Article par Christopher Taylor Jones | lundi 12 novembre 2018
Bâtir une maison d’édition à partir de zéro n’est pas une mince tâche, surtout si on ne dispose pas de financement illimité. Cela n’a toutefois pas empêché Jodie Ferneyhough d’aller de l’avant avec son projet CCS Rights Management, une entreprise qui vise au-delà de l’édition et inclut la collecte et la répartition des droits voisins pour son écurie d’artistes et de créateurs. Elle se spécialise également dans la gestion de succession.
Ferneyhough bâtit son entreprise depuis sept ans déjà, après avoir quitté Universal Music Publishing Canada où il était directeur général. Lentement mais sûrement, l’entreprise a grossi ses rangs avec auteurs-compositeurs/artistes et employés.
On a les droits : des nouveaux contrats pour CCS
Récemment, CCS a conclut des ententes avec le héros du blues rock Colin James, l’ex Great Big Sea Sean McCann ainsi que le réalisateur et auteur-compositeur Gavin Brown. Dans l’ouest du pays, ses clients sont notamment League of Wolves de Saskatoon et Yukon Blonde de Vancouver.
« Chez CCS, nous ne pensons pas uniquement à l’auteur-compositeur, mais aussi à l’interprète », explique Ferneyhough, « je suis un éditeur de musique, c’est ce que je fais. Mais l’entreprise s’occupe de collecte, d’administration et de répartition des revenus dus à nos artistes et à nos créateurs. L’objectif premier de l’entreprise est d’être un solide gestionnaire de droits. »
« Les droits voisins, en général, sont généralement perçus par les gérants ou les artistes eux-mêmes », poursuit-il, « mais souvent, ils tombent dans les craques du plancher. J’ai connu bon nombre d’artistes qui disent s’occuper de leurs droits, mais je ne sais pas comment ils y arrivent, car c’est ce que je fais à plein temps, et c’est un véritable casse-tête ! Il y a plein de choses qu’il faut savoir, parce qu’il y a tellement de variables et de changements d’un territoire à l’autre. Mon travail, c’est de protéger vos actifs afin que vous puissiez vous concentrer sur la création et la performance. »
Mais alors, comment une petite boîte comme CCS parvient-elle à concurrencer avec des géants de l’industrie comme Universal ou d’imposants concurrents indépendants comme peermusic, où Ferneyhough a également déjà travaillé ?
« C’est dur », avoue-t-il. « C’est vraiment, vraiment dur. Il y a une entreprise en ce moment dont tout le monde semble croire qu’elle est magique et tous veulent signer une entente avec cette entreprise magique, et c’est incroyablement frustrant pour moi. »
« Une des raisons pour lesquelles les artistes et les créateurs signent avec nous est que nous ne sommes pas monolithiques et nous ne faisons pas de promesses que nous ne pouvons pas tenir. “On prend les artistes par la main, on s’assoit régulièrement avec eux afin de déterminer ce dont ils ont besoin et quels sont leurs objectifs.” Nous les aidons à atteindre leurs objectifs en leur présentant des joueurs de l’industrie qui peuvent les aider à passer à un niveau supérieur. »
« On prend les artistes par la main, on s’assoit régulièrement avec eux afin de déterminer ce dont ils ont besoin et quels sont leurs objectifs. »
CCS a également conclu des ententes avec des clients importants du domaine de la télévision comme Spin Master Ltd., producteurs d’immenses succès comme PAW Patrol, Little Charmers, Tenkai Knights et Hatchimals. Afin d’aider l’entreprise à croître dans ce domaine, la plus récente addition à son équipe est Sarah Keith, directrice des synchronisations.
Ferneyhough voyage sans arrêt afin d’élargir son réseau de sous-éditeurs internationaux, notamment au Royaume-Uni, dans le Benelux, au Chili, au Brésil, en Italie, en Espagne et en Grèce. Le président de CCS siège également aux conseils de l’Association canadienne des éditeurs de musique (CMPA) et de l’International Confederation of Music Publishers (ICMP).
« Nous sommes tissés serré », explique Ferneyhough au sujet de ses pairs éditeurs. « Nous sommes des concurrents commerciaux et nous cachons notre jeu, mais nous sommes conviviaux. J’ai besoin de leurs créateurs et ils ont besoin des miens pour des collaborations créatives, etc. ».
« Pour nous, aller de l’avant signifie de continuer à faire ce que nous faisons en prenant le plus grand soin de nos créateurs et de nos artistes », explique Ferneyhough. « Nous sommes à la recherche d’artistes établis à la recherche de nouvelles opportunités parce qu’ils ne sont pas satisfaits là où ils sont présentement. Nous sommes confortables depuis cinq ou six ans et maintenant nous sommes prêts à progresser, à signer de nouveaux artistes et à prendre de l’expansion. »
« Chaque droit d’auteur est important pour nous, et nous voulons faire grandir l’entreprise en ajoutant de nouveaux droits et de nouveaux artistes. »
Photo par Laurence Labat
Renée Martel: se choisir une nouvelle saison à commencer
Article par Élise Jetté | mardi 13 novembre 2018
« C’est un titre d’album qui est approprié, autant dans ma carrière que dans ma vie, confie l’artiste. Quelque chose qui finit et quelque chose qui commence. J’ai l’impression d’avoir fait tellement de choses en plus de 65 ans de carrière, mais je me sens comme si j’avais encore autant de choses à faire aujourd’hui. »
Didier Barbelivien et Paul Daraîche ont posé leur talent sur cet album qui se place à un carrefour précis sur la ligne du temps de Renée Martel qui a tant d’histoires à dire encore malgré tout ce qui la précède. Les collaborations sont multiples et la jeune Sonia Cordeau signe même le dernier texte du livret, Plus jamais mais toujours. « Sur ce nouvel album, il y a des chansons qui ont été suggérées par mon directeur artistique, Lionel Lavault, explique Renée Martel. Des auteurs que je n’ai jamais chantés, mais dont j’adorais les chansons. Il y a aussi des auteurs que j’aime beaucoup chanter et que je chante toujours, comme Nelson Minville, mon auteur fétiche. (NDLR voir encadré) »
Toutes les collaborations nécessitent des ajustements, car on ne peut interpréter ce qui ne nous colle pas parfaitement à la peau. « Martine Pratte m’a fait une chanson en dehors de mon confort (Où le vent soufflera). Quelque chose qu’on ne me verrait pas chanter, admet-elle, mais je le fais quand même parce que c’est comme un défi à relever. La beauté de mon métier, c’est vraiment de prendre ce que l’on m’offre et de m’approprier tout ça.
Nelson Minville : Écrire dans la complicité Pour chacun des interprètes pour qui il écrit, Nelson Minville fait du « sur mesure ». « Des fois, ça tient au hasard et à la connaissance de la personne », explique-t-il en assurant qu’il lui arrive fréquemment de se sentir complètement immergé dans l’univers de celui ou celle pour qui il écrit. « Quand j’écris pour quelqu’un, j’écris pour cette personne et jamais pour moi. Ce n’est pas une recette dans laquelle j’écris une toune et que j’essaie de la passer à un artiste ensuite. Je la Google souvent, Renée Martel, dit-il en riant. Elle fait beaucoup d’entrevues. Que ce soit dans Le Devoir ou dans le 7 Jours, je cherche partout pour trouver un point dans sa vie, son vécu. Elle a un bassin d’aventures belles et moins belles. Je vais dans tout ce que je pense qu’elle voudra raconter. » Une relation honnête et intime s’est tissée entre les deux artistes donc Nelson peut écrire huit chansons qui ne fonctionneront pas avant d’arriver à celle que Renée choisira. « Ça m’est déjà arrivé, par exemple de faire référence à la chanson Liverpool dans une chanson plus récente. Elle m’a dit que c’était une chanson dont elle ne voulait pas se rappeler, elle ne voulait pas aller là. » Sur l’album La fille de son père (2014), Minville a composé la chanson titre et c’est ce qui solidifie tant sa relation avec l’interprète. « C’est ce que j’ai réussi de mieux, dit-il. Le titre est un flash que j’ai eu en jardinant. La chanson s’est écrite toute seule après. »
Tu ne fais pas dire n’importe quoi à n’importe qui ! »
Le disque paru le 2 novembre se dessine sur son parcours comme un bilan, un instant pour tout englober, se rappeler et commémorer. « Je trouve que l’album récapitule bien ma vie au complet et ce sont toutes des chansons que je n’aurais jamais pu chanter il y a 25 ans. On y entend mon vécu. » Durant le processus de création, elle a écouté de nombreuses mélodies et lu de nombreux textes. Elle voulait être certaine que chaque collaborateur trouvait les bons mots au bon moment. « Je ne veux pas que, quand je chante, les gens se disent, « elle chante tel auteur », je veux qu’ils se disent que c’est moi qui leur raconte quelque chose. C’est moi qui dis les choses. »
Choisir des chansons écrites par d’autres n’est jamais un chemin sans failles et sans détour. Il peut arriver de commettre des erreurs. « Il y a un album que j’ai fait, Réflexions (1974), beaucoup trop tôt dans ma vie. Il était extraordinaire, mais j’y ai chanté la peine d’amour de Marcel Lefebvre, se souvient-elle en riant. Il vivait une rupture assez difficile. J’ai chanté certains textes que j’ai jamais vécus. Avec le recul, aujourd’hui, j’en profiterais pour chanter mes peines d’amour à moi ! », ajoute-t-elle, amusée.
Lors du dernier Gala de la SOCAN, Renée Martel a reçu des mains de sa fille Laurence le prix d’Excellence pour l’ensemble de sa carrière. « C’est tellement un moment qui m’a touchée, dit Renée Martel avec émotion. J’ai jamais été nommée interprète féminine de l’année à l’ADISQ et j’en n’ai jamais fait de cas, j’ai pas eu ce Félix-là, mais j’ai eu tellement d’autres choses au cours des années. Je vois cet hommage de la SOCAN comme une de ces reconnaissances qui font du bien et qui confirment des affaires. »
En mars, Renée Martel débute une tournée qui se veut un récit historique dont elle est la seule héroïne. « C’est moi du début à la fin. De mon adolescence à aujourd’hui, ce qui m’a marqué », précise la grande dame du country.
« Tellement de choses », dit Renée lorsqu’on lui demande ce qu’il lui reste à faire. « J’ai donc ben pas fini, ajoute-t-elle. J’ai tellement de projets. J’ai jamais vraiment chanté dans le Canada anglais, je sais qu’à Calgary, je suis connue ; j’ai déjà animé une émission à Calgary pour Radio-Canada et c’était la folie furieuse.
Le Canada francophone me connaît et j’aimerais beaucoup aller toucher à ça. »
Plus de 70 ans de vie teintent sa musique et Renée Martel y voit une énorme richesse. « Je reviens de loin. C’est quelque chose qu’on peut dire à mon âge. Avec tout ce qui m’est arrivé dans la vie, j’espère continuer à parler aux gens. J’ai été leur fille, leur blonde, leur bru. Y’en a qui m’aurait voulu comme femme. Aujourd’hui je suis leur grand-mère et c’est parfait comme ça. »
Photo par Malina Corpadean
Marie-Mai: Prendre son courage à deux mains
Article par Olivier Robillard Laveaux | mercredi 7 novembre 2018
La dernière fois que Marie-Mai a fait la une de Paroles & Musique, elle posait en couverture au côté de son amoureux et fidèle collaborateur de l’époque, Fred St-Gelais. Le titre de l’article? À quatre mains. C’est dire à quel point sa séparation avec le musicien et réalisateur en janvier 2016 a créé un trou immense dans sa carrière. Et comme si ce n’était pas suffisant, Marie-Mai a aussi mis fin à son association avec son équipe de gérance (Productions J) et sa maison de disques (Musicor). Du jour au lendemain, elle venait de perdre trois piliers présents depuis les débuts. Seule, sans machine derrière elle, la chanteuse a pansé ses plaies et lance cette semaine Elle & moi, son sixième album. Entrevue sans filtre.
Ceci est la toute première entrevue que tu donnes depuis que tu as fait table rase. La première d’une longue série d’entretiens prévus pour la parution d’Elle et moi. Comment appréhendes-tu ce nouveau cycle promotionnel qui s’amorce? Je réfléchis encore à ce que je veux dire, à comment je vais le dire. Elle et moi est un album hyper personnel du début à la fin. Mon plus personnel en carrière. Je n’ai jamais consacré un album entier à une période de ma vie comme je viens de le faire. Ce disque était mon journal intime pendant que je vivais tous ces bouleversements. J’avais beaucoup de choses à dire, du chaos et de belles choses. J’avais aussi besoin de remettre les gens à la page sur ce que j’avais vécu. Les gens se sont fait une idée de ma situation via ce qui a coulé dans les médias. Je voulais donner ma version. Ce disque est une porte ouverte sur mon histoire des dernières années. Chaque chanson en dit un peu plus sur moi, et je sais qu’en l’écoutant, les gens vont se poser des questions. A-t-elle vraiment fait ça? S’est-elle vraiment sentie comme ça? Je ne sais pas encore ce que je vais répondre en entrevue, où je vais mettre mes limites.
Ton album débute directement dans le coeur du sujet avec le premier extrait, Empire. « Jamais été aussi bas, jamais vu ma vie sans toi » y chantes-tu avant d’enchaîner avec le refrain: « j’ai un empire à reconstruire ». À quel point étais-tu démolie par les événements? Empire est la première chanson que j’ai écrite pour l’album. Toutes les insécurités que j’ai vécues sont dans cette pièce. Je n’avais plus de maison de disque puisque le contrat s’était terminé avec la parution de M en 2014. Le contrat avec mon équipe de gérance se terminait également. J’étais dans le néant. Je devais me rendre en studio pour la première fois sans Fred. J’avais peur. Je me demandais si j’étais vraiment une auteure-compositrice à part entière. Ça faisait 11 ans que je travaillais de la même manière. Tous ces changements m’ont amenée à compromettre ma confiance en moi. Sans Fred, sans les fans, sans la scène, sans une équipe autour de moi… J’étais petite en tabarnouche.
Fred et toi avez mélangé l’amour et le travail pendant plus de 11 ans. Vers la fin, sachant que son absence allait ébranler ta carrière, est-ce que Marie-Mai l’artiste a essayé de convaincre Marie-Mai l’amoureuse de maintenir le couple en vie? La musique était une chose très importante de notre vie, mais ce n’était pas la raison première de notre amour. Lorsque tout allait bien, on se disait qu’on continuerait de faire de la musique ensemble même si on se séparait. C’est facile de penser que ta vie va bien quand tu roules à 300 km/h. Avec les enregistrements d’albums, les collaborations, les tournées et les apparitions médiatiques, t’as pas le temps d’y penser. Tu vis dans l’illusion que tout va bien. J’avais 18 ans lorsque j’ai rencontré Fred. J’en ai 30 aujourd’hui. À un certain moment, je me suis demandé qui j’étais vraiment, si ce que je faisais était en accord avec la femme que j’étais devenue. C’est comme si à force de vivre dans mes valises, j’avais perdu de vue ma véritable place. Mais la vie continue. Je suis maintenant ailleurs. Fred aussi. Il a une magnifique blonde, et je ne veux pas constamment parler de lui. Toute cette situation est un peu injuste pour Fred parce que c’est moi qui donne des entrevues. Je lui ai parlé récemment. Je lui ai dit que j’arrêterais de parler publiquement du couple qu’on formait, par respect pour lui. Mais je vais toujours l’encenser et lui accorder tout le crédit qu’il mérite. Avant de le rencontrer, j’écrivais des poèmes dans mon agenda. Je ne savais même pas que je pouvais écrire des chansons.
Musicalement, qu’est-ce que son départ a changé dans la composition de ce nouveau disque? Fred et moi formions un bon team parce qu’on venait de deux univers différents. Il a toujours été un gars de rock et moi de pop. J’ai aimé le rock de Green Day ou Blink 182, mais je suis une fille de pop, du bout de mes cheveux jusqu’à mes orteils… Donc si tu enlèves Fred de ma création, tu enlèves les guitares. C’est la grande différence. C’est ni pire, ni mieux, c’est différent. Mais tu sais, à plusieurs reprises pendant le processus de composition, je me posais la question: « Qu’est-ce que Fred ferait? » Parce qu’il m’aidait avec mes textes et mes mélodies. J’ai tendance à compliquer les mélodies pour rien. Fred travaillait avec moi pour ramener ça à une forme plus simple et efficace.
Tu avais la chance de t’entourer de nouveaux collaborateurs en studio. Comment les as-tu choisis? Je suis allée faire une session d’écriture à Los Angeles. Je voulais travailler mon muscle d’auteure-compositrice qui ankylose s’il est au repos trop longtemps. Coupée du monde extérieur, loin de ma réalité quotidienne, j’écrivais sans pression. On m’a un jour jumelée avec un compositeur britannique, Oliver Som (qui a collaboré avec James Blunt et Robbie Williams). Ensemble, on a écrit une très bonne pièce destinée à un autre artiste. Ç’a cliqué. On a vite développé une chimie semblable à celle que j’avais avec Fred. Ça m’a fait énormément de bien. J’ai compris que je pouvais retrouver mes réflexes avec un autre compositeur. Puis, on a passé un an sans se parler. Lorsque j’étais prête à retrouver le studio, il est venu au Québec, et on a fait le disque ensemble.
Jusqu’à quel point as-tu besoin d’un compositeur / réalisateur pour t’épauler? Lorsque je compose, j’ai besoin de jouer au ping-pong avec quelqu’un. Lui envoyer mes maquettes, recevoir ses commentaires, améliorer la chanson. Souvent, je pars d’un beat pour accoucher d’une mélodie. J’avais besoin d’Oliver pour habiller les chansons et me challenger. C’est comme ça que je travaille. Mon chum, David Laflèche, est intervenu en fin de parcours pour optimiser les mixes des chansons.
Dans tout ce processus créatif, as-tu réfléchi au son Marie-Mai? Comment l’abordes-tu en 2018? Écoutes-tu ce que font Katy Perry ou Taylor Swift par exemple? J’ai jamais abordé ma musique en pensant à ce que les autres faisaient. Mon mélange de pop et de rock n’a jamais eu la même signature que la musique de Katy Perry ou Taylor Swift. Je vois ce nouveau disque de la même manière. J’aime la pop européenne de Robyn, mais je ne peux pas dire qu’il y a des chanteuses qui m’inspirent vraiment par leur style musical. Je reconnais que Katy Perry a de bonnes chansons, mais je n’arrive pas en disant « on doit faire comme Katy ». Au final, j’écoute mon nouveau disque et je trouve qu’il sonne comme moi. Ce sont les mêmes mots, le même genre de mélodies. Les gens vont reconnaître ma signature. C’est ma force, mon univers. J’ai écrit ce disque pour retrouver ma confiance en moi.
À quel moment as-tu retrouvé cette confiance? Ça s’est fait graduellement chaque fois que je terminais une chanson. Lorsque ça arrive, tout ce qui m’insécurise disparaît. Quand on t’enlève ce qui te définit comme personne, tu perds tes sens. Je les ai retrouvés à coup de chansons, et encore davantage lorsque je me retrouvais en studio avec Oliver. Je sentais que les choses se passaient, comme si rien ne s’était arrêté. J’ai compris à ce moment que ma carrière n’était pas sur stop, mais seulement sur pause. C’est ce que je chante dans la pièce Exister. À partir de là, chaque pas en avant m’a rapproché de qui je suis aujourd’hui. Je veux faire ce métier pour inspirer les gens avec mes textes. En écrivant un album aussi personnel, je crois que je pourrai les toucher. Les remises en question et les crises existentielles arrivent à chacun d’entre nous pour des raisons différentes. Il fallait que je le vive pour apprendre et avancer.
Qu’as-tu appris? À être moi-même. Apprendre à vivre avec la dualité entre Marie-Mai, celle que tout le monde connaît, et Marie-Mai Bouchard, celle que personne ne connaît. Marie-Mai, c’est un bloc de béton. Marie-Mai n’a pas le droit d’être insécure lorsqu’elle chante au Centre Bell, au Stade de France avec Johnny Hallyday ou lors de la cérémonie des Jeux Olympiques. Bouchard, c’est l’inverse. Elle est timide, insécure. Elle vit toutes sortes d’émotions. C’est le sujet de la chanson Elle et moi. Pendant longtemps, j’ai pensé que je ne pouvais pas être les deux à la fois. Marie-Mai a fini par éclipser Bouchard. La seule perception que les gens ont de moi, c’est Marie-Mai. Et de ce vedettariat découlent un paquet d’affaires qui n’ont pas rapport. J’ai laissé trop de gens dire des fausses choses sur moi, ça n’arrivera plus.
Comme quoi? J’ai lu que j’étais une diva. C’est pas vrai. Et je ne réagissais pas parce que Marie-Mai devait être au-dessus de ça. Si Bouchard avait des opinions, Marie-Mai ne les partageait pas pour éviter de se mettre une partie du public à dos. Mais je n’ai pas besoin d’être toujours une wonder-woman souriante et gentille. Un paquet de gens m’ont dit quoi faire ou quoi dire. Maintenant, je mets mon pied à terre. Je reviens des tournages de la série The Launch à Toronto, une série musicale sur CTV dans laquelle je suis juge. Je peux te garantir que les gens là-bas ont vu une fille qui s’assume et n’a pas peur de se commettre.
Est-ce pour ces raisons que tu as décidé de changer d’équipe de gérance et de maison de disque? Prod J a vraiment été la meilleure équipe pour moi dans ces années-là. J’avais besoin d’une équipe qui pouvait pousser le bateau aussi vite que je le voulais. Oui, on a protégé mon discours. C’est normal, on contrôlait mon image, on voulait que ce soit big. La raison principale pour laquelle je suis partie est artistique. J’ai besoin d’avoir 20 personnes autour de la table pour mener mes projets à terme. Prod J n’avait plus les effectifs nécessaires. Pour ce qui est de Musicor, c’est plus épineux comme sujet. C’est pas évident parce que je sais que mon départ va avoir des conséquences médiatiques, mais j’assume. C’est ce que je voulais pour mon avancement personnel.
Tu veux dire qu’en quittant le giron Musicor qui appartient à Quebecor, tu ne profiteras plus de la convergence avec tous les autres médias de la maison mère? Je ne veux pas commencer à chialer. Il y a bien pire dans la vie, mais ça reste la réalité. Aujourd’hui, les seules fois que le Journal de Montréal parle de moi, c’est pour rapporter certains de mes tweets. Ils savent que j’attire du clic. Mais je ne suis pas fâchée. Il y a d’autres portes qui s’ouvrent. Je vais faire Tout le monde en parle. Je fais The Launch (diffusion hiver 2019). Je refuse de laisser dicter mes choix en fonction des possibles répercussions médiatiques. Je dois sentir que mon cœur est à la bonne place.
C’est tout à ton honneur. Merci pour cette franchise. Le mot d’ordre est transparence.