Cory Crossman

Cory Crossman

Qu’entend-on vraiment par « Ville de la musique » ? Nashville porte le titre officiel de « Music City » et le mérite absolument avec son Grand Ole Opry et une riche histoire musicale garnie d’une liste apparemment inépuisable de chansons à succès, d’albums précurseurs et de salles emblématiques comme le Ryman Auditorium (baptisé « l’église mère de la musique country »).

Récemment, un nombre grandissant de villes nord-américaines ont attaché la désignation de Ville de la musique à leurs efforts de marketing et de développement touristique en reconnaissance des impacts économiques, sociaux et culturels de la musique sur la collectivité. La formalisation de ces efforts passe parfois par la création d’un bureau municipal de la musique servant de liaison entre les bureaucrates et l’industrie. En Ontario, la ville de London suit les pas des villes pionnières de Toronto et de Hamilton sur cette voie.

Au cours des dernières années, la ville de London a défini une stratégie et engagé un agent de développement de l’industrie musicale, Cory Crossman, dont les principales responsabilités consistent à tisser des liens entre l’industrie de la musique et l’hôtel de ville, à éduquer la population et à se faire le défenseur de l’industrie musicale locale.

« Il ne s’agit pas uniquement des musiciens, mais de l’industrie musicale et de chacun de ses éléments… tous les emplois du secteur de la musique », explique M. Crossman. « Je compare le secteur musical de notre ville à un iceberg : on en aperçoit une partie au-dessus de l’eau — les artistes — mais il y a des douzaines de gens en coulisse et loin des projecteurs. Pour construire une ville de la musique, il vous faut tous ces éléments. »

L’acronyme anglais FUEL (Foster, Unite, Engage, Liven) résume les quatre grands objectifs du London Music Office :

  • Favoriser l’éducation et l’incubation musicale
  • Unifier l’industrie de la musique
  • Impliquer les musiciens et les artistes
  • Animer les événements et les lieux de spectacles.

Selon M. Crossman, l’un des premiers succès du bureau de la musique a été la création du Music City Exchange, un programme qui permet aux artistes de London de se produire dans le cadre d’événements phares à Toronto et à Hamilton ; il aide également les artistes de ces deux marchés parents à se produire dans la Ville forestière (London). En septembre 2016, London accueillait pour la première fois les Canadian Country Music Awards (CCMA), gala qui a rapporté des revenus de plus de 8,4 millions $ à la ville. Ceci etait dirigé par Tourism London, mais Le London Music Office a aussi organisé et animé deux autres événements couronnés de succès : le Bootcamp de Canada’s Music Incubator (Coalition Music) et la toute première journée carrière musicale à être organisée dans la ville. Planifié pour 100 participants, ce dernier événement a attiré 190 inscriptions, et les sujets qui y ont été abordés incluaient l’écriture de chansons, la réalisation, la synchronisation musicale, l’édition, les redevances, le radiorepérage, la promotion musicale, la gestion de lieu de spectacles, les réseaux sociaux, les relations publiques, le développement de l’industrie et l’incubation.

En coulisse, le London Music Office s’affaire à proposer des modifications aux règlements municipaux régissant l’utilisation de musique amplifiée ou en direct sur les terrasses. M. Crossman espère qu’un nouveau règlement plus favorable aux artistes sera en place au moment où les terrasses recommenceront à accueillir des clients en 2018.

London : Ville musicale en chiffres (2015)

  • 7 millions $ : montant global des redevances remises par la SOCAN aux artistes de London — soit 1 144 créateurs de musique et 59 éditeurs musicaux
  • 53 lieux de spectacles
  • 875 étudiants en musique dans les écoles postsecondaires de London
  • 4 520 événements musicaux en direct présentés dans la ville.

Pour vraiment comprendre un secteur ou une industrie, il faut commencer par comprendre les ressorts démographiques de sa croissance. En 2016, la ville de London organisait une enquête (London Music Census) pour l’année civile 2015. Sur une période de six semaines, 1 536 questionnaires ont été remplis. L’initiative visait notamment à identifier les barrières à la musique qui existaient dans la ville afin de permettre au London Music Office de dégager des pistes de solution.

En gros, les résultats de l’enquête indiquent que la majorité (45 %) des musiciens de London sont âgés de 20 à 34 ans. La plupart d’entre eux (89,5 %) jouent de la musique populaire – R&B, roots, country, rock, pop, alternative, jazz, folk, EDM, indie, punk ou metal. La majorité des musiciens (83 %) sont des hommes. Les musiciens et musiciennes de la Ville forestière forment une population jeune et émergente. Une des constatations clés de l’enquête est que les entreprises musicales de London ne recourent pas aux subventions. Il y a plusieurs explications, mais un thème commun émerge : les entreprises de London ne profitent pas des subventions soit parce qu’elles n’ont pas le temps de faire de demandes, soit parce qu’elles n’ont obtenu que peu de succès par le passé.

Poesy

Poesy (Photo: Chelsea Brimstin)

La membre SOCAN Poesy (alias Sarah Botelho) est une des étoiles montantes de London. Elle a commencé à faire de la musique dans cette ville il y a environ trois ans et dit avoir observé dès le départ la diversité et la solidarité de la scène musicale locale.

« Plus London devient une ville de la musique, plus les liens se resserrent entre les diverses communautés musicales », observe-t-elle. « L’endroit est dynamique sur le plan musical parce que London est une ville qui ressemble essentiellement à un gros village. Il est possible de se produire dans toutes les salles de spectacles de London et de finir par connaître tout le monde dans le métier : ingénieurs du son, agents de réservations, propriétaires de club, musiciens, etc. Les rapports sont beaucoup plus personnels que ceux dont j’ai fait l’expérience dans d’autres villes de la musique. »

Poesy ajoute que le bureau de la musique a aidé London à devenir une ville de la musique d’une autre manière encore : en aidant les nouveaux talents à s’établir.

« Personne ne savait qui j’étais ni n’avait encore entendu ma musique avant que je commence à profiter des opportunités présentées par le London Music Office », se souvient-elle. « Ma participation à l’événement Canada 150 Sesquifest de London [une initiative du London Music Office] m’a vraiment aidée à me faire connaître… l’appui de la ville où vous vivez est un énorme encouragement. »

Chad Price, un auteur-compositeur-interprète de London, abonde dans le même sens. Il trouve que la scène musicale de London est en excellente santé et « regorge de talent » dans une multiplicité de genres.

« Il se passe décidément quelque chose de bien ici en ce moment, et je suis fier de contribuer à ce mouvement », affirme Chad Price. « Ce que London a de si spécial et de si dynamique, c’est qu’une vraie communauté musicale est en train de s’y former. Comme artistes, nous faisons l’impossible pour nous aider mutuellement à réussir au lieu de ne penser qu’à nous-mêmes. Je tiens autant à la réussite d’attractions comme Texas King, Poesy, Ivory Hours, Jessica Allosery ou Genevieve Fisher qu’à mon propre succès. Nous nous épaulons mutuellement, et c’est agréable de pouvoir compter sur un organisme d’appui et de défense de la musique locale comme le London Music Office. »

Chad Price

Chad Price (Photo: Craig Chambers)

Chad Price ajoute que le soutien municipal donne plus de vie et une plus grande confiance à la scène musicale de London. Il explique que, comme auteur-compositeur, ce soutien l’a personnellement aidé à mieux faire connaître sa musique. « J’ai reçu cette année une subvention du London Arts Council dans le cadre du programme communautaire d’investissement dans les arts, et j’ai utilisé ce financement pour créer une série de vidéoclips pour sensibiliser le public non seulement à ma musique, mais en même temps aux sites culturels et historiques importants de la ville. »

Les lieux de spectacles jouent un rôle clé dans le soutien et l’incubation de la scène musicale. Avec ses 53 lieux de spectacles, qui vont des grands arénas (Budweiser Gardens) aux salles comptant plus ou moins de places (The London Music Club, Call the Office, Aeolian Hall), la scène musicale de London est richement servie.

Pour la suite des choses, de nombreuses initiatives emballantes se préparent à London sous la direction de l’équipe de Cory Crossman et avec la participation de partenaires comme le London Arts Council, le Culture Office de la ville et Tourism London. La London Music Strategy, dont M. Crossman a hérité, vise à promouvoir la culture en en faisant un élément essentiel de la croissance économique et de la qualité de vie tel qu’identifié dans le plan stratégique 2015-2019 et le plan de prospérité culturelle de la Ville de London.

« Quand j’étais au secondaire, ma conseillère d’orientation m’a demandé quel métier je me proposais d’exercer plus tard », raconte M. Crossman. « J’avais seize ans, et je lui ai dit que j’aimais le hockey et la musique. Elle a répondu : “Il n’y a pas de carrière dans ces domaines, il faut chercher ailleurs !” Je me suis toujours rappelé cette conversation. Ce que nous essayons de faire, c’est de montrer qu’il y a mille et une opportunités de s’impliquer dans l’industrie musicale, et puis de faire passer chez les étudiants et dans le public le message que ces opportunités existent pour de vrai. »