géant Bell Media – bien qu’il ait souvent été critiqué pour sa campagne d’un jour potentiellement « déclenchante » Bell Cause pour la cause – distribue des fonds tout au long de l’année à des organisations et à des causes liées à la santé mentale, conformément à son engagement de verser 155 M$ d’ici 2025.

Mais comment la pandémie a-t-elle affecté les musiciens qui ont déjà reçu un diagnostic clinique de trouble mental ? Serena Ryder et Simon Ward, le leader du groupe The Strumbellas, ont tous deux courageusement rendu publiques leurs difficultés et les ont évoquées dans des chansons. La SOCAN s’est donc entretenue avec eux afin de savoir comment ils ont géré la situation.

Les Strumbellas avaient reporté des dates de tournée au début de 2020 – juste avant que la pandémie mondiale n’interrompe la vie telle que nous la connaissions – mais ce n’est qu’en février 2021 à l’occasion de la sortie de « Greatest Enemy » que le groupe a publié un communiqué de presse pour en révéler la raison : « [Simon] Ward a réalisé que la dépression dont il souffrait depuis 15 ans n’était plus quelque chose qu’il pouvait gérer seul. Il a été hospitalisé et placé sous supervision médicale. »

« J’ai pris une pause de la vie en général, et le fait d’être dans une pandémie a rendu les choses plus difficiles, mais je suis quand même devenu un ermite », explique Ward à la SOCAN. « J’étais tellement magané que la COVID-19 ne m’a pas frappé aussi fort que d’autres. J’étais pas mal tout le temps seul chez moi, je n’avais pas vraiment de vie sociale. Je pense que le résultat aurait été pas mal le même. »

« Mes stratégies pour traverser le COVID pendant que je me tapais une dépression étaient de marcher beaucoup et de passer le plus de temps possible avec les enfants et ma femme. On jouait à des jeux de société, on soupait ensemble tous les soirs et j’essayais d’être le plus sociable possible. Je méditais beaucoup. J’ai fait beaucoup de thérapie. »

Du bon côté de la médaille, Ward ne ressentait pas la culpabilité qu’il aurait normalement ressentie après avoir annulé une tournée. « On n’aurait pas pu partir en tournée de toute façon à cause de la COVID, alors ç’a été un énorme soulagement pour moi », dit-il avant d’ajouter « je vais mieux, mais je ne te mentirai pas : je suis encore en plein dedans. Ça fait un an et, mon Dieu, un an et huit mois, et je suis encore aux prises avec cette dépression. Je n’ai jamais vécu un épisode aussi long. Je vais mieux pour certaines choses, mais y’en a d’autres qui n’ont pas changé. »

Quant à Ryder, elle se sent au sommet de sa forme et depuis plusieurs années, elle se sert de ses combats passés pour aider les autres à surmonter leurs problèmes de santé mentale.

Elle est d’ailleurs devenue porte-parole de Bell Cause pour la cause en 2015. Dans un segment de 20 minutes de l’émission W5 de CTV en 2017, Ryder s’est ouverte davantage sur l’annulation d’une tournée en 2010 qui a commencé par « une intense sensation de serrement dans la poitrine », de la fatigue et de l’anxiété, et qui s’est transformée en six mois débilitants pendant lesquels elle a été clouée au lit. On lui a diagnostiqué un trouble bipolaire et une profonde dépression. Elle est également devenue conférencière sur le bien-être mental et elle a remporté le prix Margaret Trudeau 2018 pour la défense de la santé mentale.

En mars 2021, Ryder a lancé son album intitulé The Art of Falling Apart qui raconte, chanson par chanson, son combat et son chemin vers la guérison. Aujourd’hui, elle se sent comme une toute nouvelle personne depuis qu’elle a pris des mesures importantes pour son propre bien-être. Elle était déjà préparée aux incertitudes de la vie lorsqu’elle a annulé une tournée il y a plus de dix ans, ou qu’elle a dû retarder des cycles album-tournée-album, autrement dit, la COVID ne l’a pas prise par surprise.

« Je n’ai pas vécu de gros hauts ou de creux vraiment creux depuis trois ans », confie-t-elle à la SOCAN. « Une grosse partie de ça vient du fait que j’ai choisi d’arrêter de boire de l’alcool. Ç’a vraiment changé ma vie ; en fait, tous les symptômes de problèmes de santé mentale que j’avais ont tout simplement disparu. C’est vraiment génial ! »

Soulignant que chaque personne est différente, Ryder explique que son propre régime de bien-être s’articule autour du yoga et de la respiration, en particulier le yoga Kundalini et les exercices de « souffle de feu », « toutes sortes de trucs pour bouger mon corps ». Elle explique que même danser pendant trois minutes peut aider.

« C’était la chose la plus importante pour moi en ce qui concerne le bien-être mental pendant la pandémie ; je savais que cela allait être une période très difficile pour beaucoup de gens », dit Ryder. « Des gens qui n’avaient jamais connu de problèmes de santé mentale auparavant commençaient à en avoir parce qu’il y avait tellement d’incertitude. Plein de gens ont commencé à vivre de l’anxiété, des crises de panique ou de la dépression. »

En compagnie de son agente, Sandy Pandya, Ryder a fondé une maison de disques, ArtHaus, et un programme de bien-être en ligne de quatre semaines appelé The Art of Wellness. Le programme lancé en octobre 2020 en est presque à sa 20e édition. Chaque séance de groupe Zoom de 90 minutes est animée par un conseiller différent – thérapeute ou médecin – et les participants peuvent choisir d’être filmés ou non, et sont libres de poser des questions. Elle appelle cela un espace sécuritaire pour guérir.

« Il s’agit de trouver votre propre boîte à outils », explique Ryder. « Chacun sait ce qu’il y a de mieux pour elle ou lui. Nous on est là pour vous aider à aller chercher ce que vous savez que vous avez besoin. » Ils proposent également des séances spécialisées pour les Noirs, les autochtones et les personnes de couleur, ainsi que pour les personnes LGBTQ2S+.

« Tout ça a été une expérience géniale pour moi à cause de tout ce que j’ai vécu avant », dit-elle. « J’ai pu être utile en matière de bien-être mental. Être quelqu’un qui peut être là et qui sait ce que c’est a vraiment été une partie très enrichissante de ce confinement pour moi. »