Il y a soixante-quinze ans, le Canada agissait encore comme une colonie. En 1950, l’idée même de « culture canadienne » était perçue comme inappropriée. Tout cela allait changer en l’espace d’un an. En 1951, Vincent Massey présentait le rapport de sa commission fédérale, dans lequel il expliquait comment et pourquoi les Canadiens devaient célébrer les artistes d’ici. Ce rapport est aujourd’hui considéré comme un document fondateur qui a mené à la création du Conseil des arts du Canada et de nombreuses institutions culturelles dont nous profitons encore aujourd’hui.

Holly Nimmons
Parallèlement, des vents de changement soufflaient au sein de la communauté de musique classique. La même année, un groupe de huit compositeurs canadiens fondait la Ligue canadienne des compositeurs (LCC), afin de revendiquer la présentation d’œuvres canadiennes contemporaines par les orchestres symphoniques du pays. L’organisme offrait aussi un soutien à un groupe restreint et marginalisé, dont les préoccupations différaient de celles des auteurs-compositeurs alors représentés par les prédécesseurs de la SOCAN, la CAPAC (fondée en 1925) et la PROCAN (fondée en 1940).
Au cours de ses quinze premières années, la LCC a organisé avec succès une série de concerts à Toronto, Montréal, Vancouver et dans d’autres villes, offrant enfin aux œuvres canadiennes contemporaines la vitrine qu’elles méritaient. En 1966, de nombreuses organisations régionales étaient prêtes à reprendre le flambeau, à mesure que le Canada s’ouvrait davantage aux formes classiques contemporaines — et à l’idée que ses propres compositeurs méritaient d’être célébrés.
À partir de là, la mission de la LCC a évolué. Elle a contribué à la création du Centre de musique canadienne en 1959, qui a offert un foyer à une bibliothèque d’œuvres canadiennes contemporaines, en plus de servir d’organisme administratif pour la gestion des droits d’auteur de ses membres. La LCC entretient toujours une relation indépendante avec le Centre, agissant comme son bras plus politique : elle milite pour les droits des compositeurs, une rémunération équitable, la diffusion à la radio et l’étude de leurs œuvres en milieu universitaire.
« Beaucoup d’éléments porteurs d’avenir ont été mis en place ». —August Murphy-King
« La collaboration est vraiment essentielle, » affirme Holly Nimmons, directrice générale du Centre de musique canadienne (CMC) et fille de Phil Nimmons, cofondateur de la LCC. Elle fait référence à un groupe de travail réunissant les deux organisations ainsi que la SOCAN, qui se rencontre régulièrement. « Cela nous permet de cerner les enjeux communs que nous pouvons soutenir ensemble par le biais du marketing et des communications. » Pendant des années, à l’instar du Centre, la principale source de financement de la LCC a été la Fondation SOCAN, qui soutient aussi financièrement des organismes comme la Guilde des compositeurs canadiens de musique à l’image et la Communauté électroacoustique canadienne.

August Murphy-King
Le directeur général actuel de la LCC, August Murphy-King, explique : « Quand j’ai pris la relève en 2022… nous avons communiqué avec [la chef de la direction de la SOCAN] Jenn [Brown] et [le président du Conseil de la SOCAN] Marc Ouellette, et leur réponse a été : “Commençons à bâtir une relation” », et depuis, les choses se sont nettement améliorées, affirme-t-il. « Beaucoup d’éléments porteurs d’avenir ont été mis en place. »
La mission générale de la LCC – faire rayonner la musique canadienne – est un objectif qu’elle partage avec la SOCAN, et il a été couronné de succès : de nombreux compositeurs canadiens jouissent aujourd’hui d’une solide réputation en Europe, aux États-Unis et en Asie. « Beaucoup de membres du conseil d’administration de la SOCAN, même s’ils ne sont pas compositeurs de musique classique, ont une formation dans ce domaine, » explique Murphy-King. « Ils respectent, comprennent, connaissent et aiment la musique classique. Ils tiennent vraiment à ce que nous fassions partie de leur écosystème. »
La mission centrale de la SOCAN comme de la LCC est, bien entendu, de soutenir les créateurs et de défendre leurs intérêts : tous les auteurs-compositeurs, quels qu’ils soient, sont dans le même bateau.
« Notre plus grande victoire a été d’aider les compositeurs à être rémunérés équitablement, » affirme Murphy-King. « Surtout les jeunes compositeurs, quand ils commencent et remplissent une demande de subvention. Ils n’ont aucune idée de la façon de s’assurer qu’ils seront payés comme il faut. Les arts, c’est un des milieux les plus propices à l’exploitation. C’est très facile de convaincre des jeunes artistes désespérés de faire les choses gratuitement et nous sommes là pour veiller à ce que ça n’arrive pas. »