Safia Nolin a fait sa marque en peu de temps l’automne dernier avec un premier album qui n’est pas passé inaperçu. Limoilou s’est retrouvé dans les palmarès des meilleures parutions de l’année, a récolté 4,5 étoiles dans Les InrockuptiblesMême Lou Doillon a craqué, puis a invité la « jeune songwritrice fragile et bouleversante » – dixit Les Inrocks – à faire ses premières parties en décembre, une dizaine de dates au total. « C’était toujours assez plein, il y a eu plusieurs concerts sold out. On a joué sur des crisses de gros stages et des petits bars, on a aussi fait quelques showcases. C’était tout le temps nice et Lou est fucking cool », raconte la principale intéressée.

Safia NolinEntre le Lion d’or et le Casino de Paris, il y a un océan que Safia Nolin a franchi pour la première fois, courageusement, flanquée de son grand complice, le guitariste Joseph Marchand, et d’un soundman, Francis Beaulieu. « La première fois que j’ai joué dans une grosse salle, c’était au Paloma à Nîmes, une salle neuve, super belle, imposante : j’ai vraiment pogné de quoi. Ce jour-là, j’ai réalisé ce que c’est qu’une grosse gig. Mais une fois que tu en as fait une ou deux, ça va : 2000 ou 800 spectateurs, il n’y a pas grand différence. »

C’était aussi la première fois que Safia mettait le pied dans un avion. « J’avais peur, toute la ville était au courant. Finalement ça s’est bien passé! Même qu’un de mes plus beaux souvenirs, c’est en m’envolant vers l’Europe. J’ai dormi cinq minutes dans l’avion. Joseph m’a réveillée, le soleil se levait. J’ai écouté une toune de Beach House, PPP, pis j’ai pleuré. En décollant au retour, c’était Gila Je réécoute ces tounes-là et j’ai des gros sentiments, je revis des émotions fortes. »

C’était aussi la première visite de Safia sur le Vieux Continent. Un choc? « Je ne m’attendais pas à ce que ce soit à la fois aussi différent et similaire! On a plein d’affaires à apprendre d’eux, mais eux aussi ont plein d’affaires à apprendre de nous. Moi je mange pas de viande… Eh tabarnak, c’était difficile! J’ai pas mangé de légumes pendant trois semaines. » T’as mangé quoi? « Du brie pis du fucking pain! »

Le 21 décembre, quelques jours après son retour d’Europe, on pouvait lire ces mots sur la page Facebook de Safia Nolin :

 « Jouer Igloo, c’t’osti de toune de viarge de tristesse qui m’a sauvé la vie devant 1200 personnes sur un autre continent, à des milliers de kilomètres de l’esti de trou noir de fin du monde qui m’habitait, c’est le plus grand sentiment de ma vie. »

Safia Nolin a mis tout son mal de vivre dans son premier album, dans cette chanson en particulier, sa plus puissante, émotivement, mélodiquement… Sur Bandcamp, un fan crie son amour pour Igloo : « Fuck ça feele motton dans gorge mais c’est bon comme ta première baise ». « Quand je l’ai écrite, j’étais vraiment deep dans mon shit, genre ma vie sucke. Maintenant c’est différent : ma vie sucke plus de la même manière. J’ai des problèmes, mais c’est pas les mêmes. C’est tout le temps spécial pour moi de la jouer. À la fois bizarre et vraiment le fun. »

Chansons pures à la mélancolie aiguë, voix claire, les tripes sur la table, ça pourrait être lourd, mais le charisme étincelant de Safia, son humour, rétablit l’équilibre. Elle ne se voit pas écrire autre chose que de la « miouze triste. Mais on sait jamais, si je fume un esti de gros joint, peut-être! Je commence à apprécier la musique qui n’est pas extra-downer, mais c’est un gros step pour moi. »

Safia NolinCe contraste entre le spleen des chansons et la fille amusante, le personnage attachant, fait en sorte que chaque fois Safia nous met dans sa petite poche. Elle est consciente du paradoxe, « mais ce n’est pas voulu. » Elle s’adresse à la foule avec un naturel désarmant. « Je me suis demandé au début ce que j’allais ben pouvoir raconter aux gens, ça m’est arrivé aussi en France. Mais je suis restée moi-même, j’ai dit les mêmes niaiseries qu’ici pis ça a fucking marché. Ils riaient beaucoup… Je ne sais pas si c’est à cause de mon accent ou de mes jokes!!! On saura jamais! »

Safia Nolin démarre 2016 sur les chapeaux de roues avec un agenda booké jusqu’en mai. Elle fait les premières parties de Louis-Jean Cormier, quelques concerts solo… Et la France, y a-t-il des offres sur la table à ce stade-ci? « Aucune idée. Mais je pense bien que je vais y retourner. »