Comme bon nombre de ses pairs, le compositeur à l’image primé Antonio Naranjo a commencé sa carrière comme auteur-compositeur dans un groupe. En tant que membre de Boys Who Say No – plus tard rebaptisé Future Peers –, Naranjo est diplômé de la Banff School of Fine Arts et du Slaight Family Music Lab du Canadian Film Centre. La petite histoire veut que le groupe ait tiré son nom de la chanson antiguerre de Joan Baez de 1968 « Girls Say Yes to Boys Who Say No » – personne n’a compris la référence –, mais en 2019, alors que Naranjo avait 33 ans, il a jugé que la vie de groupe avait « fait son temps ». Depuis, il compose pour le cinéma et la télévision, mais à ses yeux, le travail de création musicale n’a pas vraiment changé.

Écrire pour lui-même et écrire de la musique sur mesure pour l’écran « fonctionne un peu de la même façon », dit-il. « Quand tu fais quelque chose pour un film, c’est un peu comme être un chef cuisinier sur commande. J’aborde mes projets comme si c’étaient des casse-têtes. Souvent, tu essaies d’évoquer cette émotion ou de te cantonner à ce genre de musique. Tu peux te rabattre sur les outils que tu as accumulés au fil du temps pour accomplir ton travail. »

« Au début, c’est moins personnel et c’est plus comme une tâche. Quand tu écris de la musique pour un film, les gens savent souvent ce qu’ils veulent, alors tu as un objectif assez clair et qui n’est pas nécessairement dans ta propre voix. Ton but, c’est d’essayer de satisfaire le style ou l’émotion que cette personne recherche. Mais dès que tu commences à travailler, ça finit toujours par t’appartenir. C’est régurgité de l’autre côté d’une manière totalement différente de ce que quiconque avait prévu. C’est assez dôle. T’essaies de faire entrer la musique dans une boîte, mais le simple fait de mettre en place ce processus débouche toujours sur quelque chose d’unique. »

Joint au téléphone depuis sa maison de Toronto – où il est né et a grandi –, Naranjo nous explique qu’il vient de terminer sa sixième trame sonore Hallmark Movies & Mysteries (y compris Love in Harmony Valleyet Christmas with a Prince: Becoming Royal). En février dernier, il a terminé son travail pour la troisième et dernière saison de Detention Adventure, une série de CBC Gem. Passer d’un environnement de travail en groupe à un en solo a été très formateur.

« C’était une situation du genre “l’herbe est toujours plus verte”. Travailler en groupe signifie qu’il faut faire certains sacrifices. Quand j’ai commencé à travailler pour le cinéma, je faisais tout le travail seul. Au début, j’étais aux anges d’avoir un résultat qui était à 100 % mon identité musicale. Sauf que composer et travailler pour ce médium peut être assez solitaire. Après un certain temps, je m’ennuyais de la nature collaborative de faire partie d’un groupe. Plus je réalisais de projets, surtout durant la dernière saison de Detention Adventure, plus je contactais d’autres créateurs pour collaborer avec eux. Il y a quelque chose de magique quand on travaille avec d’autres gens », confie le compositeur.

Il fait référence au fait que, contrairement aux deux précédentes, la dernière saison de Detention Adventure  comportait plus d’interludes musicaux et notamment des chansons dont les paroles sont adaptées à des scènes spécifiques. Bien que Naranjo ait écrit la musique et joué tous les instruments de la série, il a reçu l’aide de sa compagne, Carla Sutton, une travailleuse de la santé mentale, pour certaines mélodies et les paroles (ainsi que les voix pour les démos), bien que Naranjo l’ait encouragée à explorer davantage ses talents musicaux.

Comme la plupart des auteurs-compositeurs, Naranjo n’est jamais entièrement satisfait de son travail. « Il y a cette notion que j’appelle la “divine insatisfaction”. Je pense qu’on peut parler d’y “arriver” en termes de degrés. Règle générale, j’arrive à atteindre mon objectif, la majorité du temps, donc mon taux de réussite est assez élevé. Mais j’ai quand même l’impression que ce n’est jamais assez et c’est ce qui rend le métier d’artiste si attirant. C’est comme pourchasser un dragon. Tu n’es jamais entièrement satisfait. Ça te pousse à te surpasser », conclut Naranjo.

“À la prochaine”: des adieux déchirants

Le co-créateur et réalisateur de Detention Adventure, Joe Kicak, a lancé un sérieux défi à Naranjo pour le dernier épisode de l’émission. Il voulait une chanson qu’il pourrait dédier à sa défunte mère, qui aborderait le sujet de la perte et du passage à autre chose, ce qui était le thème de la finale. Kicak voulait qu’il inclue la phrase « à la prochaine », qui était l’adieu typique de sa mère, au lieu de « au revoir ». Il a ajouté une simple instruction : la chanson devait le faire pleurer. Ni l’un ni l’autre n’était satisfait des premiers essais, mais pendant qu’il peaufinait chaque itération, la mère de Naranjo est également décédée. C’est peut-être la clé qu’il fallait pour aboutir à un morceau de beauté déchirante appelé, de manière appropriée, « See You Later ». Les versions antérieures comprenaient un ensemble complet d’instruments, mais le résultat final est dépouillé et basé sur le piano. « Ce n’était pas aussi poignant, c’était plus chargé, et puis j’ai laissé le piano prendre le dessus », dit Naranjo. « Je pense qu’il y a quelque chose de plus beau à avoir plus d’espace ». Le résultat final a satisfait toutes les exigences de Kicak.