À deux heures de l’après-midi, Xavier Dufour Thériault flânait toujours dans son lit en attendant l’appel du journaliste. Chanteur et bassiste au sein de la formation rock Gazoline, le musicien est une denrée rare. Alors que la tendance est à l’auteur-compositeur-interprète évoluant en solo, un choix souvent plus payant et plus facile à coordonner que la vie de groupe, Gazoline donne de surcroît dans un rock assumé et en marge des courants de l’heure comme le folk, la pop ou le rap.

Depuis la fin de la vague rock des années 2000 sur laquelle ont surfé les Strokes, les Hives, les Whites Stripes ou Malajube, les Breastfeeders et Le Nombre au Québec, plusieurs stipulent que le rock est au point mort, voire à l’agonie. « On en parlait récemment avec Xavier Caféïne (réalisateur du premier album homonyme de Gazoline). Il n’y a rien de plus rock & roll et baveux en 2014 que d’écrire une bonne toune rock. Ça prend des couilles, parce que plus personne ne le fait en français, et c’est là que Gazoline intervient. On parle de la mort du rock? Moi je vois un vide à combler, une ouverture même. »

« On parle de la mort du rock? Moi je vois un vide à combler, une ouverture même. » – Xavier Dufour Thériault de Gazoline

Le musicien originaire du Saguenay n’a pas tort. Depuis que Gazoline s’est installé à Montréal, le groupe s’est rendu en finale des Francouvertes, a lancé un premier disque remarqué par les médias et a vu plusieurs chansons se faufiler sur les ondes de NRJ, dont « Ces gens qui dansent ». Accrocheuse, la pièce a même permis au trio de devenir le Buzz NRJ du mois de mars 2014.

« NRJ a effectué un virage rock en janvier dernier pour se démarquer des autres radios commerciales, qui font toujours jouer les mêmes artistes pop, » explique Geneviève Moreau, directrice musicale de la station. » Après la montée de lait des membres des Respectables qui sentaient le rock boudé par les radios commerciales en 2009, le changement de cap a de quoi réjouir les amateurs de distorsion.

« C’est certain qu’on n’est pas aussi rock que CHOM, mais le mot se passe dans l’industrie. On reçoit davantage de démos provenant de jeunes groupes rock francophones. Il semble y avoir une nouvelle vague d’artistes moins nichés dans leur son. Après l’omniprésence du rock garage des années 2000, Gazoline offre des compositions plus pop, » commente Geneviève Moreau qui avoue également avoir un faible pour Mordicus. « J’aime les influences britanniques de leur album (Cri Primal paru en février). Le groupe me rappelle Oasis, et prouve que la palette rock québécoise s’agrandit. »

Derrière le son de Mordicus réside surtout l’envie de se démarquer selon Martin Moe, le bassiste du groupe originaire de Chicoutimi. « Comme on vient du Saguenay, si on a le malheur de donner dans les gros riffs gras, on va tout de suite se faire comparer à Fred Fortin et Galaxie. Avec Cri Primal, notre but était de prendre le rock britannique et le blues américain, les fusionner et bien les faire sonner en français. »

Selon le chanteur du groupe, Maxime Desrosiers, la diffusion radio plus soutenue des chansons de Mordicus à NRJ et Radio X ont déjà un impact sur la jeune carrière du groupe. « Les répercussions se mesurent facilement sur YouTube et les réseaux sociaux. On le sent aussi dans nos shows. C’est comme si soudainement, les spectateurs connaissaient certaines de nos chansons par cœur. »

À l’autre bout du spectre de la bande FM, les exemples sont différents, mais la tendance persiste selon Benoît Poirier, le directeur musical de la radio des étudiants de l’Université de Montréal (CISM). « Après quelques années de vache maigre, j’ai reçu beaucoup plus d’albums rock au cours du premier trimestre de 2014, » confie celui qui joue, dans une vie parallèle, de la batterie au sein du groupe rock explosif Jesuslesfilles.