La première fois que j’ai vu Billianne sur scène, je n’avais encore jamais entendu parler d’elle. C’était dans le cadre d’un atelier au Mariposa Folk Festival en 2024. Sa voix puissante, la qualité de ses chansons et son aisance sur scène m’avaient laissé une forte impression. Je l’ai revue plus tard la même année, en première partie de Donovan Woods au Massey Hall et elle était encore plus impressionnante. Je croyais qu’elle jouait dans la mythique salle pour la première fois, mais c’était déjà sa troisième. Pas mal, pour une jeune femme de 23 ans ; clairement, elle avait plus d’atouts que bien des vedettes virales de sa génération, même si elle a aussi ce statut.
Qualifiée de « jeune Adele » par Rolling Stone, Billianne – nom de famille : Lowry – s’est imposée ces dernières années comme une des nouvelles voix à surveiller de la scène musicale. Originaire de Milton, en Ontario, elle a d’abord attiré l’attention du monde entier quand sa reprise du succès de Tina Turner, The Best, est devenue virale sur TikTok et ses publications sur la plateforme lui ont valu des éloges de Taylor Swift, P!nk et Oprah, entre autres. Elle cumule aujourd’hui plus de 100 millions de « streams ». Elle a été l’invitée de COLORS, du TODAY Show sur NBC, de l’émission The Kelly Clarkson Show, de CBS Saturday Morning, ainsi que de BBC Radio 1. Elle a aussi tourné intensivement au Canada, aux États-Unis, en Europe et au Royaume-Uni, et participé à des festivals internationaux comme Osheaga, The Great Escape, et bien d’autres.
Son premier album, Modes of Transportation, met en scène des protagonistes souvent en déplacement – autobus, métro ou train – mais aussi engagés dans des parcours intérieurs au gré de relations qui se nouent et se dénouent dans le continuum de leur vie et de leur époque. Comme le dit le refrain commun aux pièces d’ouverture et de clôture, Modes I et Modes II, « Everything is changing except for you » (« Tout change, sauf toi »). En 10 petites chansons — seulement trois dépassent les 3 min 30 s — Billianne explore l’extase des premiers émois à la douleur des ruptures amoureuses en passant par bien d’autres étapes du parcours sentimental, tout ça étant porté par des mélodies accrocheuses, des harmonies séduisantes, une production pop calibrée pour la radio et un fini soigné qui les rendent captivantes. Bien qu’on y trouve des ballades, des pièces folk et des touches de rock, Modes of Transportation offre avec Baby Blue, Crush, Wishlist et Memories certains des morceaux pop les plus irrésistibles — et probablement indémodables — de 2025, toutes artistes confondues… à l’exception peut-être de Taylor Swift.
Toutes les chansons de l’album ont été coécrites et coproduites en compagnie de Duncan Hood et Nick Ferraro. Mais comment cette trinité créative a-t-elle vu le jour? « Sony Music m’a un peu prise sous son aile », raconte une Billianne souriante et enthousiaste. « Ils m’ont reçue dans leur grande salle de conférence — je devais avoir 19 ans, j’étais super nerveuse », dit-elle en riant. « Mais ils ont été adorables, et ils m’ont mis en contact avec Duncan et Nick. C’était ma toute première séance d’écriture en personne… Je les ai rencontrés au centre-ville de Toronto, et comme je venais de Milton, j’étais assez nerveuse à l’idée de les rencontrer et d’apprendre à écrire une chanson à plusieurs ; je n’avais jamais fait ça avant. »
« J’ai trouvé ça super facile de leur faire confiance. Genre, immédiatement. »
L’écriture en équipe nécessite beaucoup de confiance, car les personnes autour de la table doivent se sentir assez à l’aise s’ouvrir et partager des réflexions intimes qui sont presque toujours au cœur d’une bonne chanson. Heureusement pour Billianne, le courant est passé tout de suite avec Hood et Ferraro. « J’ai trouvé ça super facile de leur faire confiance, » dit-elle. « Genre, immédiatement. Je n’ai jamais eu l’impression que c’était quelque chose que je devais apprendre avec eux. Je me suis toujours sentie libre de tout leur dire, on pouvait écrire sur n’importe quoi. Ils se retrouvaient dans ce que je vivais, même s’ils ont dix ans de plus que moi… On écrivait avec une telle fluidité… Ce sont comme des grands frères pour moi. »
Le processus de collaboration du trio englobe tous les aspects d’une chanson : paroles, structure des accords, lignes mélodiques, harmonies, choix des instruments, style de production et sonorités. « La plupart du temps, un de nous trois enregistre ce qui se passe dans un mémo vocal », explique Billianne. « Une fois qu’on a terminé les paroles et qu’on a une bonne idée de la mélodie, on commence à créer un démo… Habituellement, la dernière heure ou deux d’une séance d’écriture est consacré à l’enregistrement de ce démo, c’est mieux de ne pas attendre. En plus, c’est mieux pour les oreilles de l’industrie musicale – pour qu’ils entendent la démo, sachent à quel moment tel instrument entre, tout ça. Ça représente mieux ce qu’on fait. Et puis d’autres fois, on ne fait pas de démo avant l’enregistrement, par exemple si c’est une chanson plus acoustique, juste piano et voix, alors on se contente de l’enregistrement iPhone. »
« J’ai mis un certain temps à me considérer comme coproductrice », raconte-t-elle. « Je pense que le mot “producteur” est utilisé à toutes les sauces. Je rencontre plein de producteurs, mais ils font tous des choses différentes. Nick, par exemple, joue plein d’instruments sur l’album, mais ce n’est pas lui qui est devant l’ordi, en général. Il est crédité comme producteur – il prend des décisions, il fait des choix. Duncan, lui, est à l’ordi, et il prend aussi des décisions. Et là, je me suis dit : “Mais en fait, moi aussi je fais des choix musicaux, donc je pense que je suis productrice” » dit-elle en riant. « Et les gars étaient genre : “Ben oui, évidemment.” »
Les chansons pop de Modes of Transportation sont courtes, percutantes, et vont droit au but : couplet, refrain, puis souvent un pont vocal dès le deuxième couplet, avant de revenir au refrain. « On pense toujours à l’arc narratif d’une chanson, » explique Billianne. « On veut faire voyager l’auditeur. C’est comme un “set” musical complet, ou une liste de lecture bien construite : il faut des hauts et des bas, et c’est pour ça qu’on aime bien insérer une petite pause vocale. On adore superposer des voix ; ça nous permet de changer l’ambiance un instant, de rafraîchir l’oreille, et de préparer l’auditeur à réentendre ce qu’on lui a déjà présenté. »
En juillet 2025, son ancien compagnon de tournée Donovan Woods déclarait au Globe and Mail : « La puissance de sa voix est exactement ce que l’industrie cherche constamment. Ce qu’elle possède, c’est un vrai lingot d’or dans le monde de la pop. » Grâce à sa voix exceptionnelle, à son talent d’écriture maîtrisé et à sa présence scénique électrisante, Billianne peut sans doute devenir aussi célèbre qu’elle le souhaite. Reste à savoir : jusqu’où souhaite-t-elle aller?
« C’est bizarre pour moi de m’imaginer dire que je veux être célèbre… C’est presque, je sais pas, superficiel ou quelque chose comme ça », confie-t-elle. « Ce que je veux, c’est pouvoir partir en tournée, remplir des salles… Jouer sur scène, c’est un pur bonheur pour moi, c’est une de mes choses préférées au monde. Je veux jouer à guichets fermés, alors peu importe ce qu’il faut – peu importe le degré de notoriété que ça demande pour remplir de grandes salles – c’est ça que je veux faire. » Mais alors, quel genre de salle veut-elle remplir? « Ça, je le sais pas encore, » répond-elle.