Lorsqu’un certain Maléco quitte les rangs du trio hip-hop acadien Jacobus et Maléco, les membres toujours en poste (Jacobus et Leks) se joignent à Tekstyle et Timo et se rebaptisent Radio Radio. Après un premier mini-album accompli et satisfaisant mais peu remarqué (Télé Télé) en 2007, le quatuor rassasie les amateurs de gros beats bien gras avec un vibrant premier disque complet (Cliché hot) en 2008. Chargé de rythmes percutants et denses et de textes en chiac (croisement entre le français et l’anglais) remplis d’ironie et d’humour, l’opus séduit par sa fraîcheur.

En février dernier, Radio Radio récidivait avec Belmundo Regal, un deuxième recueil plus cool, aux beats un brin plus raffinés et recherchés. Derrière l’intrigant titre se dissimule un hommage à l’un des monstres sacrés du cinéma français, mais aussi à la vie. Tout simplement. « C’est certainement un clin d’œil à Jean-Paul Belmondo, mais ça renvoie aussi à l’idée du “beau monde” : la terre est belle, la vie est belle. On avait envie de renouer avec cet esprit de joie, de célébration. C’est un album plus calme et naturel, même si on fait encore la fête. Fêter et danser, c’est notre raison d’être. Tu nous enlèves ces choses et nous ne sommes plus rien. La seule différence, c’est qu’on s’est déplacés pour faire la fête, maintenant qu’on habite tous en ville, » soutient Alexandre Bilodeau, alias Leks. En effet, Bilodeau et son acolyte Gabriel Malenfant, alias Tekstyle, se sont installés à Montréal. Seul Jacques Doucet (Jacobus) réside en Ontario.

Si Belmundo Regal se veut plus décontracté dans l’ensemble que son prédécesseur, l’absence de Timo, MC de choc particulièrement doué, y est sans doute pour quelque chose. Le quatuor acadien est ainsi devenu un trio l’an dernier à la suite du départ volontaire du populaire MC. « Ce n’est pas une chicane interne, assure d’emblée Bilodeau. C’est un gars qui a un immense talent. Il sait divertir les foules, mais c’est aussi quelqu’un dont la musique est axée sur la testostérone. La nôtre est davantage axée sur l’œstrogène ! Tu vois ce que je veux dire ? En même temps, il a eu une petite fille. Passer tout ce temps sur la route était difficile pour lui. Il s’ennuyait de sa fille et sentait que sa place était avec sa famille. Je le respecte énormément, mais au niveau de la musique, on avait atteint un point où on avait fait ce qu’il y avait à faire ensemble. »

Alors qu’Alexandre se charge de la composition et de la production des morceaux du trio, le reste du travail créatif s’effectue en équipe… et aussi en solo. « Des musiciens reprennent les parties écrites et chaque membre du groupe écrit ses propres textes. Puis, on commence à jammer sur des musiques émanant de claviers et de machines tout en continuant de prendre des notes. On a chacun nos intérêts respectifs à part de la musique et on puise notre inspiration ailleurs. Tout à coup, tout prend forme. Tu sais, beaucoup de musiques sont sombres aujourd’hui. Il y a beaucoup de mélancolie et de tristesse. On parle de destruction, de fin du monde. On veut mettre un peu de positivisme dans la vie du peuple. On veut que les gens nous écoutent et se sentent mieux après, » raconte-t-il.

Fuyant toutes questions et idées politiques, les gars de Radio Radio ne sont aucunement intéressés à incarner des porte-étendards des provinces maritimes ou à soutenir un discours le moindrement engagé. Une des clés de leur succès, selon Bilodeau. « Avec Jacobus et Maléco, on retrouvait une énergie qui revendiquait une fierté acadienne. Nourris par notre ignorance de la scène musicale, on se sentait obligés de revendiquer cette fierté. Des membres du groupe ont fini par se sentir inconfortables là-dedans. On s’est rendus compte qu’il n’était pas nécessaire de raconter notre histoire et nos difficultés. On se fout de la gauche ou de la droite. C’est le yin et le yang. L’un a besoin de l’autre. On voulait plutôt se réunir et célébrer. C’était important de se libérer des contraintes de la défense de l’Acadie. Malheureusement, encore beaucoup d’artistes ressentent le besoin de représenter cette région. Ils ne comprennent pas qu’en faisant moins, on aide sa cause. Je considère qu’il est plus pertinent de parler de la vie en général. »

En plus de se préparer tranquillement à une tournée estivale (Québec, Nouveau Brunswick, Nouvelle-Écosse et Îles-de-la-Madeleine, entre autres, se retrouvent sur leur itinéraire), les gars de Radio Radio bossent sur un projet d’émission de radio qui pourrait être diffusée sur le Web au cours des prochains mois. « On veut se brancher, se faire entendre et prendre un contrôle créatif sur les médias qui nous entourent. On a une façon assez originale de penser, un style de vie particulier. Des petits gars de l’Acadie qui aboutissent en ville, ça a une perception intéressante de la société moderne, non ? On veut faire ça en toute liberté et produire des émissions quand ça nous dit. Dans le fond, c’est à l’image de ce que Radio Radio a toujours été : des gens qui apprécient pleinement la vie et te la font apprécier. »