Qu’ont en commun les auteurs et compositeurs Sylvie Paquette et Steve Veilleux? Ils ont tous deux mis leurs musiques sur des mots. Ceux des poètes Anne Hébert et Gérald Godin, un peu comme l’ont fait Les douze hommes rapaillés et Chloé Ste-Marie avec Gaston Miron. Mais la comparaison s’arrête là.

En mars dernier, le chanteur de Kaïn prenait une pause de son populaire groupe afin de plonger tête première dans la publication d’un disque en hommage au poète fort en gueule et politiquement engagé, feu Gérald Godin, avec le superbe T’en souviens-tu Godin?, exutoire inouï pour Veilleux qui a créé avec son comparse Davy Gallant des univers sonores sur une douzaine de poèmes choisis.

Paquette a mis quatre ans de gestation à terme avec la sortie cette semaine de Terres originelles, audacieux pari admiratif d’illustrations sonores inspiré des recueils de poésie d’Anne Hébert, de 1942 à 1997, dans un écrin de douceur, de plénitude et d’atmosphères célestes avec l’aide des coréalisateurs Yves Desrosiers et Philippe Brault.

Dans les deux cas, le devoir de mémoire est bien vivant. Mais par-dessus tout, ils ont créé des œuvres musicales majeures dans leurs carrières respectives.

sylvia« La chanson et la poésie, ça a toujours été de pair, explique d’entrée de jeu Paquette. Léo Ferré le faisait avec Aragon. Et moi, je fais de la chanson à texte, j’ai quand même travaillé avec Jean Fauque (Alain Bashung) et Daniel Bélanger, des auteurs qui s’accrochent à leurs textes, mais Anne Hébert, c’est toute une aventure. »

Aventure qui l’a menée sur les terres de Kamouraska si chères à la poétesse: « J’ai visité sa tombe, fait de la raquette sur ses terres. C’est une rencontre intimiste avec sa poésie, libre, un peu comme de la prose, j’ai dû me laisser aller complètement, de confier Paquette, je n’ai pas retravaillé un seul poème, même si parfois j’ai créé un refrain où j’ai pris une strophe ou quelques lignes que j’ai répété. J’y suis allé avec énormément de respect. On a voulu faire quelque chose de retenu, et de laisser la voix au-devant. Même dans le mix final, il n’y a pas d’effets dans la voix, mais j’ai beaucoup suivi la fibre folk que je porte depuis des années. »

 

steveveilleuxDe son côté, Steve Veilleux l’admet sans détour : « C’est un processus créatif totalement différent de ce que je suis habitué de faire. Je me suis enfargé dans l’œuvre de Godin, j’ai tout dévoré: la poésie, l’histoire de sa vie, son allégeance politique, ça m’a beaucoup happé. Au final, c’est ce qui m’a convaincu d’en faire un essai musical. Oui ç’a été pour moi inconfortable, mais totalement inspirant. Je me suis beaucoup trouvé dans ce projet là, au niveau de l’exploration musicale, de revoir ma façon de composer la musique sur de si belles images très coup de poing. »

« Moi, d’abord et avant tout, ce que je consomme en premier, c’est les mélodies. Évidemment les textes, c’est l’âme d’une chanson, mais la portée mélodique se doit d’être forte et accessible. Y a des mots qui sont percussifs chez Godin, c’est très rentre-dedans, très imprévisible, il était le mouton noir de la poésie. Il y a du joual, il n’a pas la langue dans sa poche et il n’a pas peur d’inclure un juron dans sa prose. Il ne passait pas par quatre chemins et il tirait une grande fierté de sa culture. »

Michel Faubert a offert à Sylvie Paquette le premier recueil de poésie d’Anne Hébert publié en 1942 intitulé Les songes en équilibre. Tiré de ce dernier, le poème Marine a fait son chemin jusqu’à la sélection finale des treize chansons choisies par Paquette sous la forme d’un duo de voix magnifique. « On n’avait jamais chanté ensemble, on se connaissait de loin. Je cherchais quelqu’un qui porte les mots et Michel est un conteur. Je lui ai proposé ce tandem par courriel et il m’a répondu dans l’instant en disant: Quel beau cadeau! Surtout qu’il était en train de lire Kamouraska, il capotait! Je suis très contente du résultat, on l’a chanté un en face de l’autre, ç’a été un moment de studio très intense. »

Veilleux quant à lui est ravi du résultat: « Faire ce disque fut pour moi un laboratoire de jouvence, on ne s’est pas mis de limites musicalement, ça m’a rappelé à quel point ça pouvait être simple et apaisant d’entrer en studio. Les chansons sont rock et éclatées par moments, mais aussi très dépouillées et vulnérables. C’est vraiment les mots qui ont dicté notre facture musicale. On a fait l’album pratiquement à deux. Au final, c’était important qu’on retrouve le côté revendicateur de Godin, mais aussi son côté touchant. »

La démarche fut différente dans le cas de Terres originelles: « Nous n’étions jamais les trois ensemble, dit Paquette, Yves et Philippe n’ont pas constitué un tandem. J’ai souvent amorcé le processus avec Yves avec des guitares-voix, puis Philippe prenait le relais, rajoutait des couleurs et des atmosphères. C’est comme ça qu’on a fait ce disque; jamais ensemble. De toute manière, Yves c’est un solitaire, il a besoin de sa bulle. On a besoin d’être dérangé, un peu bousculé, quand on compose. Par exemple, sur le poème Rouler dans des ravins de fatigue, j’ai composé la musique, puis Philippe a rajouté un petit beat léger qui cadrait bien avec le texte quand même assez lourd. »

« J’ai tellement aimé cette façon d’explorer avec calme et sérénité, confie Veilleux, que je ne vois plus d’autres façons de travailler.  Je sortais du studio le sourire fendu aux lèvres. Les mots devraient toujours dicter l’interprétation. Ce ne sont que des fragments de son œuvre. Mais il y avait des incontournables comme Liberté surveillée et Tango de Montréal que je voulais absolument inclure sur le disque. Sa poésie m’a charmé complètement, maudit qu’on s’ennuie d’un Gérald Godin! »
Sylvie Paquette

Steve Veilleux



Tout au long des deux décennies de sa carrière à ce jour, Pavlo, le compositeur, musicien et homme de scène maintes fois primé, a lancé 10 albums de ses propres créations en plus de deux projets collaboratifs, soit Guitarradas (2015), en compagnie de Remigio Pereira du groupe The Tenors, ainsi que Trifecta (2009), en compagnie de deux autres maîtres de la guitare, Rik Emmett et Oscar Lopez.

Né à Toronto de parents grecs, Pavlo s’est taillé une enviable réputation en jouant une musique hybride qu’il nomme simplement « musique méditerranéenne », un amalgame de musique grecque, de flamenco, de musiques latine et moyen-orientale, et même quelques touches de musique des Balkans, tout ça enrobé de pop contemporaine. Sa musique lui a fait faire le tour du monde. Il est monté sur scène devant des membres de la royauté en plus d’avoir collaboré ou partagé des tournées avec des artistes tels que José Feliciano, Jon Secada, Olivia Newton-John et The Tenors.

Pourtant, à ses débuts, on lui disait que sa musique ne le mènerait nulle part. Les maisons de disques le trouvaient trop « ethnique ». On lui disait que la musique instrumentale n’attirerait pas un auditoire assez important et ne vendrait pas assez de CD. Malgré tout cela, Pavlo a maintenu le cap, car il a préféré écouter autre chose qu’on lui avait dit auparavant. Il s’agissait d’un conseil que son père lui avait donné il y a bien des années de ça : « Ait le courage de faire ce que tu aimes et la détermination de bien le faire ». Ce conseil, il l’a suivi comme un navigateur suit une étoile, et cette étoile l’a mené à sa maison ancestrale.

« Tout ce que je faisais, c’était jouer de la guitare, jour et nuit. Ma mère pensait que j’avais perdu la tête. »

Son plus récent album, Live in Kastoria a été capté en spectacle dans une petite ville du nord de la Grèce d’où ses parents sont originaires. Le DVD qui accompagne l’album documente son périple jusqu’à sa maison ancestrale et nous présente Pavlo et son groupe jouant à la belle étoile dans un petit amphithéâtre niché dans les montagnes surplombant le lac Orestiada. Un concert télévisé — son deuxième — a également été diffusé partout en Amérique du Nord sur les ondes de PBS.

Le guitariste de 46 ans est né dans le quartier Danforth où se trouve la communauté grecque de la Ville Reine. Il a depuis longtemps laissé tomber son nom de famille — Simtikidis — pour des raisons de « showbiz » évidentes. C’est à 10 qu’il a, pour la toute première fois, pris une guitare, et sa vie ne serait désormais plus jamais la même. « Tout le reste a disparu, ma vie elle-même s’est envolée par la fenêtre », se souvient-il. « Tout ce que je faisais, c’était jouer de la guitare, jour et nuit. Ma mère pensait que j’avais perdu la tête. »

À ses débuts, son répertoire incluait de la musique grecque qu’il entendait à la maison, mais il a rapidement intégré d’autres influences. Son père aimait beaucoup la musique plus contemporaine qu’on pouvait entendre à la radio.

« Il adorait Neil Young, Gordon Lightfoot, Elton John et Billy Joel, ce qui est quand même assez inhabituel pour un père de famille grec. J’ai donc grandi en écoutant de la musique traditionnelle grecque et ces artistes, à la fois. Mais mon père aimait particulièrement la guitare, alors on écoutait aussi José Feliciano et Paco de Lucia. »

Il affirme du même souffle que la diversité culturelle et musicale de sa ville natale a également nécessairement informé la nature hybride de sa musique.

« Je crois vraiment que c’est pour ça que je fais ce que je fais : parce que je suis né au Canada, à Toronto, plus particulièrement », croit Pavlo. « Un jour, j’allais voir [le guitariste flamenco] Sabicas, et le lendemain j’allais voir Sting ou Yngwie Malmsteen ou Paco de Lucia. À Toronto, c’était possible de voir un artiste différent en spectacle tous les soirs, peu importe le style musical, et je n’ai aucun doute que ça a influencé ma façon de jouer, même l’éclairage de scène de mes spectacles, ma façon de jouer, ma façon de composer — tout ça. »

Après 20 années à donner plus de 150 spectacles par an partout dans le monde, il doit quand même y avoir une motivation plus profonde que les conseils d’un père pour maintenir un tel rythme.

« J’aime jouer, fondamentalement. J’aime jouer de la guitare », dit-il simplement. Mais c’est plus complexe qu’il n’y paraît. Le plaisir qu’il tire de jouer de la guitare est intimement lié à son processus créatif. « J’ai coécrit des dizaines de chansons pour plein de gens, mai en général, les pièces qui se retrouvent sur mes albums sont des pièces que j’ai composées seul. Donc, lorsque je voyage aux quatre coins de la planète, la musique que je joue chaque soir est la mienne. J’ai un lien intime avec chaque note de la musique que j’ai composée, ce qui signifie que mes concerts ont une signification très personnelle. »

Au cours des 12 à 18 prochains mois, il fera voyager sa musique méditerranéenne au Japon, en Corée, en Allemagne, en Grèce, au Mexique et, bien entendu, en Amérique du Nord. Il y a toutefois un pays où, étonnamment, il n’a jamais encore joué.
« Ironiquement, c’est l’Espagne?! » dit-il en riant. « Je n’ai jamais joué en Espagne et j’adorerais ça, parce que c’est un pays où la guitare est très populaire, n’est-ce pas?? J’aimerais vraiment leur montrer ce que je sais faire. »

Et si les Espagnols sont comme les Grecs, les Mexicains, les Singapouriens ou les Nord-Dakotains qui remplissent les salles où Pavlo se produit, il y a fort à parier qu’eux aussi l’adopteront.



Sir Winston Churchill a dit, un jour, « le succès n’est jamais final, l’échec n’est jamais fatal. Ce qui compte c’est le courage de persévérer. » Il ne saurait si bien dire.
Avant d’entreprendre un projet, je me répète un mantra qui ressemble à ceci : « Écoute, Frew, tu es sur le point de commencer à t’échiner, à souffrir et à angoisser pendant les centaines d’heures qu’il te faudra pour arriver au meilleur résultat possible, sachant malgré cela que les gens n’en ont vraisemblablement rien à foutre?! »
Ça vous paraît défaitiste?? Pas moi. Au contraire, ce mantra m’accompagne depuis longtemps. Je crois qu’il est honnête et, à mon avis, inspirant, parce qu’il me crie la vérité et me supplie de le faire mentir.

C’est grâce à lui que je me resaisis et que j’entreprends un autre projet incroyablement difficile avec la plus grande des satisfactions. Et pour que ce soit clair, ça fait maintenant près de 40 ans que je fais ça.

« Vous devez vivre et respirer, manger et dormir et avoir votre projet à cœur sans aucun compromis, peu importe les défis auxquels vous ferez face »

Eh?! oui, vous devez vous savoir hors de tout doute qu’outre papa et maman, votre sœur et son nouveau petit ami, peut-être le facteur — qui sait?? –, quelques amis et une poignée de fans finis, personne ne se soucie vraiment que vous ou moi écrivions un nouveau livre, enregistrions un nouvel album ou ayons un succès radiophonique pour une première fois – ou jamais plus.

Obnubilé par son besoin de satisfaction instantanée et une surabondance de divertissements en tous genres, l’auditoire dont nous avons tant besoin ne retient pas son souffle collectif en attendant notre prochain chef d’œuvre.

Est-ce que Jim Carrey fera un nouveau film?? Est-ce que les Stones feront une nouvelle tournée?? Est-ce que Sting va réunir The Police pour une tournée d’adieu?? « Zzzzzzzzz?! », peut-on entendre partout dans le monde. Mais alors, si tout le monde s’en fout, pourquoi se donner la peine??

D’abord parce que l’alternative — ne rien faire — n’est pas une option, du moins pas pour moi. Deuxièmement, trouver un « vrai boulot », comme l’a toujours dit ma mère, même APRÈS le succès que j’ai eu la chance de connaitre, n’est pas non plus une option. J’ai eu plusieurs « vrais boulots » et, si honnête et satisfaisant que ce soit, rien ne vaut la création musicale et sa prestation sur scène. Vraiment??

Mais alors quelle est véritablement la réponse si personne ne s’en soucie réellement?? C’est tout simple. Il y a deux règles de base que j’applique dans ma vie :

1) VOUS DEVEZ VOUS EN SOUCIER. Vous seul pouvez y arriver. Relisez la citation de Churchill. Vous devez vivre et respirer, manger et dormir et avoir votre projet à cœur sans aucun compromis, peu importe les défis auxquels vous ferez face, et peu importe ce que dirons les oiseaux de malheur.

2) VOUS et vous seul devez accomplir quelque chose de REMARQUABLE afin que les autres S’EN SOUCIENT, ou à tout le moins quelque chose d’assez remarquable pour que les autres vous remarquent.

Juste au moment où nous commencions à avoir l’impression que sa carrière de comique tirait peut-être à sa fin, Jim Carrey commence à jouer des rôles « sérieux » et NOUS l’avons remarqué : il a gagné deux Golden Globes. À chaque fois qu’on se dit « les Stones sont rendus trop vieux », il construisent une scène encore plus énorme, se lancent dans une tournée encore plus gigantesque, donnent un concert à Cuba et Jagger se donne comme s’il avait encore 25 ans. NOUS le remarquons. Il ne réunit pas The Police, à notre grand dam, mais Sting fait équipe avec Peter Gabriel pour une tournée et NOUS pensons « c’est cool, ça?! » Vous me suivez?? Quelque chose qui sort de l’ordinaire, quelque chose d’au moins un peu remarquable.

J’ai écrit une chanson pour Glass Tiger qui était au moins aussi bonne que n’importe quelle autre chanson que j’avais créée, mais les programmeurs radio et Top 40 ont dit « non ». Au lieu de cela, je suis revenu à la charge avec un album de réinterprétations de classiques des années 80 intitulé 80290Rewind et, soudainement, c’est un peu remarquable. « Dis, t’as entendu le mec de Glass Tiger qui chante du Madonna?? Et il chante aussi du John Waite, du Simple Minds et du Tears for Fears?! » Soudainement, les gens se disent « Ça m’intrigue, je vais l’écouter. »

Je vais vous laisser sur cette pensée : j’ai sur un de mes bras un tatouage où l’on peut lire, NO SURRENDER. Ces mots ont beaucoup d’importance pour moi.

Le 20 août 2015, après avoir tout donné pendant deux mois pour produire cet album, j’ai été au lit et j’ai été victime d’un ACV. Tout le côté droit de mon corps est demeuré entièrement paralysé, j’avais le cœur brisé et l’âme dévastée. Au moment d’écrire ces lignes, je viens tout juste de donner une toute première prestation depuis cet ACV, en direct à la télé, ce matin, et j’ai cassé la baraque. C’était un véritable coup de circuit, et tout ça dans ce qui est probablement le pire médium pour une prestation en direct, la télé. Au moment d’écrire ces lignes, dans quatre jours, je monterai sur scène pour le premier de deux spectacles à guichets fermés dans ma ville natale, Toronto?!

Rien d’autre à ajouter.