La scène hip-hop québécoise serait-elle plus unie que jamais ? C’est ce que croient foncièrement les architectes du projet QCLTUR, une compilation initiée par le média éponyme et publiée en deux volets par Disques 7ième Ciel.

QCULTURÀ elle seule, la compilation regroupe près d’une trentaine d’artistes – majoritairement des producteurs et des rappeurs, mais aussi des artistes R&B (dont Barnev et Nissa Seych, seule présence féminine du projet). Si on met tout ce beau monde ensemble, ça donne plus de 45 millions d’écoutes sur YouTube et Spotify, et plus de 250 000 abonnés sur Instagram. Des chiffres imposants qui confirment – une fois de plus – que l’union fait la force.

Mais pour en arriver à fédérer autant de gens issus d’autant de milieux différents, ça prenait un esprit rassembleur. Et c’est ce que QCLTUR incarne.

Mené par Koudjo Oni, Benny et Létizia Exiga, le média montréalais a réussi en à peine deux ans à devenir un incontournable du circuit hip-hop québécois. Grâce à des vidéos dynamiques et épurées qui présentent sans artifice les artistes qui connaissent un certain succès sur la scène rap et R&B locale, QCLTUR [à prononcer ‘’culture’’] compte maintenant sur 24 000 abonnés sur ses réseaux sociaux (principalement YouTube et Instagram), mais surtout, sur une crédibilité hors pair auprès de la communauté qu’elle représente.

« C’est un média hip-hop super important au Québec », juge la révélation Raccoon, en vedette sur la compilation. « Ils ont un format hyper moderne, super efficace et adapté à notre génération. »

« C’est un des médias les plus qualitatifs et les plus rigoureux », croit également le jeune rappeur Nawfal, lui aussi présent sur le projet. « Leurs vidéos vont droit au but, et ils couvrent bien toute la scène underground. »

« C’est une plateforme créée par la culture et pour la culture », explique Koudjo Oni, directeur de la plateforme et producteur de renom ayant fait sa marque auprès de Kery James, Booba, Souldia et Sans Pression. « En 20 ans de vie au Québec, j’ai vu les médias classiques s’intéresser à quelques rappeurs, mais pour les artistes émergents, et même plusieurs artistes établis, c’est pas évident d’avoir une couverture. »

QCLTUR s’est donc donné comme mission de renverser la vapeur avec une ligne éditoriale plus neutre, s’assurant de mettre de l’avant tous les styles de rap de la province. « Tout part du nom qu’on a choisi : QCLTUR. Avec un nom comme ça, on n’avait pas le choix d’avoir une ligne éditoriale claire, de donner la parole à tous les mouvements, indépendamment de nos goûts et de nos préférences. On n’est pas les gardiens de la culture, mais on a ce désir d’être authentiques », explique Koudjo.

Et c’est cette authenticité qui a donné à la plateforme la légitimité de rassembler une partie importante de la scène qu’il couvre.

La première étape se déroule à l’automne 2020, quand le média réunit dans un grand studio de la métropole québécoise (celui de la boîte vidéo La cour des grands) une douzaine d’artistes pour réaliser la vidéo Up Next, une initiative visant à mettre de l’avant les rappeurs de la relève « qui vont faire du bruit » dans les prochains mois au Québec. « La réception du public et de la scène a tellement été bonne ! » se félicite Koudjo. « À partir de là, on sentait qu’il fallait redonner aux artistes d’une manière ou d’une autre. Et on s’est dit : ‘’Pourquoi on se lance pas dans une compil ?’’ »

Disques 7ième Ciel, l’une des deux plus importantes étiquettes hip-hop de la province, n’a pas mis de temps à évoquer son intérêt. « Au début, on voulait sortir le projet de manière indépendante. On voulait garder notre authenticité, notre impartialité », admet Koudjo. « Mais en parlant avec Steve [Jolin, directeur de l’étiquette], on a compris qu’il croyait vraiment au projet et qu’il serait juste là pour nous soutenir, et non pas pour nous brimer dans notre liberté créative. Il a compris notre philosophie d’entreprise médiatique. »

L’idée de base de QCLTUR était de faire collaborer des rappeurs bien établis de la scène avec les 12 jeunes artistes du Up Next. Tous ont été en mesure de participer à la compilation, sauf une : Emma Beko. « Ce sera pour une prochaine fois ! », espère Koudjo.

« On voulait mettre le rap québécois sur la mappe. On a pris l’expression à la lettre », Koudjo Oni de QCULTUR

Des mariages tout particulièrement intéressants sont nés, comme ceux entre Gnino et Shreez, Boris Levrai et Souldia, Sael et FouKi ainsi que Raccoon et Connaisseur Ticaso, réunis avec le légendaire Barnev (choriste pour Céline Dion) sur la chanson homonyme du projet.

« Je vois un peu ça comme un passage de flambeau », dit Raccoon, fier de cette collaboration qu’il attendait impatiemment. « Connaisseur représente l’ancienne génération, et moi, je suis le petit nouveau. Les deux, on a une essence lyricale, une rigueur dans nos textes. »

Mais au-delà de ces collaborations intergénérationnelles, QCLTUR s’est donné comme mandat de présenter la diversité de la scène. Entre trap, drill, R&B et afrotrap, la compilation s’assure également de dresser un portrait représentatif des principaux centres urbains du rap québécois. Ainsi, Souldia représente Limoilou, FouKi le Plateau, DawaMafia Brossard, Misa Gatineau, JPs Laval-des-Rapides… « On voulait mettre le rap québécois sur la mappe. On a pris l’expression à la lettre », dit Koudjo. « Le rap est un genre territorial, et on voulait ramener cet élément de la culture dans notre compilation. Ça crée un sentiment d’appartenance, une fierté. »

« Quand j’écoute la compilation, j’entends le son de tous les coins du Québec, toutes nos palettes musicales », explique Raccoon, qui incarne l’est de la métropole (Rivière-des-Prairies et Pointe-aux-Trembles). « Je constate à quel point on est polyvalents et à quel point y’a un public pour [tous les genres de rap]. On est tous super différents, mais super unis. »

Une unité vraie et organique qui est loin de rester en surface, selon ce qu’observe Nawfal. « J’ai l’impression que la COVID a accéléré les choses. Y’avait pu de shows, pu rien, donc les gens ont voulu faire plus de collaboration », explique celui représente le secteur Saint-Laurent dans l’ouest de Montréal. « Tranquillement, on s’en va vers une union. Une union de plus en plus solide, qui pousse tout le monde vers le haut. »