Les nouveaux talents foisonnent sur la très fertile scène hip-hop québécoise. En voici trois qui attireront assurément l’attention du public et des médias cette année.

FouKi

FouKi, QuietMikeFouKi a connu une ascension considérable depuis la parution de sa première mixtape Plato Hess (argot pour Plateau-Est) en novembre 2016. Fort du succès de la chanson aux teintes reggae Gayé, dont le clip a dépassé les 120 000 visionnements sur Youtube, le rappeur a su piquer la curiosité de l’état-major de l’éminente étiquette hip-hop 7ième Ciel, qui n’a pas tardé à lui faire une offre.

Pour le rappeur de 21 ans, cette importante signature tombe à point, car elle l’amène à se surpasser artistiquement. Instinctive sans être irréfléchie, son écriture se peaufine et lui permet de naviguer plus aisément « entre le sérieux et la connerie », entre les sujets plus profonds et ludiques. « Il y a autant des textes joyeux qui donnent envie de vibe que d’autres un peu plus introspectifs », explique-t-il à propos de cet album, sur lequel il aborde notamment ses préoccupations artistiques et sa perception des relations hommes/femmes.

À ses côtés, FouKi peut compter sur un allié de taille : le producteur QuietMike, qui profitera de ce premier album pour renouveler sa signature hip-hop organique, majoritairement basée sur des échantillons de piano et de guitare acoustique. « Je pige davantage dans le répertoire québécois maintenant, car c’est plus facile de demander une autorisation par la suite. Maintenant qu’on est avec un label, on ne peut plus se permettre de voler de la musique comme avant », reconnait le compositeur qui, à ses débuts, avait abondamment fouillé la discothèque de ses parents – la bande sonore du Fabuleux destin d’Amélie Poulain en tête de liste. « Travailler avec des samples, c’est encore ce que je préfère, car il y a un grain d’origine que tu ne peux pas reproduire avec un synthétiseur, par exemple. »

Encore une fois, c’est la proximité et la complicité entre les deux amis de longue date qui prévaut. Si FouKi écrit la plupart de ses textes chez lui, après en avoir improvisé des bribes en marchant dans la rue ou en cuisinant des pizzas à son lieu de travail, il se dit incapable de créer une chanson s’il n’en a pas entendu la musique au préalable. « Tout commence avec le beat. Au début, je teste des flows et je rappe dessus avec des onomatopées, et après ça, je trouve du sens avec un texte. En fin de compte, quand je dis des conneries, c’est parce que l’onomatopée a pris le dessus », plaisante celui qui a récemment été nommé dans les 10 jeunes auteurs à surveiller par l’émission radio-canadienne Plus on est de fous, plus on lit!. « Autrement, y’a des textes que je travaille plus, parfois pendant des semaines. Ça devient des genres de dictées trouées. »

 

 

Marie-Gold

Marie-GoldAvec son quatuor Bad Nylon, la rappeuse et productrice Marie-Gold amorce 2018 en lion. Très attendu sur la scène rap locale depuis la sortie du premier extrait Rappa, qui laissait présager une direction musicale plus pesante que celle des deux EPs parus en 2015, le troisième projet de la formation complétée par  Zoz, Kayiri et Audrey Bélanger est disponible depuis le 12 janvier et contient neuf pièces abordant des sujets bien précis comme les rêves de richesse, l’amitié entre femmes et les ambitions professionnelles.

Cette création thématique à plusieurs têtes a toutefois ses limites, et Marie-Gold en est consciente. C’est notamment pour cette raison qu’elle se dévoilera sous un tout nouveau jour, plus intime, au courant de l’année. « À mes débuts, je tenais à ce qu’il y ait un girl band dans le rap québécois, mais maintenant, j’ai davantage envie de faire de la musique qui me représente. Je veux établir mes couleurs en tant qu’artiste, sans nécessairement dire à tout prix que je fais du rap féminin », explique celle qui compte démarrer sa carrière solo dans les prochains mois en publiant quelques clips et singles.

La Montréalaise de 25 ans se servira de ce nouveau départ pour exploiter des thèmes « qui restent moins en surface » comme sa relation à l’argent et à l’amour. « C’est un peu le résultat de ce que j’écoute comme musique en ce moment, des trucs comme Brockhampton et beaucoup de rap français. Je n’écoute plus nécessairement de joke rap, et mon but, c’est que les gens puissent relate sincèrement à ce que je dis. »

Pour appuyer cette approche artistique plus personnelle et rigoureuse, Marie-Gold laissera de côté les ambiances festives et les influences old school caractéristiques du parcours de Bad Nylon. Désirant ouvrir ses horizons, la compositrice s’aventure actuellement dans le faste monde du jazz, en collaborant notamment avec un trompettiste.

Très inspirée dans son studio maison, elle se permet davantage de liberté dans sa création. « Souvent, je tente de reproduire la vibe d’une chanson que j’aime beaucoup et, finalement, je m’en vais totalement ailleurs. Une fois que le beat est construit, j’écris mon verse d’un seul coup, en fonction de l’émotion que j’ai envie de sortir. »

Rowjay

RowjayGrâce à son accent français international, son flow très articulé et ses productions implacables, signées par des étoiles montantes de notre scène hip-hop comme Freakey! et Doomx (de Planet Giza), Rowjay est l’un de nos rares rappeurs à obtenir un certain succès en France. Pour l’instant, l’engouement reste embryonnaire, mais les plus récents chiffres de sa page Soundcloud ne mentent pas : la grande majorité des dizaines de milliers d’écoutes qu’il a obtenues dans les dernières semaines proviennent bel et bien de l’Europe francophone.

Paru au tout début janvier, son quatrième projet (et tout premier EP), Hors catégorie, s’éloigne encore plus de l’approche parodique qui a marqué ses débuts. Fan de Roi Heenok à l’adolescence, Rowjay s’est distancé de cette influence caricaturale pour se bâtir un personnage bien à lui avec ses propres références et son propre discours. Bien présent dans les textes de Carnaval de finesse, son troisième album parut à la fin 2016, le message de motivation du rappeur prend une dimension un peu plus tranchante cette fois. « En fait, c’est surtout un message de révolte. Ça fait 3-4 ans qu’on travaille chaque année sur un projet, qu’on s’améliore chaque fois, qu’on s’impose un peu plus… », estime le rappeur de 21 ans, déplorant sa sous-médiatisation au Québec, alors qu’il accumule les séjours et les mini-tournées en France.

De là le concept de Hors catégorie. Bien assis entre deux chaises, Rowjay ne s’identifie pas à la scène street rap des Enima et Izzy-S, ni à celle plus « mainstream » des Loud et Alaclair Ensemble. « J’ai l’impression que personne ne fait la même musique que moi au Québec », résume l’Italo-Montréalais, décrivant son genre  comme du « St-Léo trap », en hommage à Saint-Léonard, son quartier montréalais d’origine.

À cet effet, l’apport de ses talentueux amis producteurs s’avère indispensable. « Je peux pas écrire une chanson sans avoir eu le beat. Pour moi, c’est nécessaire », admet-il, précisant que le processus de création de cet EP a été particulièrement complexe car ses camarades vaquaient à divers projets. « Par contre, je suis toujours en train de brainstormer, de réfléchir à des concepts. Je suis autant influencé par les jeux vidéo comme Mario Odyssey et Zelda que par le design de mode, par exemple. »