Éditorial Avenue - Daniel Lafrance, Éditeur de l’année au Gala de la SOCAN 2017 à Montréal.

Éditorial Avenue – Daniel Lafrance, Éditeur de l’année au Gala de la SOCAN 2017 à Montréal.

Daniel Lafrance, a le regard de ceux qui se tournent toujours vers l’avant, rarement vers l’arrière. Lorsqu’il est question de retracer son parcours, l’homme parle, mais ne s’étend pas. Car ce qui allume Lafrance est manifestement devant lui. Rendre Éditorial Avenue, récipiendaire du prix de l’Éditeur de l’année au Gala de la SOCAN 2017, toujours plus actif, compétent et polyvalent demeure son modus operandi depuis sa création en l’an 2000.

Les liens qui unissent Daniel Lafrance avec la musique remontent en 1969 alors qu’il est lui-même musicien dans un groupe jazz, tout en occupant une multitude de fonctions. Très tôt, Lafrance s’implique comme producteur d’album, tourneur, gérant et éditeur tout en prenant en charge la distribution et promotion. « J’ai fait mes classes comme ça. » En 1976, alors que Lafrance joue dans le groupe Solstice, il produit Conventum, l’Orchestre Sympathiques et Pierre Moreau. S’il délaisse peu à peu ses fonctions de musicien, Lafrance poursuit son travail tentaculaire auprès de différents artistes, dont Francine Raymond et Uzeb.

Mais en 1992, alors que Uzeb se sépare, Lafrance décide de se vouer à une seule activité, l’édition. « J’avais décidé de faire ce que j’aimais le plus et de le faire à fond. Quand je regarde ça maintenant, je te dirais, j’ai eu une vision d’avenir. » Lafrance part pour la France pour développer alors avec Daniel DeShaime un logiciel de gestion de droit, Ze Publisher !, une affaire qui enclenche des ventes chez plus d’une cinquantaine d’éditeurs à travers l’Europe.

« Le métier d’éditeur, c’est avant tout un métier de développeur »

Éditorial AvenueLorsque Rosaire Archambault et Michel Bélanger le contactent pour diriger une nouvelle boîte d’édition en l’an 2000, Lafrance revient au Québec et accepte le défi que représente Éditorial Avenue. Dès lors, son parcours tout terrain au sein de l’industrie musicale le sert très bien. « Lorsque tu accompagnes un artiste dès ses débuts et qu’il est alors souvent sans gérant, il est pratique d’avoir une perspective sur les contrats de disques. Cela te permet de donner de meilleurs conseils, de négocier des contrats au besoin. Bref, ça t’apporte un regard plus vaste sur le développement d’un artiste. Et le métier d’éditeur, c’est avant tout un métier de développeur ».

C’est dans une envie de renouveler un modèle que Lafrance arrive au Québec avec cette envie de diriger Éditorial Avenue. Il met en place les pactes de préférence, une façon de faire inspirée par son séjour en France. Ces contrats lient un artiste et les droits de ses compositions sur une durée de temps en échange d’avances et même, d’instruments de musique ou d’outils de travail.

« Évidemment, tu dois avoir les reins solides pour réaliser ce genre contrat… Mais l’objectif est de soutenir l’artiste, de lui apporter ce qu’il a besoin pour se développer pleinement. On prend ici des risques. Et c’est là que c’est intéressant. On gagne à signer de jeunes artistes qui débutent et qui recherchent ce genre de support.  C’est là, au début, qu’un éditeur peut réellement faire une différence. Plus tard, il y a l’expérience qui rentre et plusieurs artistes aujourd’hui quittent les maisons d’édition pour devenir eux-mêmes des éditeurs. C’est une mouvance mondiale. Mais ces artistes reviennent souvent pour des services de gestion de droit, pour avoir une expertise qu’ils n’ont pas. »

Le succès, pour Lafrance, est multiple. Un éditeur est aussi gagnant avec un succès d’estime. Ou avec un artiste qui ne réalise qu’un tube radio. Pourtant, pour une compagnie de disques, ce genre de situation peut être désastreuse puisque le tube ne génère pas nécessairement des ventes d’albums. « Être éditeur, c’est un métier qui mise sur le long terme. Nous ne sommes pas dans le moment présent comme les labels. Au contraire, nous travaillons sur une vision. » Le soutien d’un éditeur se réalise aussi dans le parcours d’une carrière comme c’est le cas pour Jason Bajada, Aliocha et Matt Holubowski qui étaient tous les trois dans un atelier d’écriture à Los Angeles il n’y a pas si longtemps.

Si Lafrance a une vision claire de son métier, il ne se laisse pas séduire par des plans de match annuels serrés et rigides. Éditorial Avenue ne se donne pas des objectifs d’acquisition de catalogues, de signatures d’artistes ou de sous-catalogues européens. « Ça ne dépend pas de nous le nombre de signatures de catalogues. Tout ça ressemble au marché immobilier. Il y a des années qui sont bonnes et où il y a de belles offres. Je pense à l’achat du catalogue de Claude Léveillée, de Jean-Pierre Ferland, de Marcel Lefebvre – le Luc Plamondon des années soixante-dix -, de Laurence Jalbert et de Jean Lapointe… Mais je ne me fixe jamais un nombre de signatures par année. »

Ce que l’homme toutefois détermine, c’est l’élargissement de ses champs d’activités. Cette année, Éditorial a développé deux nouveaux secteurs, un département de droits voisins et un autre de libération de droits internationaux. Leur dernière négociation s’est réalisée avec Nintendo Japon où la maison d’édition a travaillé à la libération des droits de chansons de Katy Perry et de Taylor Swift pour deux jeux vidéo.

C’est face à ces nouveaux défis que Lafrance trouve son terrain de jeu, lui, qui a toujours la flamme aux yeux. « Je veux être chez Éditorial dans 5 ans. Dans 10 ans. En fait, je veux travailler jusqu’à 90 ans si ma santé me le permet. Car pour moi, tout ça, ce n’est pas un travail. »