Échevelé, à moitié chauve, frisé, portant des lunettes avec d’épaisses montures noires sur le bout du nez, Socalled (de son vrai nom, Josh Dolgin) évoque un petit cousin de Woody Allen. Né à Ottawa, Dolgin grandit à Chelsea, tout juste au nord. C’est à l’adolescence qu’il se met à fabriquer des beats après avoir joué dans une kyrielle de groupes world à Ottawa. À cette période, il découvre les studios maison, les batteries électroniques et les échantillonneurs. Plus tard, il déménage ses pénates à Montréal, étudie à l’Université McGill et collectionne les vinyles de manière compulsive. Méticuleux, il se met à allier divers styles musicaux dans son labo sonore. « Pour moi, la fusion des styles est une chose toute naturelle. À la base, c’est la relation entre la musique hip-hop et les formes plus anciennes de musiques afro-américaines qui m’intéressait. J’ai toujours été un grand fan de funk. Quand j’ai découvert Snoop Doggy Dogg, j’ai entendu les vieux morceaux de funk avec des textes profondément contemporains venant de la rue. Ça me touchait. Pourquoi le rap rejoignait-il un petit gars blanc et juif québécois? Parce qu’il s’agissait de la musique de ma génération. On écoutait ça pour se rebeller contre la société, pour se sentir cool et contemporain. On ne voulait pas de grosse musique pop, » raconte le volubile Dolgin, animé.

Insomniaque et inclassable
Sans pour autant délaisser ses influences hip-hop, Socalled a quelque peu ajusté son tir pour sa nouvelle collection de morceaux. Il débarquait plus tôt cette année avec Sleepover, un quatrième album plus accessible et davantage axé sur les chansons. Proposant une autre savante fusion de styles (pop, rap, musique klezmer, jazz, folk, etc.), notre homme s’est adjoint les services d’une trentaine d’invités (dont Katie MooreChilly Gonzales, Enrico Macias et le légendaire pianiste Irving Fields). Un résultat pour le moins groovant et… hétéroclite. « C’est aussi le problème! Les gens ne savent pas dans quelle catégorie me placer! Aujourd’hui, il n’y a plus de magasins de disques. Il n’y a qu’iTunes. J’ai de la difficulté à me trouver une niche avec ce disque. Je dirais que c’est du do-it-yourself-world-electro-pop! Après avoir complété mon album précédent (Ghettoblaster), j’ai vu ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas avec la fusion de certains styles. J’ai voulu faire un disque plus accrocheur cette fois-ci. Sleepover est moins orienté sur l’identité culturelle, » précise l’homme de 34 ans.

Ouvert au multiculturalisme
Compositeur, producteur de grand talent et maître des textures sonores, Dolgin a toujours vécu dans un environnement favorisant le multiculturalisme. Pleinement conscient de sa culture juive, l’homme a voyagé et ramassé tout ce qui lui est tombé sous la main en matière de vinyles. À la recherche de nouveaux breaks (un segment musical de quatre mesures ou moins qui est répété), il en vient à amalgamer musique klezmer et hip-hop. « Au départ, je me suis mis à échantillonner de la musique afro-américaine : du funk, du r&b, du blues, de la soul. Bref, la musique que j’écoutais et que je préférais. J’ai commencé avec la collection de mes parents, mais j’ai fini par découvrir que l’on pouvait échantillonner n’importe quoi : du Vivaldi, du folk russe… Lorsqu’on est jeune, on peut se permettre d’expérimenter à sa guise sans craindre de se faire poursuivre! J’étais libre et j’aimais cette sensation. Ainsi, j’ai commencé à dénicher de la musique de théâtre yiddish des années 1920 et 1930, de la musique de synagogue, de la musique juive religieuse et de la musique klezmer. Je trouvais ces disques dans les poubelles, à l’Armée du Salut, dans des ventes de garage, dans des sous-sols. Ces vieilles musiques étaient encore fraîches à mes oreilles, funky, belles et magnifiques. Aussi cools que la salsa ou le reggae, » avoue-t-il, la voix vibrante.
Cet automne, les projets se multiplient pour Dolgin. En plus d’offrir ses nouvelles chansons sur scène à quelques reprises, il souhaite présenter un spectacle musical qu’il a lui-même écrit (et qui mettra en vedette des marionnettes) ainsi qu’enregistrer un projet axé sur la musique de Kurt Weill (Lost in the stars). Non, Socalled n’a vraiment rien à son épreuve. « Je n’ai aucune envie de limiter mes activités à une seule sphère. J’explore toutes les possibilités. Ce qui est excitant dans ce métier, c’est de diversifier ce que l’on fait. Tant que je produirai de la musique, je serai heureux. Tu sais c’est quoi mon problème? J’aime sans doute trop la musique! Étant le plus jeune de ma famille, j’ai été marqué par les disques de mes frères. L’un appréciait la musique métal, l’autre, des trucs plus alternatifs. J’ai donc grandi en aimant Van Halen, Bon Jovi, les Talking Heads, R.E.M., The Cure, Tom Waits. Tu vois ce que ça donne aujourd’hui? » Coloré et sympathique personnage, ce Socalled.