Jim Cuddy est ravi de l’accueil réservé à Namedropper. «Le niveau artistique de l’album et la façon dont il s’imbrique dans la vie de Suzie sont incroyables. Ce n’est rien de moins qu’un triomphe», dit-il avec enthousiasme.

Parallèlement, le même genre de compliments dithyrambiques est accordé à l’album Just Passing Through: The Breithaupt Brothers Songbook. Les frères Breithaupt étaient tous deux très actifs sur la scène musicale avant de décider de former un duo d’auteurs-compositeurs. Don Breithaupt est lauréat de prix Emmy et SOCAN et il a enregistré quatre albums avec son projet Monkey House, en plus d’avoir été musicien de tournée pour Kim Mitchell et Sass Jordan, notamment. Il s’est récemment établi à Los Angeles, il est désormais très demandé comme producteur, musicien, auteur et compositeur pour la télé et le cinéma.

« Je suis tout simplement renversée par la quantité et la qualité des chansons des Breithaupts. » – Sarah Slean

Jeff Breithaupt retrace les racines de la création de son partenariat créatif avec son frère à 2002, lors d’un « moment totalement improvisé. Je produisais une pièce de théâtre à New York et j’ai dit à Don que j’avais la forte impression qu’il y avait un regain d’intérêt pour de nouvelles chansons dans la grande tradition du Great American Songbook, et je lui ai lancé « pourquoi n’en écrirais-tu pas quelques-unes? », à quoi il a rétorqué « pourquoi n’en écririons-NOUS pas quelques-unes? Envoie-moi des paroles. » Je lui ai envoyé les paroles pour une chanson, il a composé la musique et m’a retourné une partition. À partir de ce moment, nous étions animés par une urgence de rattraper tout le temps que nous n’avions pas passé à composer et écrire ensemble; les chansons se succédaient à un rythme effréné. »

Aujourd’hui, le Breithaupt Brothers Songbook contient plus d’une centaine de chansons. Ils qualifient leur travail de «standards modernes», et Jeff précise: «nous inspirons du Songbook, mais nous ne l’imitons pas. Nous lui empruntons simplement quelques ingrédients de base qui font la signature de cette tradition musicale.» Comme le note Don, «Qui a vraiment envie d’être le 9000e interprète de Body and Soul ou de Over the Rainbow? Nous nous sommes simplement dit que les gens seraient sûrement contents d’avoir accès à du nouveau matériel dans cette veine.»

Comme bien des collaborateurs célèbres au Songbook américain, les Breithaupts se divisent les tâches. Comme l’explique Don «Jeff joue plus que bien pour composer, mais c’est mon job à moi de composer. J’écris souvent des paroles, mais pas de notre duo. Nous travaillons à l’ancienne, Gershwins-style

Plusieurs performances du Breithaupt Brothers Songbook ont été présentées au Joe’s Pub de New York ainsi qu’au Young Centre de Toronto depuis une dizaine d’années au grand plaisir du public présent. Une de ces performances a d’ailleurs été captée lors du Canwest Cabaret Festival en 2009 et lancée sous le titre Toronto Sings The Breithaupt Brothers Songbook. Parmi les interprètes, on retrouvait Sarah Slean, Brent Carver, Patricia O’Callaghan, Wendy Lands, et Dione Taylor.

Pour Just Passing Through, à l’instar de la démarche d’Oh Susanna qui a demandé à d’autres artistes de lui écrire des chansons, les frères Breithaupts ont recruté une équipe 100% canadienne vocalistes pour interpréter une de leurs chansons. Cette liste inclus notamment Kellylee Evans, Denzal Sinclaire, Emilie-Claire Barlow, Ron Sexsmith, Jackie Richardson, Heather Bambrick, Marc Jordan, Paul Shaffer, Sophie Milman, Laila Biali, Sarah Slean, Monkey House, Patricia O’Callaghan, Ian Thomas et Tyley Ross.

Pour le duo, le processus est similaire à celui de la distribution des rôles pour un film. «On imagine la voix idéale pour chacune des chansons, puis on essaie de la recruter pour le projet. Lorsqu’un votre instinct a vu juste et qu’un interprète ressent une connexion avec votre chanson, il n’y a rien de plus satisfaisant.»

Pour Ian Thomas, cette collaboration fut «du gros plaisir et un véritable honneur. Les arrangements étaient vraiment musicaux et ce fut un vrai régal de collaborer avec ces deux frères». Pour Sarah Slean, c’était «un vrai luxe de n’avoir qu’à me présenter en studio et chanter, alors que d’ordinaire je touche absolument à tout!» C’est d’ailleurs la seule des vocalistes à faire une apparition sur les deux albums des frères Breithaupt, et ce n’est pas un hasard: c’est une fan inconditionnelle. «J’ai toujours adoré les comédies musicales et l’incroyable talent des auteurs-compositeurs jazz classiques comme Cole Porter. Je suis tout simplement renversée par la quantité et la qualité des chansons des Breithaupts.»

Just Passing Through couvre un vaste éventail de styles. «Un des risques dans l’écriture de chansons qui s’inscrivent dans ce répertoire, c’est de tomber dans le piège d’écrire un trop grand nombre de ballades au piano», explique Don. «Nous avons fait un effort concerté pour écrire des chansons au tempo moyen et rapide. C’était tellement amusant d’inventer les arrangements et de personnaliser les chansons pour chacun des interprètes. Pour Ron Sexmith et la chanson Any Day Now, par exemple, nous avons transformé ce qui était à l’origine une ballade jazz en une sémillante version acoustique avec de la guitare western.»

D’ailleurs, personne n’a eu à tordre le bras de Sexsmith afin qu’il participe au projet. «J’adore ces duos d’auteurs-compositeurs classiques, alors ce n’était pas difficile pour moi de décider d’embarquer dans ce projet» confie-t-il. «La mélodie d’Any Day Now est vraiment originale et j’adore une chanson aussi bien écrite.»



Pour son troisième album, Geneviève Toupin adopte le sobriquet Willows. Nom de scène, mais aussi de projet. Si le mot fait référence à l’arbre (le saule), il évoque également (et surtout) une ville sur la Côte Ouest de la Californie de même qu’un village fantôme dans les plaines de l’Ouest canadien. « J’aimais beaucoup le parallèle entre ces deux endroits qui sont présents dans les textes de l’album, » avance la longiligne brunette aux yeux bleus perçants. « Et j’aimais le mot, tout simplement. Ça me permettait d’aborder à la fois mes racines anglophones et métis, mais aussi franco-manitobaines. Il y a quelque chose d’imagé dans ce mot. Puis, j’aimais cette idée de mettre de l’avant une identité musicale et visuelle. »

Un long chemin

Coréalisé avec la chanteuse et guitariste Émilie Proulx, son « âme sœur musicale » qui l’accompagne sur scène depuis 2009, cet opus folk homonyme à la fois personnel et lumineux recèle de délicats arrangements et devait initialement voir le jour l’an dernier avec une toute autre équipe. « J’ai fait un long chemin. Il y a tellement eu de détours avant d’arriver au résultat final. J’ai quitté ma maison de disques en 2013, puis fait des tests avec quelques réalisateurs, mais je n’étais pas prête. J’ai composé une trentaine de morceaux et j’ai tout jeté à la poubelle. Lorsque j’ai découvert que ça fittait au boutte avec Émilie, je savais qu’elle était la bonne personne pour réaliser avec moi. À partir de ce moment, tout est allé très vite, » raconte Toupin, installée à Montréal depuis 2003.

En tendant l’oreille aux 11 pièces du compact, on découvre que les lieux semblent définitivement avoir eu un impact considérable sur la jeune femme. Elle explique : « En mode création pour ce disque, j’ai découvert à quel point j’étais habitée par les paysages, les plaines, les grands espaces, le ciel ouvert. J’ai débuté la période de création en Californie et je l’ai terminée à Montréal. Puis, le fait d’avoir grandi dans un petit village, dans la campagne du sud-ouest manitobain m’a aussi marquée. Je pense que ce lien avec la nature et les espaces m’est rentré dedans quand j’étais petite. C’est devenu un élément qui influence mon écriture et qui me touche encore aujourd’hui. C’est profondément ancré en moi. »

Héritage culturel

Si Geneviève a grandi dans une famille où l’on parlait français, adolescente, elle se gave de musique anglophone et doit se tailler une place dans un environnement majoritairement anglo. Pour ce nouveau projet, la dame a modifié sa façon de travailler afin d’assumer pleinement cette dualité culturelle. « Au début du mode création pour ce disque, je venais de faire un album en anglais (The Ocean Pictures Project) et je n’étais plus capable d’écrire en français. Pour débloquer, il a fallu que j’accepte cette dualité et que je me permette d’écrire comme je parle. C’est-à-dire mélanger les deux langues. Les premières chansons que j’ai écrites furent “Valley of Fire”, “Bill Murray” et “Stardust Motel. ” Les trois qui renferment le plus de mots en anglais. Je me suis permis d’écrire comme ça se passait dans ma tête. »

Malgré ses racines métis et cette dualité qui a toujours marqué son parcours, Geneviève n’a pas l’impression de faire bande à part. La jeune femme se considère membre à part entière d’une nouvelle communauté de jeunes auteurs-compositeurs-interprètes. Elle précise : « À Montréal, mais aussi dans la francophonie canadienne. Je me sens chanceuse de faire partie de ces deux scènes là et d’avoir beaucoup d’amis artistes qui m’inspirent au quotidien. Ça c’est vraiment précieux. »

Faire confiance à la magie

C’est suite à l’expérience concluante du projet de websérie La Tournée des cafés (nominée à l’ADISQ en 2012) que la trentenaire a développé un goût pour les collaborations. Résultat : une dizaine de musiciens et de compositeurs se sont greffés au projet Willows dont André Papanicolaou (Monsieur Mono) et Marianne Houle (Monogrenade). Tout de même, une question s’impose : comment sélectionner les gens avec qui on veut travailler lorsque notre univers musical est si intime, feutré et délicat? « Je choisis toujours des collaborateurs qui ont une sensibilité semblable à la mienne. Comme l’univers de Sébastien Lacombe qui me rejoint totalement. Je veux m’entourer de gens qui comprennent naturellement ce type d’écriture. Il faut faire confiance à la magie du moment. J’ai vu qu’il pouvait y avoir une chimie qui s’installe entre les artistes et qu’il fallait faire confiance à ça aussi. »

Après trois semaines en France, et la tournée Coup de cœur francophone en 2014, elle souhaite maintenant poursuivre sa série de spectacles au Québec ainsi qu’à travers le Canada (Vancouver, l’Ontario et la Saskatchewan sont notamment à l’agenda en 2015), en plus d’accompagner Chloé Lacasse dans son projet musical. Bref, peu de moments de répit pour l’artiste franco-manitobaine. Elle conclut : « Tu sais, j’ai la chance de voyager. Juste ça c’est immense. Je ne changerais pas de place avec personne! »

Tourner la page
« Quand j’avais 19 ans, j’ai fait un voyage en France. J’étudiais en sciences à l’université et je pensais me diriger en médecine, mais j’ai pris une année off. J’avais d’excellents résultats, mais je m’ennuyais de la musique, alors je suis allée travailler à Paris. J’ai décidé qu’à mon retour chez moi, au Manitoba, j’allais tout faire pour faire carrière avec mes chansons. Abandonner tous mes autres projets. Et c’est ce que j’ai fait. »



Depuis ses premiers balbutiements en 2004, le duo Alfa Rococo n’a jamais cessé d’évoluer sur le plan musical. Après un premier opus prometteur (Lever l’ancre en 2007) chargé à bloc de brûlots électro-pop vitaminés et calibrés pour les radios FM, David Bussières et Justine Laberge proposaient Chasser le malheur en 2010, une œuvre plus mature et aboutie certes, mais aussi passablement plus sombre. C’est en septembre dernier que le chic tandem larguait Nos cœurs ensemble, une troisième parution au son davantage organique, se permettant de flirter autant avec la new-wave des années 1980 que la pop ensoleillée et moderne du Bostonnais Passion Pit. Bref, du beau boulot et une galette efficace offrant 11 bombes pop aussi rassembleuses que dansantes.

Pour David, une bonne chanson pop doit d’abord et avant tout être accrocheuse sur le plan mélodique, mais doit également posséder des paroles que l’auditeur sera en mesure de retenir. Il précise sa pensée : « La simplicité est de mise. C’est comme un bon riff de guitare. Ça doit être court, punché pour qu’on s’en souvienne. Une chanson pop efficace, c’est surtout une belle adéquation entre la musique et le texte. Les deux doivent aller de pair et transmettre la même énergie. Il faut que ça coule et que ça groove tout en restant accessible. »

« C’est tout un défi de parler d’amour de façon sincère. »

L’amour en chanson

Exit les sombres mélopées, les tiraillements et les textes individualistes de Chasser le malheur.  Sur cette nouvelle livraison, le tandem Laberge/Bussières opte pour une approche plus positive. Après l’orage, l’arc-en-ciel. « À peu près 98% des chansons d’amour parlent de ruptures amoureuses. Pour la création de cet album, on était dans un état d’esprit très positif. On voulait parler de la force de l’amour. On est ensemble depuis 15 ans, alors c’est notre réalité. Tout de même, c’est tout un défi de parler d’amour de façon sincère. Pas évident de trouver le bon angle, le bon ton. Difficile de ne pas sombrer dans le quétaine. Avec le recul, je pense qu’on a assez bien réussi, » assure Bussières.

Nouvellement mariés, David et Justine souhaitaient célébrer l’amour avec Nos cœurs ensemble. Et on les comprendra. Pour le guitariste et chanteur, être un couple dans une situation de création favorise, voire simplifie grandement, le partage d’idées. Il explique : « Plus ça va et plus c’est une force pour nous. On est notre premier public et Justine est ma première oreille. Ton meilleur chum te dira pas toujours la vérité. En couple, c’est plus facile de se dire les vraies affaires. On est tout le temps en train d’échanger des idées et de mijoter des chansons. C’est un boulot à plein temps. J’imagine que pour certains, c’est peut-être aliénant de travailler avec sa douce moitié, mais pas pour nous. »

Nouveaux départs

Maintenant signé sur Coyote Records, Alfa Rococo poursuit sa route et entame un nouveau chapitre de son histoire. Un changement de décor nécessaire pour la paire. Bussières : « Ça a été très positif. Ajouter du sang neuf dans le projet, ça fait du bien et ça relance la motivation. On s’appelle souvent. On se tient au courant. Notre relation avec les gens de la compagnie est très proactive. De plus, c’est un défi pour nous parce qu’il faut aussi livrer la marchandise. Ça nous pousse à nous surpasser. »
Le couple est aussi propriétaire de son propre studio-maison depuis novembre 2013. Une précieuse acquisition qui facilite le travail de création pour les tourtereaux. « C’est un petit laboratoire qui nous aide aussi à limiter les accidents de parcours entre le moment où on a une idée et celui où on enregistre la chanson. Disons que ça limite les déplacements. Très souvent, on a des idées le matin, alors c’est à portée de la main. Bref, on peut travailler en tout temps. Par contre, on ne voit pas beaucoup de monde lorsqu’on est en mode création. On peut même développer une certaine misanthropie, » avance David.

Alors que Justine donnait naissance à un premier enfant en janvier, Alfa Rococo reprend le collier en avril prochain côté spectacles. Pour le duo, pas question de prendre une année sabbatique à longer les murs. La scène : voilà ce qui compte véritablement. « C’est important de continuer, d’être en mouvement. La naissance de notre enfant, c’est un beau moment et on veut en profiter, mais on a besoin de jouer! Le show demeure un work in progress. On l’améliore tout le temps. Jouer sur scène, c’est comme une récréation après le travail. C’est ce qu’on aime faire dans la vie, alors être coupé de ça pendant longtemps, ce ne serait pas bon pour notre santé mentale! »

Tourner la page
« J’ai fait l’album Soley en 2004 avec Dobacaracol. C’était le fun, mais j’avais besoin de mon projet à moi. J’avais envie de plus. J’ai ensuite travaillé pour le Cirque du Soleil et je me suis dit : je vais partir en tournée, jouer le soir et le jour on va composer des chansons. On a commencé Alfa Rococo à peu près à cette période tout en ramassant de l’argent pour produire notre premier album. Début 2005, on est partis pendant un an en tournée européenne. On s’installait dans des chambres d’hôtel et on a composé la majorité des chansons du premier disque de cette façon. » David Bussières, Alfa Rococo