Lorsque Rose Cousins était universitaire, à Halifax, elle avait l’habitude de se rendre à la cafeteria de sa résidence pour y jouer du piano, mais seulement lorsque personne n’y était. « Il était hors de question pour moi de jouer devant des gens », se souvient-elle. Et ce, malgré le fait qu’elle apprenait alors la guitare et avait commencé à jouer de manière informelle devant quelques personnes, son temps au piano était son moment à elle.

Ce n’est en effet qu’à partir de son deuxième album, The Send Off, paru en 2009 et réalisé par Luke Doucet de Whitehorse, que Rose Cousins — reconnue pour sa voix pleine de soul et ses textes très émotifs — a osé inclure son jeu au piano sur quelques pièces tristes.

Il semble donc couler de source, en quelque sorte, que son quatrième et plus récent album – Natural Conclusion, un opus qu’elle décrit comme « la chose la plus honnête et la plus vulnérable » qu’elle ait produite – la voit jouer du piano plus que jamais auparavant. « Je suis très excitée », avoue-t-elle d’emblée. « Le piano est le premier instrument que j’ai appris, c’est donc comme boucler la boucle pour moi. »

Il n’y a toutefois pas que le fait de jouer du piano qui lui donne l’impression d’être à nu. Avec ce nouvel album, Cousins, qui est née et a grandi à l’Île-du-Prince-Édouard, aime aller au-delà de ses propres limites, y inclus son approche créative et sa production.

« La co-écriture me terrifiait, mais je voulais affronter ma peur. »

« Je tentais de porter attention aux manifestations physiques de mon surmenage », dit-elle en repensant à cette période. « J’ai travaillé sans arrêt pendant toute l’année 2013, et j’étais constamment en tournée. Ce n’est qu’à mon retour d’une importante tournée australienne, début 2014, que je me suis sentie comme un véritable détritus. »

Pour la première fois de sa carrière, Cousins a dû annuler certains spectacles et, peu de temps après, elle a glissé sur une plaque de glace et s’est cassé un bras, la forçant ainsi au repos. « Ça prend huit semaines pour guérir un membre cassé », explique-t-elle. « Exactement huit semaines après avoir cassé mon bras, j’avais un spectacle de prévu. »

Mais plutôt que de se lancer dans un nouveau et épuisant cycle de tournée et d’enregistrement, Cousins a plutôt pris un peu de recul et s’est accordé un peu d’espace pour s’amuser en studio et faire un voyage à Boston, où elle a de nombreux contacts musicaux. Après avoir lancé un EP en septembre 2014, elle a senti qu’elle était prête pour son prochain défi : la co-création.

« La co-écriture me terrifiait, mais je voulais affronter ma peur », dit-elle avant de poursuivre en expliquant que l’idée d’écrire des chansons qui seraient interprétées par d’autres l’attirait, tout comme la création de musique pour le cinéma et la télé. « J’ai envie d’avoir un supplément de revenu grâce à des musiques qui peuvent travailler pour moi pendant que je travaille sur autre chose. »

Pour elle, c’était également une occasion de changer de rythme, d’échanger la cadence effrénée des tournées pour une chance de collaborer de manière un peu plus approfondie avec certaines personnes dans différentes villes. Ainsi, à l’automne 2014, elle s’est retrouvée à Nashville, avant de faire des arrêts créatifs à Los Angeles, Toronto, en Irlande et à Boston pendant l’année qui a suivie, en profitant pour établir de nouvelles relations et explorer de nouvelles approches de création.

« J’ai beaucoup aimé sortir des limites de mon genre musical, peu importe comment on le définit, pour m’amuser avec des pièces très pop, sombres ou même dance », dit-elle en riant. « Vraiment, on s’en fout. C’était génial de déployer mes ailes et de ne pas avoir à m’inquiéter de savoir si Rose Cousins allait pouvoir chanter ça sur scène. »

Bien qu’elle se décrive elle-même comme quelqu’un d’introverti qui déteste les banalités, elle avoue d’emblée qu’elle a adoré les conversations très personnelles qu’elle avait parfois avec des gens qu’elle venait à peine de rencontrer pour travailler. « Ma plus grande crainte était de perdre ma façon d’écrire, mais maintenant je sais qu’il n’y a rien à craindre. »

Quelques-unes des cocréations nées de cette époque se sont retrouvées sur Natural Conclusions, réalisé par Joe Henry, le réputé producteur maintes fois primé aux Grammys. L’album met également en vedette une impressionnante liste d’artistes invités, dont le pianiste Aaron Davis et le guitariste Gord Tough, de Toronto, l’Haligonienne Asa Brosius à la guitare pedal/lap steel, le bassiste bostonnais Zachariah Hickman, Kinley Dowling du groupe Hey Rosetta ! aux cordes, ainsi que Jill Barber, Caroline Brooks (The Good Lovelies) et Miranda Mullholland (Great Lake Swimmers) aux chœurs. Tant le quotidien britannique The Guardian que CBC Music ont mentionné que ce serait un album à surveiller en 2017.

Rose Cousins

Qui plus est, Rose Cousins, qui a l’habitude de monter seule sur scène, est ravie de pouvoir compter sur la présence d’un groupe derrière elle durant la tournée qui accompagnera ce nouvel album. Sa tournée 2017 aux États-Unis et au Canada s’étalera de la mi-février à la mi-avril avant de se conclure chez elle, au Confederation Centre de Charlottetown.

« J’ai hâte de jouer avec eux et de vivre l’expérience de monter sur scène en groupe, un truc que je n’ai pas eu la chance de faire pour la majeure partie de ma carrière », dit-elle visiblement réjouie. « C’est une nouvelle étape pour moi, tout comme l’écriture et l’enregistrement de cet album ont représenté une évolution pour moi. »

Tandis qu’elle pose un regard sur l’avenir, sur ce qu’elle a appris et sur ce qu’elle espère accomplir, Rose Cousins, qui est également photographe, sait maintenant que d’accorder du temps à sa créativité, plutôt que tenter de forcer celle-ci lorsqu’elle a un temps libre entre deux spectacles, sera désormais crucial. « Je me sens mieux en tant que personne lorsque je peux créer plus souvent », dit-elle en toute simplicité. Quoi qu’il en soit, elle mettra avant tout l’accent sur l’exploration de nouveaux horizons, musicaux et autres, en plus de trouver de nouveaux moyens de soutenir d’autres artistes.

« Je cherche une façon de faire une différence dans ce monde », affirme l’artiste. « Et même si je sais que la musique a cet effet et touche les gens, fait une différence, je me demande souvent si je peux avoir un impact ailleurs. »

En attendant, ouvrez l’œil lorsque vous voyez un piano…