Nous entrons actuellement dans une phase révolutionnaire de la musique canadienne, et une nouvelle génération montante de musiciens se trouve représentée dans la grande diversité des voix de notre pays. C’est le cas de Rita Claire Mike-Murphy, alias Riit, une artiste du Nunavut pour qui la récente ascension de la musique autochtone — on pense aux gagnants du Prix de musique Polaris Tanya Tagaq et Jeremy Dutcher ainsi qu’à groupe hip-hop A Tribe Called Red — lui a « donné une grande confiance en moi en tant qu’artiste. »

Riit s’inscrit donc désormais fermement dans ce que Jeremy Dutcher a qualifié de « renaissance autochtone » grâce à sa synth-pop (« j’ai beaucoup écouté Lady Gaga ») chantée en Inuktitut. Sa musique propose également des chants de gorge, des enregistrements de neige qui craque sous des pas, des cris de corneilles, ou encore le bruit de son ulu (le couteau réservé aux femmes) en train de se faire aiguiser — des sons qui jouent un rôle crucial dans le sentiment d’appartenance au cœur de la musique entraînante de Riit.

« Je voulais incorporer des sons de chez moi, parce que c’est là que ces chansons prennent racine », explique-t-elle. Quant à la langue, le nombre de locuteurs d’Inuktitut diminue d’année en année et Riit est passionnée par sa survie, à l’instar de Jeremy Dutcher et de sa langue Wolastoq encore plus menacée. « Je veux que mes enfants et mes petits-enfants et les générations qui suivront parlent cette langue », ajoute-t-elle. Riit est également l’hôte d’un programme pour les jeunes, en anglais et en Inuktitut, baptisé Anaana’s Tent, qui vise à initier les jeunes générations à la culture inuite.

Riit lancera cette année son premier album sur lequel elle a travaillé en collaboration avec Graham Walsh du groupe Holy Fuck. Riit espère qu’avec cet album, et à travers toute sa musique, elle pourra « entamer un processus de guérison et de pardon, surtout pour les Inuits ».

« Nous avons été profondément traumatisés par la colonisation », poursuit-elle en faisant référence au taux élevé de suicide, d’abus sexuels et de l’angoisse intergénérationnelle provoquée par les pensionnats, ainsi que les nombreuses autres injustices historiques. « Je veux vraiment que mon art ouvre la porte à plus de dialogues et de guérison. »



Alors que le hip-hop connaît ses heures de gloire au Québec, une autre scène se développe à une vitesse considérable dans la métropole, sans toutefois générer un enthousiasme et un intérêt aussi forts de la part des médias et de l’industrie. Tour d’horizon de ce qui compose et anime certains des artistes les plus en vue de cette scène R&B montréalaise.

Très loin de l’esthétique soul organique des années 2000 – essentiellement incarnée par Corneille et certaines de ses émules comme Gage et Marc Antoine – le R&B qui se démarque depuis quelques années à Montréal allie explorations électroniques et fortes influences de funk et de trap. Exit le français international, la grande majorité des artistes qui obtiennent du succès ces temps-ci évoluent en anglais, même si certains d’entre eux ont le français comme langue maternelle. Et, fait intéressant, ce sont surtout des femmes qui prennent les devants.

Mais, malgré ces tendances marquées, le R&B de la métropole n’a pas une signature encore définie, comme pouvait l’avoir celui de la ville reine dans la première moitié de la décennie. Marquée par des paroles explicites et par un son froid à la réverbération percutante, cette scène torontoise a eu des répercussions manifestes sur la pop américaine grâce aux succès de Drake, The Weeknd, Roy Woods et autres PARTYNEXTDOOR. « Sans même connaître l’artiste, je peux reconnaître une chanson qui vient de Toronto en quelques secondes. Ce n’est pas le cas avec le R&B de Montréal », explique Mind Bath.

Pour Shay Lia, cette absence d’un son caractéristique de la scène montréalaise est une force. « Ça donne une scène moins formatée, plus diversifiée. Oui, c’est bon d’avoir un son pour s’exporter, mais faut pas non plus que tout le monde se copie, comme ça a été le cas à Toronto. »

Un raisonnement que partage Kallitechnis : « La scène est trop nouvelle pour avoir un son. Ça prendra encore du temps, mais à mon avis, ça va finir par arriver. Il suffit que l’un d’entre nous ait un rayonnement international pour que le son commence à se spécifier. »

Mais à défaut d’avoir un son particulier, Montréal a « clairement une vibe commune », selon ce qu’observe Mind Bath. Une « vibe » qui se définirait surtout par la proximité et la solidarité entre les artistes de la scène. Janette King abonde en ce sens : « Le sens de la communauté est très fort. On fait des spectacles ensemble, on se parle, on s’entraide… Tout ça dans le but de se pousser plus loin, car nous savons que notre potentiel est élevé. »

Cette complicité manifeste peut toutefois engendrer un effet de bulle hermétique, selon Kallitechnis. « On finit par être confortable. À se donner sans cesse des compliments et des tapes dans le dos, on finit par croire que tout est correct, que nos carrières avancent bien, alors que nous sommes tous enclavés dans une scène qui passe sous le radar, contrairement aux marchés de Los Angeles ou de Londres. Je pense que notre musique pourrait avoir un rayonnement beaucoup plus grand si nous étions un peu plus affamés. »

Sara Diamond

Sara Diamond

Pour Sara Diamond, ce manque de rayonnement est également dû à un manque de soutien de la part des médias. « À mon avis, on ne reconnaît pas assez l’immense talent de la scène. Mais viendra un moment où l’on ne pourra plus nous ignorer. »

« En ce moment, il y a une scène, mais pas d’industrie », poursuit Shay Lia. « C’est pour ça que beaucoup d’artistes de la ville sont tentés de s’exporter, car ils doivent faire deux fois plus d’efforts ici pour se faire entendre. »

La barrière de la langue joue un rôle important à ce sujet. Isolés dans une industrie qui favorise largement les projets francophones, les artistes R&B anglophones ont peu de leviers économiques. « Si tu n’as pas de français dans tes paroles, tu peux difficilement jouer à la radio, et ça devient complexe d’appliquer pour une subvention. Par conséquent, les labels manifestent peu d’intérêt », analyse Janette King.

Une situation qui contrarie Kallitechnis : « Mon plus grand rêve serait de représenter le Québec à l’international, mais juste parce que je suis anglophone, on me dit que ma musique n’entre pas dans les bonnes cases. »

« J’ai l’impression que je ne pourrai jamais entrer dans le moule de l’industrie québécoise, mais, en toute sincérité, ça ne me dérange pas », nuance Mind Bath. « Oui, les musiciens anglophones ont de la difficulté à percer au Québec, mais partout ailleurs dans le monde ou presque, la réalité d’un musicien francophone reste très difficile. Tout ce que je peux faire face à ça, c’est tenter de m’imposer en faisant plus de shows, en agrandissant mon public, en connectant avec plus de gens… »

Et le principal outil à leur disposition reste Internet. Mais, encore là, la situation n’est plus aussi évidente qu’elle l’était il y a cinq ans, à une époque où un Kaytranada pouvait sortir de nulle part et devenir la sensation du moment à force de multiplier les millions d’écoutes sur sa page Soundcloud.

« Maintenant, ce genre de succès inattendu est plus difficile à avoir. Sur Soundcloud, je remarque que les écoutes sont parfois six fois moins nombreuses qu’avant », observe Shay Lia, qui a commencé sa carrière aux côtés du producteur étoile. « Maintenant, ça prend davantage de contacts dans l’industrie pour avoir du rayonnement sur Spotify ou Apple Music. Ça prend une équipe qui te soutient et qui fait du réseautage dans différents marchés. »

Bref, les défis sont aussi nombreux que variés, mais dans tous les cas, la popularité du R&B à l’international, qu’on pense à Daniel Caesar, Kali Uchis ou même Ariana Grande, permet à Montréal d’entretenir tous les espoirs.

Sara Diamond

À 24 ans, Sara Diamond a déjà une feuille de route impressionnante. Propulsée dans l’industrie de la musique dès l’âge de cinq ans, la jeune prodige a chanté pour KIDZUP, une compagnie de disques de musique pour enfants appartenant à sa mère, avant d’enregistrer un premier album homonyme « vraiment très pop » en 2008.

Grâce à cette carte de visite, elle a déménagé à Los Angeles au milieu de son adolescence pour joindre les rangs de Clique Girlz, un groupe pop rock créé par le producteur Jimmy Iovine, cofondateur d’Interscope Records. L’aventure s’est toutefois terminée au bout de trois mois. « C’était trop intense. La maison me manquait », admet-elle.

C’est en 2013 que Diamond a vu sa carrière prendre un nouveau départ. Invitée à chanter l’hymne national durant les séries des Canadiens de Montréal, elle a reconnecté avec l’énergie brute que lui procurait la scène. « C’est ça qui m’a redonné envie de chanter », dit-elle.

Puis, à force de chercher, l’autrice-compositrice-interprète s’est trouvé avec Just Give In, single qui marquait un nouvel élan R&B dans sa carrière en 2016. Deux ans et plusieurs rencontres plus tard, celle qui se dit inspiré par la musique de Daniel Caesar revenait en force avec Foreword, un premier EP créé en collaboration avec le producteur Brody Gillman. C’est d’ailleurs avec lui qu’elle planche sur la création d’un nouveau mini-album. « Mais je ne suis pas pressée. J’ai appris à prendre mon temps. »

Mind Bath

Mind Bath (Photo : Shannon Stewart)

Mind Bath

Originaire de la Colombie-Britannique, Mind Bath a commencé comme acteur pour le cinéma et la télévision, avant de déménager à Berlin pour rencontrer de nouvelles personnes et baigner dans un nouvel univers artistique. « Je voulais être plus stimulé artistiquement. En tant qu’acteur au BC, je devais toujours attendre que des personnes me proposent des projets pour faire de l’art. Je voulais être plus autonome », explique-t-il.

Un an et demi après son immersion allemande, Bath a poursuivi son périple créatif vers New York, où il a écrit et enregistré I Was Young, un premier EP à la signature indie R&B audacieuse, à la fois expérimentale et accrocheuse. « Mais les temps étaient durs au niveau financier. J’avais cette envie de retourner sur la côte Ouest, mais en même temps, j’avais des amis qui tentaient de me convaincre de venir à Montréal », dit-il, en faisant référence au producteur Project Pablo et à la chanteuse Forever, avec qui il collabore fréquemment.

Depuis près de trois ans, l’artiste fait donc partie intégrante de la scène R&B montréalaise. Grâce à sa fertile rencontre avec Ouri, immortalisée sur un excellent EP de trois titres paru en 2017, il profite d’un engouement de plus en plus prononcé, qui s’est confirmé avec la sortie de son premier album Baby You Can Free Your Mind en juin. « Je voulais qu’on entende davantage ma voix plutôt qu’elle soit noyée sous des couches d’instruments », indique ce fan invétéré de Janet Jackson, qui aborde son homosexualité sur ce premier opus.Des chansons bonus tirées des sessions de cet album paraîtront prochainement.

Janette King

Janette King (Photo : Gioco)

Janette King

C’est d’abord la danse qui a interpellé Janette King à l’adolescence. Entre un cours de danse contemporaine et un autre de hip-hop, la Vancouvéroise d’origine écrivait de la poésie dans sa chambre et se découvrait tranquillement une passion pour la musique. Après sa graduation, elle a joint les rangs du populaire groupe soul The Boom Booms, avec qui elle a fait ses premières armes sur scène. « Cette expérience a été très révélatrice pour moi. C’est ça qui m’a amenée à composer mes premières chansons et à étudier en composition jazz au Vancouver Community College », explique-t-elle.

Durant ses études, King s’est dévoilée avec Electric Magnolia, un tout premier EP à la signature R&B organique et aux fortes influences de soul et de blues. En 2016, une tournée pancanadienne l’a convaincue de venir habiter à Montréal. « La vie à Vancouver était très chère, et je cherchais une place plus stimulante en ce qui concerne l’art et la création. Mon choix s’est arrêté sur Montréal, car la culture y est très vibrante. »

C’est dans la métropole qu’elle a fait la rencontre déterminante du producteur Jordan Esau, avec qui elle a donné une couleur plus moderne à sa musique. Paru en avril, son deuxième EP 143 est le fruit de plusieurs collaborations stimulantes de ce genre. « Je voulais m’ouvrir aux autres et proposer un projet plus électronique au lieu de travailler toute seule, comme je l’avais fait sur le précédent. L’accueil que j’ai reçu a été très chaleureux, donc je veux poursuivre sur cette voie », indique la multi-instrumentiste, qui travaille actuellement sur un troisième projet.

Kallitechnis

Kallitechnis (Photo : Lucho Calderon)

Kallitechnis

Kallitechnis a longtemps rangé la musique dans un coin de sa tête, en tentant de se convaincre que la vie avait quelque chose de plus stable à lui offrir. Danseuse de ballet et mélomane à la culture musicale aussi riche que variée, cette fan de Sade, de Kanye West et de Radiohead a dû passer par le baccalauréat en psychologie de McGill pour se rendre compte qu’elle voulait mettre l’art au centre de sa vie.

C’est en 2013, après avoir échoué à entrer à la maîtrise en art-thérapie de l’Université Concordia, qu’elle a compris qu’elle devait se donner la chance de réaliser son rêve. « Je devais attendre un an avant d’appliquer à nouveau pour ce programme. J’ai donc décidé de me lancer au lieu de me mentir à moi-même. À l’époque, Instagram commençait à devenir populaire, et on pouvait y voir plusieurs artistes se filmer à interpréter des covers. C’est ce que j’ai fait et, à ma grande surprise, j’ai reçu un très bel accueil », se souvient-elle.

Parmi ses nouveaux fans, le jeune producteur Rami.B de Planet Giza a repéré son talent, et Kallitechnis est entrée par la grande porte de la scène montréalaise, comme en témoigne Average, sa collaboration avec le rappeur Lou Phelps et le producteur Kaytranada parue en 2017. Depuis, la chanteuse et productrice multiplie les singles sur les plateformes d’écoute et peaufine sa signature R&B vivifiante avec différentes influences, du blues et du soul (Honesty) jusqu’au drum and bass (Running).

Et cette période fertile d’exploration est loin d’être terminée : « Je veux essayer le plus de choses possible et continuer de sortir plein de chansons. Beaucoup d’artistes mettent du temps et de l’énergie dans un projet complet, mais n’obtiennent pas nécessairement l’attention du public et des médias qu’ils méritent. C’est pour ça que l’approche du single m’apparait moins risquée en tant qu’artiste indépendant, qui assure tous ses frais. »

Shay Lia

Shay Lia

Shay Lia

Née en France, Shay Lia a grandi au Djibouti et a choisi de venir étudier en communication à Montréal. Dès son arrivée, en 2012, elle s’est intéressée à la scène hip-hop de la métropole qui, à l’époque, traversait une période effervescente, marquée par le début des soirées Art Beat, ces mythiques rassemblements de beatmakers qui ont permis l’éclosion de Vlooper, High Klassified, Da-P et Kaytranada.

C’est d’ailleurs ce dernier qui l’a prise sous son aile, juste après l’avoir entendue chanter dans une vidéo sur Facebook. « La première chanson que j’ai écrite, c’est avec lui. Mon premier spectacle aussi, c’était à ses côtés durant Coachella en 2017 », rappelle la chanteuse, qui y avait interprété Leave Me Alone, l’une des pièces mémorables de 99.9%, le classique instantané de Kaytranada.

Mais, depuis la fin de ses études l’an dernier, Shay Lia a voulu montrer au monde entier qu’elle était beaucoup plus que la muse du talentueux producteur longueuillois. « Beaucoup de gens pensaient que Kaytra écrivait toutes mes chansons, alors j’ai voulu qu’on réalise ma contribution. Je suis allée faire des sessions à Los Angeles avec Mr Carmack et je me suis entourée de plusieurs producteurs comme Jordon Manswell ou Pomo. »

Le résultat de cette quête musicale : la bombe R&B funky Dangerous, un EP paru plus tôt cette année qui a réussi à se hisser dans la longue liste du prix Polaris. C’est avec le vent dans les voiles qu’elle amorcera cet automne sa « première tournée sérieuse », notamment en première partie du populaire chanteur soul Omar Appollo en Angleterre.

À écouter également : Minoe, Black Atlass, Tika Simone, Kayta, Cyber, Laraw, Zeina, Naadei, Odile Myrtil, Syv De Blare, Forever, Aaricia, et Planet Giza.

 

 



Fierté Montréal bat son plein jusqu’au 18 août, un évènement qui rassemble les différences jusqu’à les faire disparaître. Avec l’art comme principal vecteur de regroupement, tous convergent à Montréal pour mettre en lumière nos similitudes.

Alexandra Stréliski

Alexandra Stréliski (Photo : Raphael Ouellet)

« J’ai principalement accepté de participer à la Pride parce que je crois fondamentalement à la diversité, à la justice et à l’égalité, dit la pianiste Alexandra Stréliski. Le principe de tolérance et de bienveillance est viscéral chez moi et je crois qu’il y a encore beaucoup de chemin à faire localement, mais surtout dans le reste du monde pour conscientiser les gens à la diversité sexuelle et la diversité de genre. »

Fondé en 2007 à l’initiative des communautés de la diversité sexuelle et de genres, Fierté Montréal est aujourd’hui le plus grand rassemblement de ce type à travers toute la francophonie.

En vedette durant le festival, des artistes appartenant aux communautés LGBTQ+, mais aussi des alliés, s’assurent de faire valoir tout ce qu’il y a de beau dans l’union, quelle qu’elle soit. Le festival Fierté Montréal célèbre la diversité en permettant à tous de rayonner.

Selon Jean-François Guevremont, directeur de la programmation de Fierté Montréal, ce lieu de paix et de célébration est unique en son genre et extrêmement utile pour donner des réponses à ceux qui en cherchent et même à ceux qui n’ont pas l’intention de poser des questions. « On utilise les arts, les activités et surtout la musique d’artistes d’ici, auxquels les gens peuvent s’identifier, pour offrir des messages positifs à ceux qui sont rassemblés. Des gens en questionnement profitent de Fierté Montréal pour venir rencontrer nos organismes, se renseigner. Il est important de savoir qu’on est en apprentissage constant. Comprendre la non-binarité, ce n’est pas simple pour tout le monde. Mais si c’est fait dans un contexte agréable et festif, c’est plus aisé. »

« Je crois qu’au final, il n’y a rien de mieux qu’un gros festival rempli d’amour pour que les gens s’unissent et se fassent entendre », Alexandra Stréliski

La diversité, ce n’est pas que l’homosexualité et l’éducation est à la base de tout, pour  M. Guevremont. Alexandra Stréliski est du même avis. « Toutes les célébrations sont importantes ! Mais dans le cas de la Fierté, c’est évidemment une question de visibilité. On peut penser à tort que la visibilité des homosexuels est avancée au Canada, mais même si c’est de plus en plus vrai pour les homosexuels, la communauté LGBTQ est bien plus variée qu’on le pense. Aujourd’hui c’est aussi la visibilité des gens non binaires, bisexuels, pansexuels, des personnes trans et bien plus encore qui sont en jeu. Et puis je crois qu’au final, il n’y a rien de mieux qu’un gros festival rempli d’amour pour que les gens s’unissent et se fassent entendre. »

Depuis deux ans, Fierté Montréal est l’évènement LGBTQ+ le plus important au Canada. « Ça nous donne une visibilité médiatique immense, croit M. Guevremont. On peut passer par nos artistes pour mettre de l’avant notre positionnement politique. La musique te capte et t’invite ici, mais on a aussi un volet communautaire axé sur la sensibilisation. Tout ça est extrêmement important. » Pour Alexandra Stréliski, qui se produira dans le cadre du spectacle Vagues le 14 août, le positionnement de notre province et de notre pays est idéal pour faire valoir des idées. « Pour moi, le Canada et particulièrement le Québec peut donner l’exemple à d’autres endroits où la cause est moins avancée. »

Son concert réunira plusieurs artistes de la « nouvelle vague ». Safia Nolin, Beyries, La Bronze, Geoffroy, Annie Sama, Anthony Carle, Wake Island et Mathis Xavier partageront la scène avec elle.

La musique est un langage qui rend tout plus facile selon le programmateur du festival. « Que les artistes soient dans la diversité ou non, ils osent s’afficher et soutenir un message, dit-il. C’est un statment que les artistes font en se montrant à nos côtés. Ce n’est pas tout de démontrer de l’ouverture, mais de poser une action concrète, ça peut changer quelque chose. Le fait que Claude Dubois, notamment, ait été avec nous dimanche, ça a surpris les gens. Les gens qui ne s’inscrivent pas dans un contexte de diversité ont besoin de voir des gens qui se positionnent comme ça. C’est un étonnement très positif pour nous. »

Musicalement, Jean-François Guevremont demeure impliqué toute l’année afin de dénicher les meilleurs filons pour intéresser un plus grand nombre de festivaliers. « J’assiste à des évènements et je fais des recherches. On organise des réunions consultatives, dit-il. On était très contents d’avoir une ambassadrice comme Ariane Moffatt en ouverture. Ça ne fonctionnait jamais durant les autres années. C’était une question d’horaire. On est aussi content que d’autres personnalités connues se joignent comme Roxane Bruneau,  Debbie Lynch-White et Safia Nolin. On est aussi très satisfaits de pouvoir faire de la place à des visages de la relève comme Antony Carle, par exemple. »

Alors qu’on reproche aux festivals de ne pas mettre assez de femmes en vedettes, Jean-François Guevremont souligne l’absence de diversité dans bon nombre de ceux-ci. « On se fait dire, par exemple, qu’on a beaucoup de drag queens durant notre festival, mais en avez-vous déjà vu à Osheaga ? Non! Sur 20 spectacles, il y en a trois qui mettent en scène les drags, soutient le programmateur. Ce n’est rien, surtout si on compte à quel point ça vient pallier le nombre déficient dans les autres festivals de musique. »

Pour lui, l’évolution n’est jamais finie. « Les gens, il y a quelques années, nous disaient qu’il y avait beaucoup d’alliés et pas assez de gens queer, se rappelle-t-il. On veut être le plus représentatif possible. On a un bon nombre de lesbiennes du milieu musical. C’est un bon pas en avant pour nous. On veut aussi être diversifié en termes de musiques pour accueillir des gens aux gouts divers.» Il est aussi capital, selon M. Guevremont, de faire en sorte que les festivals du Québec et du Canada cessent de « cocher des cases » de diversités avec « un gai, un trans, une fille, etc. »

Une chose est certaine, c’est que la musique reste un véhicule de messages positifs, quel que soit le message. « Je pense que la musique peut tout simplement mettre de la douceur sur les cœurs qui en ont besoin, dit Alexandra Stréliski. Donc que ça soit des cœurs queers, L, G, B ou T… nous sommes tous semblables dans notre expérience humaine et c’est ça que j’ai envie de mettre de l’avant. »