Exco Levi a remporté cinq prix JUNO pour le meilleur enregistrement reggae au cours des six dernières années, une réussite enviable s’il en est, pourtant, il n’est pas encore très connu du grand public. Et personne ne trime plus dur pour que cela change qu’Exco Levi lui-même.
« Il nous faut comprendre la vie et réaliser que celle-ci, en soi, est un défi », de dire M. Levi, né Wayne Levy dans la petite bourgade de Harmons, dans la paroisse jamaïcaine de Manchester. Dans ses chansons, il est généralement positif, même lorsqu’il doit affronter des réalités plutôt dures. « Rien n’est facile, il faut toujours trimer dur… Être un musicien reggae au Canada est un combat de tous les instants… Mais malgré tout, il est possible de projeter une énergie positive. »

Cette attitude optimiste vient tout naturellement à Levi. Il est arrivé dans le monde de la musique par le biais du gospel, alors qu’il chantait des hymnes dans une chorale et, désormais, en tant que Rastaman, il chante des chansons reggae le plus souvent ancrées dans le commentaire social et les questions spirituelles ou philosophiques, comme en font foi quelques-unes de ses chansons comme « Bleaching Shop » (2012), « Storms of Life » (2013), « Strive » (2014), « Welcome to the King » (2015) et « Siren » (2017).

Son nouvel album, Narrative, suit le même parcours constructif et propose des pièces allant du melliflu « lovers’ rock » de la pièce « Feel Like Dancing » au « roots » engagé de « Old Capital » en passant par l’hymne antiguerre « Frontline Soldier ». « Burn » — mettant en vedette la vedette du reggae Sizzla — n’est pas sans rappeler « Burnin’ and Lootin’ » de Bob Marley, tandis que le refrain de « Don’t Cry » cite sa célèbre « No Woman No Cry », et que « Maga Dawg » évoque la pièce du même nom de Peter Tosh. Mais si vous tentez de convaincre Levi qu’il est l’héritier naturel de ces pionniers, il refusera promptement le compliment.

« J’en fais partie », dit-il. « Je ne veux pas dire moi seulement, car ce serait égocentrique. Le reggae n’est pas une musique égocentrique, c’est un mouvement populaire. Il y a tant d’artistes encore aujourd’hui qui portent le flambeau de Bob Marley et Peter Tosh. Ils ont tracé le chemin pour nous et nous ne sommes que les messagers de leurs paroles, de leur époque à la nôtre. »

De même, si vous avancez que Levi — qui a joué partout à travers l’Europe, à Dubai, au Zimbabwe, au Malawi et j’en passe — est un des grands ambassadeurs du reggae, il s’empressera de partager ce titre avec d’autres.

« Je ne suis pas seul », dit l’homme qui réside à Brampton, en banlieue de Toronto. « Je suis reconnaissant d’avoir eu la chance de pouvoir jouer dans toutes ces régions du monde… et il y a tant d’artistes reggae qui ne sont pas de la Jamaïque : Alpha Blondy [Afrique du Sud], Gentleman [Allemagne], Alborosie [Italie]. Il y a des artistes qui gardent cette majestueuse vibration spirituelle en vie partout à travers le monde. C’est un réel honneur pour moi de faire partie de ça. »

Quant à son talent d’auteur-compositeur, Levi souligne que son travail est en très grande partie purement instinctif et c’est souvent la cadence du rythme – ou du « riddim » en patois jamaïcain – qui dicte la direction d’une pièce.

« Parfois, lorsqu’on entend un “riddim”, il contient automatiquement son propre message. »

« Nous participerons bientôt à un projet et ils nous ont demandé des partitions », explique l’artiste. « Le reggae c’est une musique qui se joue au feel… Je peux affirmer que 75 pour cent des musiciens de la Jamaïque n’ont jamais une partition. On joue au feel, on joue nos émotions. C’est ce qui rend le reggae différent. »

« Parfois, lorsqu’on entend un “riddim”, il contient automatiquement son propre message. Par exemple, lorsque j’ai entendu le “riddim” de “Feel Like Dancing”, il me l’a dit… Pareil pour “Maga Dawg”, j’ai entendu son “riddim”, et il m’a dit ce dont il avait besoin… Puis, pour la strophe suivante, c’est votre tour de dire au “riddim” ce qu’il doit faire. »

Levi se laisse porter par ses « riddims » aussi loin que ceux-ci le veulent, car il est aussi travaillant qu’il est à la fois humble et ambitieux. Au moment d’écrire ces lignes, il tente d’obtenir une prestation télévisée dans le cadre des JUNOs, l’un de ses objectifs pour 2018.

« Rien de ce qui arrive à Exco Levi dans le monde de la musique ne me surprend », dit-il. « Toute ma vie est comme un déjà vu. Depuis ma tendre enfance, je vois tout ce qui va m’arriver. Tous mes JUNOs, je les voyais lorsque j’étais enfant, en Jamaïque. Je voyais de grandes choses. »

« En vérité, peu importe votre objectif, si vous ne le voyez pas ici », dit-il en pointant sa tête, « vous ne le verrez pas dans le monde physique. Il faut le voir et travailler pour y arriver. »