Pour son troisième album, Geneviève Toupin adopte le sobriquet Willows. Nom de scène, mais aussi de projet. Si le mot fait référence à l’arbre (le saule), il évoque également (et surtout) une ville sur la Côte Ouest de la Californie de même qu’un village fantôme dans les plaines de l’Ouest canadien. « J’aimais beaucoup le parallèle entre ces deux endroits qui sont présents dans les textes de l’album, » avance la longiligne brunette aux yeux bleus perçants. « Et j’aimais le mot, tout simplement. Ça me permettait d’aborder à la fois mes racines anglophones et métis, mais aussi franco-manitobaines. Il y a quelque chose d’imagé dans ce mot. Puis, j’aimais cette idée de mettre de l’avant une identité musicale et visuelle. »

Un long chemin

Coréalisé avec la chanteuse et guitariste Émilie Proulx, son « âme sœur musicale » qui l’accompagne sur scène depuis 2009, cet opus folk homonyme à la fois personnel et lumineux recèle de délicats arrangements et devait initialement voir le jour l’an dernier avec une toute autre équipe. « J’ai fait un long chemin. Il y a tellement eu de détours avant d’arriver au résultat final. J’ai quitté ma maison de disques en 2013, puis fait des tests avec quelques réalisateurs, mais je n’étais pas prête. J’ai composé une trentaine de morceaux et j’ai tout jeté à la poubelle. Lorsque j’ai découvert que ça fittait au boutte avec Émilie, je savais qu’elle était la bonne personne pour réaliser avec moi. À partir de ce moment, tout est allé très vite, » raconte Toupin, installée à Montréal depuis 2003.

En tendant l’oreille aux 11 pièces du compact, on découvre que les lieux semblent définitivement avoir eu un impact considérable sur la jeune femme. Elle explique : « En mode création pour ce disque, j’ai découvert à quel point j’étais habitée par les paysages, les plaines, les grands espaces, le ciel ouvert. J’ai débuté la période de création en Californie et je l’ai terminée à Montréal. Puis, le fait d’avoir grandi dans un petit village, dans la campagne du sud-ouest manitobain m’a aussi marquée. Je pense que ce lien avec la nature et les espaces m’est rentré dedans quand j’étais petite. C’est devenu un élément qui influence mon écriture et qui me touche encore aujourd’hui. C’est profondément ancré en moi. »

Héritage culturel

Si Geneviève a grandi dans une famille où l’on parlait français, adolescente, elle se gave de musique anglophone et doit se tailler une place dans un environnement majoritairement anglo. Pour ce nouveau projet, la dame a modifié sa façon de travailler afin d’assumer pleinement cette dualité culturelle. « Au début du mode création pour ce disque, je venais de faire un album en anglais (The Ocean Pictures Project) et je n’étais plus capable d’écrire en français. Pour débloquer, il a fallu que j’accepte cette dualité et que je me permette d’écrire comme je parle. C’est-à-dire mélanger les deux langues. Les premières chansons que j’ai écrites furent “Valley of Fire”, “Bill Murray” et “Stardust Motel. ” Les trois qui renferment le plus de mots en anglais. Je me suis permis d’écrire comme ça se passait dans ma tête. »

Malgré ses racines métis et cette dualité qui a toujours marqué son parcours, Geneviève n’a pas l’impression de faire bande à part. La jeune femme se considère membre à part entière d’une nouvelle communauté de jeunes auteurs-compositeurs-interprètes. Elle précise : « À Montréal, mais aussi dans la francophonie canadienne. Je me sens chanceuse de faire partie de ces deux scènes là et d’avoir beaucoup d’amis artistes qui m’inspirent au quotidien. Ça c’est vraiment précieux. »

Faire confiance à la magie

C’est suite à l’expérience concluante du projet de websérie La Tournée des cafés (nominée à l’ADISQ en 2012) que la trentenaire a développé un goût pour les collaborations. Résultat : une dizaine de musiciens et de compositeurs se sont greffés au projet Willows dont André Papanicolaou (Monsieur Mono) et Marianne Houle (Monogrenade). Tout de même, une question s’impose : comment sélectionner les gens avec qui on veut travailler lorsque notre univers musical est si intime, feutré et délicat? « Je choisis toujours des collaborateurs qui ont une sensibilité semblable à la mienne. Comme l’univers de Sébastien Lacombe qui me rejoint totalement. Je veux m’entourer de gens qui comprennent naturellement ce type d’écriture. Il faut faire confiance à la magie du moment. J’ai vu qu’il pouvait y avoir une chimie qui s’installe entre les artistes et qu’il fallait faire confiance à ça aussi. »

Après trois semaines en France, et la tournée Coup de cœur francophone en 2014, elle souhaite maintenant poursuivre sa série de spectacles au Québec ainsi qu’à travers le Canada (Vancouver, l’Ontario et la Saskatchewan sont notamment à l’agenda en 2015), en plus d’accompagner Chloé Lacasse dans son projet musical. Bref, peu de moments de répit pour l’artiste franco-manitobaine. Elle conclut : « Tu sais, j’ai la chance de voyager. Juste ça c’est immense. Je ne changerais pas de place avec personne! »

Tourner la page
« Quand j’avais 19 ans, j’ai fait un voyage en France. J’étudiais en sciences à l’université et je pensais me diriger en médecine, mais j’ai pris une année off. J’avais d’excellents résultats, mais je m’ennuyais de la musique, alors je suis allée travailler à Paris. J’ai décidé qu’à mon retour chez moi, au Manitoba, j’allais tout faire pour faire carrière avec mes chansons. Abandonner tous mes autres projets. Et c’est ce que j’ai fait. »